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N° 5
MAI   2005
Constitution européenne:
dernière révision avant l'examen
Il y a une volonté politique:
étouffer le scandale de Gilly sur Isère!
Élections basques:
décevantes pour le PNV
Éthique rhônalpine.
Les bus du devoir.
La Constitution européenne:
en dix points.
Le Pape est mort,
Vive le Pape!
Tourner le dos à l'avenir?
Les Français, aussi peu habitués à la démocratie
Le Grand Paradis.
"le 4000 des Dames"!
Guiu Sobiela-Caanitz
l'Européen.
Le fromage gagne du terrain
Fondue et raclette des Gaulois?
Histoire de Samoëns
Le livre de Colette Gérôme
Humour paroissial.
On sait rire à Alby sur Chéran.
La justice aveugle,
et la juge trop clairvoyante d’Albertville.
Incinérateurs:
info et débat à Marignier.
Libérer sa voie ?
Libérer la Savoie ?
La puissance de la liberté.
Le nouveau défi américain.
Les mots croisés du Savoisien.
Le jeune et l'ancien
 
Parution retardée du Savoisien n°6.
 
Pour pouvoir réagir au résultat du référendum du 29 mai sur la Constitution européenne, Le Savoisien n°6 du mois de juin paraîtra un peu plus tard que d'habitude, c'est-à-dire dans la semaine qui commence le 6 juin.
 
Éditorial.
Constitution européenne: dernière révision avant l'examen.
Les Gaulois ont deux passions: la querelle et le psychodrame. Le traité établissant une Constitution pour l'Europe leur fournit une nouvelle occasion de se déchirer et de se ridiculiser sur la scène continentale.
Monsieur Bolkestein, libéral néerlandais, est assurément un original: il a acquis une résidence dans les environs de Maubeuge (pour son clair de lune?). Début avril, Frits Bolkestein s'était répandu dans les media français pour défendre son projet de directive. Il avait notamment déclaré qu'il serait bon que des plombiers et des électriciens polonais se présentent pour effectuer des travaux en France, car il est difficile de trouver un artisan disponible dans la région où il habite, le nord de la France. Le 13 avril, des agents EDF sont venus couper le courant à sa maison. Ils entendaient lui faire comprendre qu'il y a des électriciens en France. Mais M. Bolkestein aurait-il un jour décroché son téléphone pour trouver un électricien disposé à couper le courant chez lui? Désormais M. Bolkestein a découvert les électriciens à la française...
Il est urgent que la Savoie quitte cette vaste maison d'aliénés qu'est devenue la France.
Pour en revenir au référendum du 29 mai, la seule question posée est d'approuver ou de refuser le traité constitutionnel. Pour ses lecteurs, Le Savoisien en présente les principales dispositions en page 2.
Les Savoisiens ne se sentent pas concernés par le psychodrame français: leur OUI n'est ni de gauche ni de droite, ni libéral ni socialiste, il est seulement prudent et raisonnable. Que les Gaulois se débrouillent avec leurs frayeurs, leurs haines et leur bêtise.
Patrice Abeille.
 
 
Il y a une volonté politique d'étouffer le scandale de Gilly sur Isère!
Entretien avec Me. Thierry Billet,
avocat des parties civiles au procès de l'incinérateur de Gilly sur Isère (1).
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Aujourd'hui (6 avril 2005) le Canard Enchaîné publie un article intitulé "Comment Perben a écarté une juge trop impétueuse" (2). Est-ce que vous confirmez que l'ordre de dépayser l'affaire de Gilly sur Isère d'Albertville à Marseille a été donné par le ministre français de la justice?
— Ça ne peut pas être autrement. Depuis que la droite est revenue au pouvoir, il est très clair que les ordres individuels au Parquet sont redevenus à la mode (la gauche les avait exclus). Bien entendu sur un dossier comme celui-là, qui met en cause en particulier Michel Barnier, le procureur d'Albertville n'a pas pris la décision tout seul! Il a très clairement dit qu'il a eu des contacts avec le Parquet général, avec la Chancellerie, et il se s'en cache pas du tout: il reconnaît qu'il a agi sur ordre mais qu'il a pris la décision tout seul, ce qui fera sourire tout le monde. Bien entendu la requête est signée par le procureur, mais il est tout à fait clair qu'elle a été négociée en haut lieu.
Comment allez-vous organiser la défense des victimes de l'incinérateur de Gilly dans ces nouvelles conditions?
— Si l'affaire est renvoyée au tribunal de Marseille ce serait d'une gravité particulière: il ne s'agit pas seulement de l'instruction mais aussi du jugement, c'est-à-dire toute l'audience. Pendant plusieurs semaines on renverrait à Marseille le jugement d'un dossier qui ne concerne que Gilly sur Isère. On favoriserait ainsi les mis en examen. Pour eux cela ne pose aucune difficulté d'aller à Marseille. C'est bien plus simple pour monsieur Gibello d'aller à Marseille aux frais du contribuable, et de même pour son avocat: vos impôts paient les frais de défense des mis en examen, les déplacements ne leur coûtent rien. Pour les victimes de la pollution, c'est très différent: elles doivent prendre à leur charge l'ensemble des frais de déplacement, transports, hébergement, etc. C'est une situation d'inégalité totale!
Il faut donc d'abord se battre pour que le dossier ne soit pas transféré. L'ACALP (Association Citoyenne Active de Lutte contre les Pollutions) mène campagne à bon droit pour que la juge d'instruction (madame Lastéra) et le tribunal d'Albertville ne soient pas dessaisis. On ne sait pas encore si la juge d'instruction va accepter ou refuser son dessaisissement. Si par hasard elle l'accepte, ce sera vraiment contrainte et forcée, et alors nous attaquerons sa décision (avec son accord) devant la chambre criminelle de la Cour de Cassation; si elle refuse de se dessaisir, c'est le procureur qui pourra saisir la chambre criminelle. Ce n'est pas couru d'avance. Nous essayons d'expliquer au public comment on en arrive là: une instruction judiciaire qui a énormément avancé et dont on veut tout-à-coup confier la conduite à une magistrate qui travaille à mi-temps dans une "pôle de santé publique" à Marseille où il n'y a personne! C'est pour étouffer ce dossier qu'on fait ça.
Dernière heure:
Le 20 avril, madame Lastéra, juge d'instruction, a refusé de se dessaisir du dossier. Affaire à suivre...
 
Est-il possible à madame Lastéra de refuser son dessaisissement? Quelles conséquences pour sa carrière?
— Elle peut le refuser, et alors elle est "grillée", c'est clair. Dans un cas comme celui-là, c'est plus que du courage: elle se trouvera au ban de toutes les promotions du ministère de la justice, au moins pendant tout le temps où la droite sera là. La pression sur madame Lastéra est très forte: non seulement de sa hiérarchie, mais aussi de la plupart de ses collègues qui préfèreraient qu'elle ne vienne pas embouteiller le tribunal d'Albertville avec son dossier.
 
Pourtant le tribunal de Bonneville, qui n'est pas plus grand, a été capable d'organiser le procès de la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc. Alors?
— Bien sûr, mais le maire de Bonneville n'était pas poursuivi pénalement par le parquet de Bonneville.
 
Mais le maire de Chamonix l'était!
— C'est là que l'on voit le traitement de faveur promis à monsieur Gibello, c'est tout à fait scandaleux. Il n'y a pas de commune mesure: le coût d'un procès à Albertville serait bien moindre que celui de Bonneville, ne serait-ce que parce qu'il n'y a pas besoin de traductions. On aurait pu imaginer un dépaysement de l'affaire du Mont-Blanc sans grande difficulté puisque les familles des victimes viennent de partout, cela n'aurait gêné personne. Pour Gilly, toutes les victimes habitent à proximité d'Albertville!
Il y a donc une volonté politique. Pour la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc on n'a pas mis en examen les préfets alors qu'ils avaient une part de responsabilité évidente. À Albertville madame Lastéra a exprimé son intention de mettre en examen les préfets: pour éviter cela, d'une part on n'a pas renouvelé sa greffière depuis septembre 2004 de façon à la "coincer" au niveau de la procédure, et maintenant qu'il y a une greffière on veut dessaisir la juge! Parce que, derrière les préfets, il y a Michel Barnier, c'est ça qui est visé.
 
Pour élargir le sujet, que pensez-vous du PDED 74 (Plan Départemental d'Élimination des Déchets de la Haute-Savoie) qui a fait l'objet d'une récente enquête publique?
— Ce plan est piloté par la DRIRE (Direction Régionale de l'Industrie, de la Recherche et de l'Environnement) sous le contrôle du préfet. C'est un plan du 19e. siècle! Le plan de 1996 a été annulé par Dominique Voynet parce que la part de l'incinération était trop forte et qu'il n'y avait pas assez de recyclage, et on nous refait exactement le même plan aujourd'hui avec quelques phrases sur la réduction des déchets à la source. L'essentiel de ce plan, c'est de "vendre" le doublement de l'incinérateur de Marignier et une décharge de classe 2. Gérer les déchets de classe 2 en Haute-Savoie est une nécessité dans le département, mais faire une seule décharge le plus loin possible des habitations pour que les camions puissent y déposer tout ce que l'on veut, à commencer par les mâchefers des usines d'incinération que l'on ne sait pas traiter...
C'est un plan qui ne tire pas les conséquences de la circulaire Voynet de 1998, qui n'a aucune ambition en matière de réduction à la source, et qui ne tire aucune conséquence d'une catastrophe sanitaire aussi grave que celle de Gilly sur Isère. Pour les fonctionnaires, l'incinération est encore la voie royale, comme s'il n'y avait rien d'autre à faire en matière de gestion des déchets. Ils sont encore dans le mythe du feu purificateur.
Continuer à produire toujours plus de déchets et les incinérer, c'est un gaspillage délirant!
L'incinération réduit un peu le volume des déchets, mais libère dans l'atmosphère des métaux lourds et des dioxines qui sont la cause de cancers, on en a maintenant la certitude à Gilly.
 
L'État est-il responsable?
— Il faut que vos lecteurs le sachent: la personne que le gouvernement a nommée secrétaire général des DRIRE, c'est-à-dire celui qui organise le travail des directions régionales, celui qui a le contrôle de la police de toutes les installations classées pour la protection de l'environnement et en particulier des incinérateurs, s'appelle Alain Vallet. Il a été mis en examen pour ne pas avoir fait respecter la réglementation à Gilly sur Isère. On est dans une situation où le pyromane est le chef des pompiers! Et on voudrait nous faire croire que la réglementation va être appliquée...
Propos recueillis par Patrice Abeille le 6 avril 2005, relus et amendés par Thierry Billet.
(1) Thierry Billet est Conseiller municipal (opposition) à Annecy.
(2) Le Canard Enchaîné publiait le 13 avril un nouvel article encore plus affirmatif sur la volonté du ministre de la Justice de protéger Michel Barnier, Hervé Gaymard et deux anciens préfets de la Savoie du sud (Paul Girod de Langlade et Pierre-Étienne Bisch) très proches de Jacques Chirac et de Jean-Pierre Raffarin.
 
 
Élections basques décevantes pour le PNV.
Les électeurs d'Euskadi (la Communauté basque en Espagne) ne se sont guère mobilisés le 17 avril pour élire leurs députés au parlement basque de Vitoria. Contrairement aux élections de 2001, auxquelles la participation s'était élevée à 80%, ils n'ont été que 69% à se déplacer.
Si la coalition PNV-EA (nationalistes modérés) arrive en tête, elle n'obtient que 29 sièges sur 75, bien en-deça de la majorité absolue qu'elle espérait. Les socialistes gagnent 4 députés au détriment du Parti Populaire (droite): 18 pour les premiers, 15 pour le second. Un parti inconnu dénommé Parti communiste des terres basques a recueilli en masse les voix des sympathisants des nationalistes de la lutte armée et fait une percée avec 9 élus. Le Lehendakari (président) Juan José Ibarretxe devra donc gouverner le Pays Basque en position difficile. Comment pourra-t-il, dans ces conditions, persévérer dans son projet de souveraineté basque associée à l'Espagne?
 
 
Éthique rhônalpine.
Les bus du devoir.
La Région Rhône-Alpes vint d'augmenter la fréquence des transports par autocars entre Annecy et l'aéroport de Lyon Saint-Exupéry. Personne ne s'en plaindra. Mais le vice-président régional chargé des transports, le glorieux Bernard Soulage, aurait pu nous épargner cette justification moralisante: "L'agglomération d'Annecy est tournée vers Genève et il est du devoir de la Région de solliciter les transporteurs pour mettre en place une offre de service pertinente et attractive pour rallier l'aéroport régionale de Lyon Saint-Exupéry". Monsieur Soulage pense encore, comme les Français de 1914, que "derrière chaque Suisse, il y a un Boche". Mais pourquoi vient-il villégiaturer au Grand-Bornand au lieu de se détendre dans une commune du Rhône ou de l'Isère "tournée vers Rhône-Alpes"?
 
 
La Constitution européenne en dix points.
Le traité établissant une Constitution pour l'Europe, signé par les chefs d'États et de gouvernements à Rome le 29 octobre 2004, est un texte de compromis. On y trouve des équilibres subtils, et pas toujours très clairs, entre plusieurs conceptions politiques. Il ne faut donc pas s'étonner si chacun, en fonction de ses propres choix, y voit tantôt du noir, tantôt du blanc. Mais une lecture attentive permet de dégager les principaux apports de ce traité par rapport à la situation présente de l'Union européenne.
 
1. Les droits fondamentaux.
La partie II du traité intègre à la Constitution la Charte des droits fondamentaux des citoyens et résidents de l'Union européenne. Ces droits sont plus étendus que ceux définis par le Conseil de l'Europe (Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales): ils comportent des droits sociaux pour les travailleurs et les chômeurs, des droits à la santé et à un environnement de qualité, et d'accès aux services d'intérêt général (appelés "services publics" en France). Les droits définis dans la Constitution pourront être invoqués contre les institutions européennes, et aussi contre les États uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le Droit de l'Union (c'est le cas pour 80% des lois françaises).
 
2. La simplification.
Le traité remplace par un texte unique les principaux traités européens existants (Partie IV). Tout le fonctionnement de l'Union européenne est décrit dans un seul texte. Les normes européennes sont réduites à six catégories (I-33 à I-39): lois-cadres, lois, règlements, décisions, recommandations et avis.
 
3. La transparence.
Les réunions du Conseil des Ministres sont publiques quand il délibère et vote sur un projet législatif (I-24 et I-50): c'est la fin des tractations secrètes entre les États sur le dos des peuples.
 
4. La démocratie.
Le pouvoir de décision du Parlement européen, élu directement par les citoyens, est augmenté.
Une pétition signée par un million de citoyens européens oblige la Commission à présenter un projet de décision pour résoudre un problème.
 
5. La subsidiarité protégée (I-11 et protocoles 1 et 2).
Les parlements des États seront saisis de tous les projets législatifs de la Commission et disposeront d'un délai de six semaines pour les contester. La Commission devra revoir son projet si un tiers des parlements nationaux s'y opposent au nom de la subsidiarité.
 
6. Adhésion et démission (I-58 à I-60).
L'adhésion est possible pour tout État européen qui respecte les valeurs définies dans la Constitution: la Savoie a donc sa place dans l'Union européenne.
Les adhésions sont acceptées à l'unanimité des États membres.
La France, elle, peut choisir de se retirer de l'Union européenne en application de l'article I-60.
 
7. L'efficacité (Partie I, Titre IV).
Au lieu d'une présidence tournante tous les six mois, le Conseil élit son président pour un mandat de 2 ans 1/2, renouvelable une fois. Il élit également un ministre des Affaires étrangères de l'Union.
Au Conseil européen et au Conseil des ministres, la plupart des décisions se prennent à la majorité qualifiée (55% des États représentant 65% de la population). Les États perdent leur droit de veto, sauf dans certaines matières (fiscalité, défense...).
 
8. Libéralisme ou socialisme?
Les Libéraux voient dans le texte une philosophie social-démocrate. Les socialistes européens y lisent un compromis entre le libre marché et la protection sociale. En France il n'y a pour ainsi dire pas de Libéraux: gauche et droite sont d'accord sur la prépondérance de l'État et de l'administration sur l'économie. Mais les réalistes de gauche comme de droite ont compris que le dirigisme français est mort, et les doctrinaires s'y accrochent encore.
En fait la Constitution se contente de reprendre l'ensemble des traités qui régissent l'Union européenne. Certains sont libéraux (marché unique, euro, libre circulation des travailleurs et des capitaux), d'autres socialistes (agriculture, aide aux régions en retard).
 
9. Dispositions aggravant les défauts actuels de l'Union européenne.
Il n'y en a pas.
 
10. L'avenir de la Constitution.
La Constitution européenne est adoptée pour une durée illimitée (IV-446). Mais elle pourra être modifiée de deux manières:
— selon une procédure simplifiée pour des modifications mineures;
— selon le système de la Convention, du Conseil et de la ratification à l'unanimité des États membres pour les modifications importantes.
Il n'y a donc rien de changé par rapport aux traités successifs qui ont construit l'Union européenne depuis 1957.
 
 
Le Pape est mort, Vive le Pape!
Le décès de Jean Paul II a été largement relaté par les médias, néanmoins sa mort m’interpelle.
Depuis 4 ans, l’État du Vatican nous préparait à sa disparition. En 2001 les cardinaux s’étaient réunis, Jean-Paul II en avait nommé de nouveaux afin de rajeunir les électeurs du prochain Pape.
Souvenons-nous de Jean-Paul II, cet homme qui a su motiver les foules et plus particulièrement les jeunes qui l’ont rencontré. Ils ont vu en lui le patriarche de l’Église qui depuis Jean XXIII était bien mal. Par son charisme, il a su intervenir dans des affaires internationales, n'a-t-il pas contribué courageusement à la chute du communisme?
Il a porté son message dans le monde entier malgré la maladie, la vieillesse, il s’est donné sans compter. Il s’est comporté comme un bon apôtre de Dieu, opiniâtre à sa tâche. Combien de prêtres actuels pourraient en dire autant?
Néanmoins malgré tout le respect que je lui porte comme Père de l’Église, Homme politique (l’État du Vatican), et personne d’un certain âge, j’ai en mémoire une phrase qui a valu à mon père une paire de claques de la part de ses parents: "Et croyez au discours de ces vieilles personnes qui trompent la jeunesse"... N’a-t-il pas trompé les jeunes et les adultes en disant que le préservatif ne préservait pas du SIDA? Combien de personnes ont-elles été contaminées par ce Divin principe que l’abstinence est mère de sûreté, cela était bon pour le début du 20e. siècle, mais plus de nos jours. Je ne pense pas que ce soit du ressort de la papauté d’édicter des lois sur la santé, ils sont là pour l’Esprit et non pour le Corps.
Avant l'élection de Benoît XVI, une vision m'est apparue: le Pape, les bras levés, face à la Savoie, du haut de ses appartements pontificaux s’écriant "Rendons à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu, de même rendons la Savoie aux Savoisiens et laissons à la France l’Île de France."
Le rêve ne fait de mal à personne, il permet de vivre en attendant mieux. Ne peut-on pas rêver? Est-ce interdit par la loi française? Les Français font des cauchemars, les Savoisiens savent rêver.
En 1982, Jean-Paul II se faisait lui-même pèlerin de Compostelle d’où il lança cet appel: "ô vieille Europe je te lance un cri plein d’amour: retrouve-toi toi-même, sois toi-même, découvre tes origines, renouvelle la vigueur de tes racines, revis ces valeurs authentiques qui couvrirent de gloire ton histoire et firent bénéfique ta présence dans les autres continents."
Anne Marie ROSSET.
 
 
Tourner le dos à l'avenir?
Les Français, aussi peu habitués à la démocratie par référendum que largement ignorants des institutions européennes et de leur histoire, n'ont jamais été aussi désemparés à la veille d'un scrutin. Leur république incapable de se réformer ne les rassure pas. Il est à craindre que les changements nécessaires se fassent bientôt dans la douleur, la France est coutumière du fait, contrairement à la Savoie.
On entend tout et surtout n'importe quoi au sujet du traité constitutionnel. Tout y passe! Si tout va mal en France, c'est "naturellement" la faute à Bruxelles! Cela a toujours arrangé les politiciens français de le faire croire, mais maintenant les voici pris au piège des mécontentements convergents, du ras-le-bol qui enfle et qui menace d'engloutir les urnes. Qu'ils s'en dépatouillent!
La Savoie d'hier, au cours de son histoire millénaire d'indépendance au cœur de l'Europe, a su y tenir son rang pour le bien de ses habitants. La Savoie d'aujourd'hui dispose de nombreux atouts pour participer avantageusement à la nouvelle architecture du continent. Ceux qui en doutent devraient méditer sur ce terrible 20e. siècle qui vit l'Europe se détruire par la faute des grands États, la plupart multinationaux mais se prétendant États-nations. Les Savoisiens furent l'un des nombreux peuples martyrs de cette catastrophe.
Il n'est donc pas étonnant que le 9e. Congrès de la Ligue savoisienne (novembre 2004, Bourg Saint-Maurice), en conclusion d'un débat interne de plusieurs mois, ait donné un soutien écrasant au oui à la Constitution européenne. Depuis quatre ans nous sommes présents à Bruxelles pour soutenir, au sein de l'Alliance Libre Européenne, l'édification de l'Europe des peuples libres. Depuis longtemps nous avons compris que l'émancipation de la Savoie n'est possible que si l'Europe avance et dans la solidarité avec les autres petites nations. Alors, pourquoi tourner le dos à l'avenir?
 
Joël Ducros, Directeur du Savoisien, Secrétaire général adjoint de la Ligue savoisienne.
 
Le Grand Paradis.
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Dimanche 5 septembre, à 5 heures 30 du mat': sous un ciel pur et fantastique, protégés par le bouclier d'Orion et l'arrivée de Vénus, éclairés par la Lune en phase de 1/2, nous faisons nos premiers pas au sortir du refuge de Chabot.
Éclairage fort, reflets sur les glaces que nous allons aller fouler. Quelques lampes frontales résistent encore à cette ambiance naturelle et insolite, éblouissent soudainement un rocher en travers du chemin...
C'était le commencement d'une riche journée d'émotions et de premières: première rando démarrant si tôt, première rando sur glacier avec crevasses, ponts de neige, crampons et en cordée, premier sommet à plus de 4000mètres (4061m), première traversée du tunnel du Mont-Blanc et première fois en Italie, première fois que je vois les chamois en liberté à (à peine) 20 mètres, première fois que je tiens encore debout (enfin presque) après une quinzaine d'heure de marche dans la journée.
Premières... tant de premières pour atteindre... Le Grand Paradis!
Son autre nom est aussi "le 4000 des Dames"!
Alors je laisse à votre bon jugement lequel des noms est le plus approprié, ou à votre composition poétique de jouer sur les mots en mixant les 2 noms...
Ces journées ont marqué mon cœur de joies, d’émotions, de gratitude, de plaisirs. Et pour être vraiment honnête, elles m’ont aussi laissé quelques empreintes aux pieds, jambes, bras, dos, abdos... qui heureusement ne sont que de passage!
Merci à vous tous pour m’avoir accueillie avec simplicité, sécurité, naturel et spontanéité et permis de partager avec vous ces moments forts. Que du bonheur!
Et bien sur, il nous reste les photos à visionner et quelques coupes à partager... champagne!!!
D’ici là, portez-vous bien, prenez soin de vous... et rendez-vous le jeudi 16 septembre au soir?
Tout mes remerciements les plus forts à Sylvie, Christiane, Jonathan, Dudu, Jean-Marie, François, Robert...
Sabine.
Club Alpin Savoisien.
1119 chemin de Chez Desbois.
74380 BONNE (Faucigny).
 
 
Le fromage gagne du terrain.
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Cette photo a été prise en novembre 2004 au cœur du vieux Paris, rive gauche. La rue de la Huchette est depuis longtemps bordée de restaurant "ethniques", grecs et orientaux. Cette devanture cherche donc à se singulariser en misant ostensiblement sur la cuisine française. Mais que viennent faire sur la table des Gaulois la fondue et la raclette? Ces deux spécialités typiquement suisses, importées en Savoie par les fruitiers (fromagers) bernois puis par les touristes, ont déjà été annexées par la cuisine savoyarde. Les voici à présent à la conquête de la France. Gare à l'avalanche!
 
 
Les mots croisés du Savoisien.
Deux cruciverbistes savoisiens, "le jeune" et "l'ancien", vous proposent chaque mois des énigmes à résoudre pour remplir leurs grilles. Il n'y a rien à gagner, mais vous pouvez montrer votre science à vos amis!
Voir le journal "Le Savoisien N° 5"
 
 
Histoire de Samoëns.
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Le livre de Colette Gérôme "Histoire de Samoëns, sept montagnes et des siècles", a été pour moi une lecture enrichissante, tant il est vrai que pour vraiment comprendre l’histoire générale, il faut s’intéresser à l’histoire locale, et que celle de Samoëns est passionnante pour son originalité et le caractère compact du territoire sur lequel elle se déroule. C’est un livre que je conseille pour se faire une idée des conditions qui sont le creuset de la mentalité savoyarde, et de cette mentalité elle-même, même si le cas particulier de Samoëns est loin de représenter exactement dans son entièreté la mosaïque de cultures particulières qui forme la Savoie.
Malgré l’intérêt de ce livre, j’ai quand même une critique à lui apporter. En premier lieu, le texte est truffé de boulettes, de mots manquants, coquilles qui si elles étaient clairsemées auraient pu être excusées, mais au vu de leur densité, montre que la phase de relecture finale du livre a été bâclée, et rend pour finir la lecture un peu pénible, tout en laissant l’impression que sa sortie était plus conditionnée par des impératifs commerciaux que littéraires...
En second lieu —et je vais maintenant m’adresser à l’auteur(e)— le livre prend une tournure politique lorsque vous abordez la septième partie "Samoëns à l’ère contemporaine". Vous détaillez les conséquences de l’annexion sur Samoëns, en les séparant en deux catégories, favorables et néfastes, et dans cette seconde catégorie, vous abordez le problème de la guerre. Et bien que vous rappeliez (p. 222) que les Septimontains (et les Savoyards en général) de l’époque de 1870 considéraient toujours que leur patrie était la Savoie, et non pas la France, vous tentez par la suite de prouver que leur engagement, ainsi que celui de leur descendants, vis-à-vis de la France était acquis et total, en vous appuyant sur le fait qu’ils ont fait sacrifice de leur vie pour celle-ci dans les guerres qui ont suivi l’annexion. Pour commencer, je doute qu’ils aient tous eu le choix, et votre argumentation contraste étrangement avec les chapitres précédents où vous insistiez à maintes reprises sur la "tradition" de désertion des Septimontains tant sous la domination française que sarde, et la "pénibilité" des guerres qui introduisent toujours des désagréments dans une vie montagnarde déjà difficile. Vous oubliez d’ailleurs de préciser que cette tradition de désertion a été, pour l’occasion de la guerre de septante, dûment suivie par les Tarins et Mauriennais, désertant en masse (850 soldats déserteurs) et rentrant chez eux à pied depuis le front prussien. Vous oubliez également de rappeler que la France, pour cette même occasion, rompit ses engagements qui accordaient la neutralité à ces populations, et qu’un stratagème odieux fut mis en place en convoquant les Savoyards à Lyon pour les y enrôler, hors du territoire savoyard frappé de neutralité. Vous nous dîtes également que les Savoyards "ont lutté courageusement pour défendre leur pays contre l’armée prussienne", or c’est un contresens puisque, si je me souviens bien, c’est Napoléon III qui a déclaré la guerre, et donc ces Savoyards ne défendaient nullement héroïquement "la patrie en danger", mais participaient contre leur gré à une guerre bourgeoise, ce qui change de beaucoup la lecture qu’on peut se faire des événements. Enfin, votre angélisme belliqueux atteint des sommets quand vous expliquez comment les Savoyards "se battent courageusement sur la ligne bleue des Vosges, à Verdun et au chemin des Dames", ce qu’en termes moins romancés on pourrait exprimer par "les Savoyards se font décimer —certes en affrontant la situation avec le courage qui les caractérise— sur les fronts de la guerre de 14, au point que les deux départements savoyards sont, en proportion de leur population, ceux qui ont eu le plus de morts durant le conflit". Certains vont même jusqu'à parler de génocide...
Je reviens à l’étrange contraste, sur le sujet de la guerre, qu’il y a entre cette partie et le reste du livre, qui pour finir nous amène, en fin de la page 223, à lire ceci: "Tant d’hommes qui ont donné leur vie au nom de la patrie sont le plus fort témoignage que Samoëns fait partie de la nation française". Là c’est un direct à l’estomac qu’on reçoit, la preuve principale qu’on soit français serait donc qu’on soit mort sur un de ses champs de bataille?! La France intègre donc ses citoyens EN LES TUANT!! C’est beau, mais on le savait déjà. Vous auriez mieux fait de l’écrire noir sur blanc plutôt que d’utiliser une tournure qui essaie de ménager la chèvre et le chou.
Pour conclure, vous avez donc abordé les conséquences néfastes de l’annexion (les guerres), tout en finissant par la phrase citée plus haut. Vous cherchiez donc à démontrer par le rapprochement que faire partie de la nation française est quelque chose de néfaste? En tout cas, merci pour ce passage en apparence patriotique pro-français, mais qui en réalité dit le contraire. Je me demande même si on ne vous a pas imposé un petit paragraphe patriotique de ce genre, tant votre initiative paraît illogique au regard du reste du livre. Samoëns serait donc française par démonstration, l’honneur est sauf! Je suis même tenté de dire: "Mort de rire"...
Le Ptiou d’Sbliossy.
"Histoire de Samoëns, sept montagnes et des siècles", Colette Gérôme, éditions La Fontaine de Siloé, collection "Les Savoisiennes", novembre 2004, 23 euros. ISBN 2-84206-274-4
L'auteur (notice au dos du livre):
Après des études d'histoire et d'histoire de l'art à Nancy, Colette Gérôme a choisi de venir travailler en Haute-Savoie, là où elle passait ses vacances. Depuis, elle enseigne l'histoire et la géographie dans un établissement scolaire de Sallanches. Son intérêt pour le patrimoine l'a amenée à faire partie de la Société des Maçons de Samoëns, ainsi qu'à faire découvrir l'art, l'architecture et les traditions locales dans le cadre de ses activités de guide-conférencier de la Caisse des monuments historiques et des sites.
 
 
Humour paroissial.
On sait rire à Alby sur Chéran.
Le Journal Officiel du 8 janvier 2005 annonçait officiellement la création de l'Association Savoisienne d'Éditions, éditrice du mensuel Le Savoisien. Il comportait bien d'autres avis relatifs aux associations. Dans la même page on apprend ainsi que l'association paroissiale d'Alby sur Chéran (province du Genevois), qui a son siège social au presbytère, a ainsi redéfini son objet: "Aider à subvenir au fonctionnement, à l'entretien et à l'investissement concernant l'ensemble des bâtiments et du matériel utiles à toutes les activités de la communauté paroissiale".
Comment s'appelle cette association? Tenez-vous bien: ALBY-JOIE! Un jeu de mots d'une légèreté à couper le souffle! Allusion très fine aux Albigeois (du nom d'Albi, dans le Tarn) ou Cathares, massacrés par milliers au cours de la "croisade des Albigeois" qui commença en 1209 à l'initiative du pape et du roi de France. Les 20 000 habitants de Béziers furent mis à mort. Jusqu'en 1331 les Cathares furent pourchassés, frappés et brûlés, jusqu'au dernier. S'il y a des Occitans à Alby sur Chéran, ils savent qu'ils sont les bienvenus à la salle paroissiale pour se joindre à de bonnes parties de rigolade, et tant pis pour la repentance...
 
 
La justice aveugle et la juge trop clairvoyante d’Albertville.
Ce n’était pas le jaune vif des forsythias qui égayait le Palais de justice d’Albertville le mercredi 30 mars, mais les tracts de même couleur distribués par l’ACALP (1) à une centaine de manifestants. On y lisait "La vérité est là, pourquoi la chercher ailleurs?". On aurait pu lire aussi sur une pancarte tenue par un aveugle "Le printemps est là mais je ne le vois pas".
La Justice, elle aussi, est aveugle. Son allégorie a une balance dans une main pour peser le pour et le contre, un glaive dans l’autre main pour punir le coupable, et les yeux bandés pour rester insensible à la superbe des puissants. À Albertville aussi elle a les yeux bandés, mais c'est pour ne pas voir ce qui déplairait à ses amis. Ses amis au pouvoir, bien sûr!
En Savoie autrefois, au temps des ducs et des rois, il y avait séparation du pouvoir exécutif et du pouvoir judiciaire. En France une séparation est difficile à apercevoir. En Chiraquie on n'a plus aucun scrupule, on dessaisit, on dépayse. On nomme un nouveau juge à Marseille plutôt que de laisser travailler une juge compétente mais trop clairvoyante à Albertville. Elle pourrait mettre en examen nos beaux ministres savoyards! On préfère gagner du temps, quelques années... c’est toujours ça de pris!
Si c’est ça, c’est ignoble. Deux cent quarante victimes de l’incinérateur ont porté plainte. Combien seront encore en vie, combien auront encore la force d’aller témoigner à Marseille, disons dans cinq ans, le temps que le procès s’y tienne? Déjà que toutes n’ont pas pu venir manifester devant le Tribunal d’Albertville...
Jean Aymard
(1) Association Citoyenne Active de Lutte contre les Pollutions
 
 
Incinérateurs: info et débat à Marignier.
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De g. à d. Pierre Trolliet, Dominique Frey
Bernard Bluteau, Pierre Ottin Pecchio.
Incrédules, les habitants de Marignier (Faucigny) invités à une réunion sur les "Maladies causées par la pollution" un premier avril, ont cru à une blague et sont restés chez eux. Pas tous, quand même, car il y avait une trentaine de personnes dans la salle.
La participation du Maire, Conseiller Général, Président du SIVOM Raymond Mudry se réduisit à quelques minutes. Après son départ, le niveau de l’auditoire ne tomba pourtant pas à zéro puisqu’il restait dans la salle M. Chavanne, maire de Mieussy, M. Rubin, maire-adjoint de Marignier, des conseillers municipaux et le Directeur de l’UIOM (1) de Marignier. S’ils étaient venus là pour s’instruire, ils n’ont pas dû être déçus!
Le Dr. Bluteau, président de l’USCP (2), commençait par la présentation des autres membres de la tribune: Dominique Frey et Pierre Trolliet, coprésidents de l’ACALP (3) et Pierre Ottin Pecchio, vice-président de l’USCP. Il rappelait les principales initiatives internationales pour limiter les conséquences de la pollution.
Les principaux polluants de l’air sont le gaz carbonique (effet de serre, réchauffement du climat), les gaz d’échappement (destruction de la couche d’ozone), les particules produites par les moteurs diesel (asthme, allergies), les métaux lourds et les dioxines (effets CMR) (4).
Les dioxines sont des poisons redoutables à des doses infinitésimales. Elles sont générées par toutes les combustions et principalement par les foyers industriels (1/3) et les incinérateurs d’ordures ménagères (2/3). Pour éviter que les fumées de ces usines contiennent trop de dioxines il faut installer des systèmes de filtration très complexes, donc très coûteux et peu fiables. Tous les incinérateurs devront en être équipés avant la fin de décembre 2005. Celui de Marignier dont les émissions en dioxines sont encore très supérieures à celles d’un incinérateur moderne (5) devra en disposer avant cette date au prix d’une augmentation de 54% du budget 2005.
Comment les responsables du SIVOM vont-ils faire pour respecter la Charte de l’environnement, promulguée en 2005 avec la force d’une loi constitutionnelle, dont l’article 1 affirme que "Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et favorable à la santé"? Le public attend toujours la réponse...
Pierre Ottin Pecchio, Pharmacien.
(1) Usine d’Incinération des Ordures Ménagères.
(2) Union Santé contre Pollution, 98 route de Corbier, 74650 Chavanod, e-mail: uscp_savoie@ yahoo.fr
(3) Association Citoyenne Active de Lutte Contre les Pollutions, Mairie, cd 925, 73200 Grignon, www.acalp.org
 
(4) Cancérigène : provoque le cancer ; Mutagène : provoque des mutations, maladies ou malformations transmises à la descendance ; Reprotoxique : nocif pour la reproduction.
(5) Dépassement de 38 fois (en 2002) et de 14 fois (en 2003) du taux de 0,1 ng/m3.
 
 
Libérer sa voie ? Libérer la Savoie ? Libérer Sa Voie !
Commencer par se libérer soi-même pour pouvoir libérer son pays, c’est le sens du message que nous adresse Michel Fontaine dans son ouvrage Libérer Sa Voie (à paraître) dont Le Savoisien publie de larges extraits.
Michel Fontaine, né en 1947, Docteur en Médecine, vit à Chamonix où il exerce la médecine générale depuis une vingtaine d’années après avoir consacré plus de dix ans à la recherche médicale en immunologie.
C’est de sa réflexion de chercheur, de praticien au contact des malades et de Savoisien passionné de montagne qu’il tire le message fort qu’il nous adresse aujourd’hui.
L’État français prétend résoudre les problèmes des autres pour fuir ses propres problèmes.
Dans un cadre politique "autoritaire oppressif occulte", il n'y a rien d'étonnant à ce que les Français se dépriment et deviennent les premiers consommateurs au monde de tranquillisants et d'antidépresseurs. La coercition énorme qu'ils ont à subir du fait de cette gestion par le "stress conditionnant hostile" qui leur est imposé par l'État français et ses institutions, dans tous les secteurs de leur vie, est en fait le premier facteur de la dépression ambiante qui règne actuellement en France et de tout le cortège de pathologies qui en résulte. L'État français est le premier générateur du mal-être et de la baisse de vitalité générale responsable de la surconsommation médicale actuelle. Ses institutions procédant de la même logique que lui participent à cet état de choses. Mais même quand —cas rare et très heureux— il arrive à être conscient d'une de ses erreurs, l'État est incapable de passer au niveau de la réalisation de la solution: il suffit de se rendre compte à quel point le diagnostic annuel effectué par la Cour des Comptes de la mauvaise gestion et de la gabegie qui règne dans ses services n'est jamais suivi d'un traitement efficace.
Quant à la surconsommation médicale actuelle, il préfère trouver des boucs émissaires périphériques et accessoires comme le corps médical ou l'indiscipline de certains patients, plutôt que d'admettre que c'est sa mauvaise façon de gérer la France qui contribue grandement à rendre les Français stressés et malades, qui en est donc la cause centrale et que la sécurité sociale, en n'en étant que le paravent, participe à et procède de cette surconsommation.
Mais cette façon de se défausser systématiquement de sa responsabilité en la projetant sur des victimes expiatoires livrées aux médias dénonce son incapacité à définir une solution à ce problème: il s'agit là d'un aveu d'incompétence. Étant eux-mêmes au cœur du problème, l'État et ceux qui l'agissent ne peuvent avoir le recul suffisant pour accéder à la vision d'ensemble permettant de faire le bon diagnostic et le bon traitement, qui passeront automatiquement par une mise à plat et une remise en cause qui devront aller au fond des choses. La moindre parcelle de problème occultée, oubliée ou laissée en suspens sera la porte ouverte aux échecs futurs. Ceux qui sont à la fois juge et partie dans le problème, ceux qui puisent la justification d'eux-mêmes ou de leur fonction dans son existence, ne peuvent se comporter comme des thérapeutes vis à vis de lui. De plus ces mêmes personnes expertes dans le "c'est pas moi, c'est l'autre", s'interdisent par ce comportement toute possibilité de pouvoir le solutionner comme il convient.
Par extension, la compulsion d'échec dans laquelle est actuellement enfermée la France et qui explique pourquoi elle n'arrive pas à se sortir de la crise autrement qu'en se faisant remorquer par la dynamique économique mondiale, impose cette psychanalyse sans complaisance et en totale clarté qui permettra d'aller au fond de la cure. Mais là encore souvenons-nous qu'une telle thérapie est elle-même limitée dans son efficacité par les limites de son (ses) thérapeute(s), limites qui correspondent aux problèmes qu'il(s) a(ont) résolus, à ce qu'il(s) connai(ssen)t expérimentalement de lui(eux)-même(s), des autres, du monde, de la vie.
Toute "protection" apportée par le système français se paye d'une perte d'autonomie et d'identité...
Dr Michel Fontaine.
 
 
La puissance de la liberté. Le nouveau défi américain.
 
 
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Ce livre est, dans l'édition française, une provocation. Yves Roucaute, agrégé de philosophie et de science politique, docteur d'État, professeur à l'université de Paris X Nanterre, l'assume sans complexes. Au dos de la couverture il résume sa thèse en cinq questions rhétoriques:
 
Les États-Unis d'Amérique sont à l'aube de leur puissance, comment ne pas s'en réjouir? Pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, la liberté a trouvé une démocratie en mesure d'imposer l'organisation du monde. Faudrait-il la haïr avec les nouveaux barbares? La combattre avec les altermondialistes? Limiter son action avec certains princes archaïques, Jacques Chirac et John Kerry en tête? L'appeler à baisser sa garde avec les pacifistes?
Pour Yves Roucaute, la réponse à ces questions est non. Pourfendant l'anti-américanisme qui s'étale partout dans les gazettes et sur les rayons des librairies, il va beaucoup plus loin que Jean-François Revel. À ses yeux les États-Unis sont investis d'une mission planétaire: faire triompher la liberté pour le bien du genre humain. Publié aux Presses Universitaires de France, son livre n'a pourtant rien d'une dissertation savante. C'est un plaidoyer pour l'Amérique, et plus précisément celle de ces protestants qui fuyaient l'Europe par besoin de liberté, celle du parti républicain d'Abraham Lincoln, de Ronald Reagan et George Bush père et fils.
Toujours au dos de couverture et pour bien enfoncer le clou, Yves Roucaute insère une photo où on le voit le 7 juillet 2004 serrer la main du président intérimaire de l'Irak Ghazi Al-Yaouar, installé par les forces alliées! Ce président vient d'être remplacé par un autre intérimaire, choisi cette fois par une assemblée élue en janvier, le Kurde Jalal Talabani, premier Kurde à présider l'Irak.
Le propos d'Yves Roucaute est tellement à l'opposé de tout ce qui se répète en France qu'il vaut la peine de s'y plonger pour se rendre compte de la solidité de ses arguments. Je les trouve assez convaincants, même si dans le détail la présentation laisse à désirer. On sent la passion, le parti-pris, dans un ouvrage qui se veut une ode à la souveraineté des individus contre la souveraineté des États, au courage de la morale armée contre la lâcheté, à la puissance de la liberté contre les routes de la servitude.
Dans son introduction, l'auteur nous explique: Ce livre a été écrit pour dire l'espérance à des millions d'hommes qui vivent l'horreur, et contre ces démagogues qui prennent leurs aises avec la moralité et flattent le relativisme des valeurs. Il est né, en novembre 2001, d'un voyage qui me portait d'une base de l'Alliance du Nord au Tadjikistan vers l'Afghanistan, dans un hélicoptère troué par les balles, celui d'un ami, feu le commandant Ahmad Shah Massoud.
Yves Roucaute s'oppose de toutes ses forces à la thèse du choc des civilisations. Nous n'en sommes pas, dit-il, à l'affrontement entre la civilisation occidentale judéo-chrétienne et la civilisation musulmane. Dans toutes les civilisations il aperçoit des hommes de bonne volonté qui aspirent à la liberté. Ils sont plus nombreux aux États-Unis d'Amérique (surtout dans le camp républicain), moins nombreux en Europe, et très rares dans les pays musulmans. L'affrontement majeur de notre temps, selon Yves Roucaute, oppose les partisans de la liberté aux nouveaux barbares qui ont pour but de détruire la civilisation (la civilisation tout court, et non pas la civilisation occidentale).
La première partie du livre nous décrit la quatrième guerre mondiale (succédant aux deux guerres mondiales historiques et à la Guerre Froide). Les barbares sont à l'œuvre partout. Les islamistes qui frappent à New-York, Djerba, Bali, Casablanca, Madrid et en Palestine, mais aussi les Musulmans qui ravagent le Soudan, la Somalie, le Nigeria, l'Indonésie, les Philippines, le Pakistan et bien d'autres pays. Pour limiter leur pouvoir de nuisance et, à terme, les vaincre, on ne peut compter que sur les États-Unis. La guerre d'Irak était donc juste, pour abattre un tyran, qui n'était pas particulièrement musulman jusqu'aux derniers mois de son règne. Et Yves Roucaute envisage d'autres guerres contre d'autres tyrans: vaste programme. C'est la lutte du Bien contre le Mal qui est engagée, et elle promet d'être longue.
Dans une deuxième et une troisième parie, Yves Roucaute nous entraîne dans une cavalcade à travers l'histoire des États-Unis depuis l'arrivée du bateau Mayflower à Cape Cod le 26 novembre 1620, et de l'Europe depuis le 14e. siècle. Impossible d'en fournir ici un résumé, car tout y passe, ou presque. Pour l'auteur, si l'athéisme est en Europe, la puissance de la liberté est en Amérique. D'un côté la toute-puissance de l'État, le Léviathan de Hobbes, un monstre marin armé de crocs puissants, selon la Bible; de l'autre le message porté par la statue de la Liberté, la souveraineté limitée de l'État préservant la liberté de l'individu. Yves Roucaute voit dans ce message libérateur l'héritage de la philosophie de Guillaume d'Occam, auteur médiéval dont il place une formule en épigraphe à son livre: Quant à moi, je ne veux pas être ajouté au nombre de ceux qui craignent de parler librement parce qu'ils redoutent de perdre les bonnes grâces des hommes.
L'auteur réserve un sort particulier à l'histoire de la France. Il écrit: L'histoire nous montre que le premier État né sur le sol européen, l'État français, a précisément les caractéristiques du Léviathan. Et s'il fallait désigner un modèle de l'État-Léviathan, celui de France apparaît comme le plus pur. Il a pris forme et rang dans le monde par la violation des droits individuels et des minorités sous couvert de souveraineté. Par lui, a pris force imaginaire le mythe de l'État-nation naturel auquel il est étonnant de voir tant d'intellectuels se référer comme à une réalité. Comme si "naturellement", Basques et Bretons, Bourguignons et Alsaciens, Franciliens et Occitans, Flamands et Basques, Cévenols et Savoyards formaient de toute éternité une nation...
Vu l'importance de la matière, nous laisserons donc le lecteur découvrir lui-même les évocations du Mayflower, de l'indépendance américaine, de la conquête de l'ouest, de la guerre de Sécession, en parallèle avec l'histoire de l'Europe, dans laquelle des réquisitoires particulièrement implacables sont dressés contre Philippe le Bel, Louis XIV et Napoléon Ier. Le livre nous fait ensuite parcourir l'histoire du 20e. siècle, où les forces d'oppression et de mort à l'œuvre en Europe contrastent si vivement avec l'esprit de liberté toujours vivace de l'autre côté de l'Atlantique. Au passage, Yves Roucaute démontre vigoureusement (chapitre 16) que les États-Unis n'ont aucune caractéristique d'un empire; ils n'imposent aucune forme d'administration et n'annexent aucun territoire, ils seraient donc un "contre-empire". Voilà une contestation radicale de la thèse du déclin de l'empire américain.
Prenant à contre-pied les prophètes du déclin, Yves Roucaute annonce en conclusion que "Troie sera détruite", que le Mal sera terrassé, que l'histoire donnera la victoire à la liberté individuelle contre les idéologies. Il rejoint ainsi Ibn Warraq ("Pourquoi je ne suis pas musulman", traduction française 1999 aux éditions L'Âge d'Homme, Lausanne) qui conclut son propre livre ainsi:
L'essor du fascisme et du racisme en Occident est la preuve que tout le monde n'est pas amoureux de la démocratie. Par conséquent, la bataille finale ne sera pas nécessairement entre l'islam et l'Occident mais entre ceux qui attachent du prix à la liberté et ceux qui n'en attachent aucun.
 
Patrice Abeille.
 
 
Guiu Sobiela-Caanitz l'Européen.
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Guiu Sobiela-Caanitz et son épouse,
chez eux à Ardez.
L'entretien qui suit a été publié en espéranto le 15 décembre 2004 dans la revue internationale "Etnismo", qui nous autorise aimablement à en reproduire une version abrégée.
Guiu (prononcer comme "Guillou") Sobiela-Caanitz est un ami de la Savoie, depuis de nombreuses années il participe au Congrès annuel de la Ligue savoisienne.
Nicole Margot a rencontré Guiu Sobiela-Caanitz lors de la présentation du Dictionnaire francoprovençal-français (de Dominique Stich) à Lausanne. Il a été un des premiers parmi les non locuteurs de cette langue à s’enthousiasmer pour ce dictionnaire et il a aidé à le faire connaître. Monsieur Sobiela-Caanitz est actuellement traducteur, il est aussi collaborateur de la "Quotidiana" (quotidien romanche). Il vit avec son épouse dans un des plus beaux villages de Basse-Engadine: Ardez. L’Engadine est une région au sud-est du canton suisse des Grisons, dont le chef-lieu touristique est Saint-Moritz (en romanche San Murezzan).
 
Monsieur Sobiela, vous êtes romaniste, vous vivez dans le canton des Grisons, il serait intéressant de savoir comment le Nord-Catalan que vous êtes en est arrivé à s’occuper d’une langue minoritaire comme le Romanche (1).
Oui, je suis en effet originaire du Nord de la Catalogne, c’est-à-dire du Roussillon, département français des Pyrénées-Orientales, dont la langue néo-latine est depuis toujours le catalan. Mais j’ai été élevé dans la région parisienne où mes parents étaient instituteurs, ce qui a créé un certain dualisme entre le français que nous parlions là où j’habitais, et le catalan que nous retrouvions chaque fois que nous allions dans les Pyrénées, ma patrie d’origine. Déjà cette situation a aiguisé mon sens pour les langues, et il est évident que dans le système français le catalan était considéré comme un dialecte sans grande dignité, la langue illustre étant le français. Je suis arrivé en Suisse en 1959, à l’âge de faire mon service militaire, et c’était alors la guerre coloniale d’Algérie, une guerre avec laquelle je n’ai jamais été en accord. J’ai toujours été contre l’oppression d’un peuple par un autre, et, concernant l’Algérie le cas était très net, les Algériens n’étaient pas des Français, mais des colonisés. Je suis venu en Suisse avant d’être appelé, je n’ai donc pas déserté, j’étais seulement insoumis et lorsque l’ordre de me rendre sous les drapeaux est arrivé, j’étais déjà en Suisse. Mais dès mon enfance, avant même de venir en Suisse, juste après la guerre, à l’époque où l’on a de nouveau eu contact avec l’étranger, je savais qu’il existait la langue romanche, et j’étais attiré par les noms de lieux comme Scuol, Tarasp et Vulpera qu’on voyait sur les cartes géographiques que je contemplais. Ces noms me fascinaient parce que je sentais leur profonde parenté avec le catalan.
Quand je suis arrivé en Suisse, je me suis d’abord installé à Zürich. Mais j’ai été très vite attiré par les Grisons. Je me suis intéressé à l’histoire du canton, à travers notamment le manuel d’histoire de Friedrich Pieth, qui était à l’époque le manuel classique d’histoire grisonne (2). Et, dès que j’ai pu, je suis allé travailler à proximité des Grisons, d’abord dans une école qui n’existe plus, à Bad Ragaz, dans le canton de Saint-Gall (3), puis à Coire. J’ai pris des leçons de romanche chez un instituteur qui enseignait dans un collège de Coire.
Très rapidement je suis arrivé à posséder le romanche, qui n’est pas difficile pour un Catalan, et ça m’a donné l’idée de reprendre des études universitaires. Je les avais interrompues à Paris pour venir en Suisse. Et à l’automne 1962 j’ai consulté le professeur Reto Bezzola (4) qui est un grand spécialiste de linguistique, et aussi de littérature romanche. Il a écrit des livres connus sur la littérature française du Moyen Âge. Et lui m’a conseillé de reprendre mes études, ce que j’ai fait. Je suis retourné à Zurich, à l’université de Zurich, et j’ai alterné mon travail et mes études, ça a été assez long.
 
Vous enseigniez?
— Oui, j’enseignais dans des écoles commerciales. J’ai aussi travaillé dans une bibliothèque italienne à Zurich. J’enseignais surtout le français. C’est à cette époque que je me suis marié. Ma femme, d’origine allemande, qui connaît bien les langues latines, alors que sa spécialité est la musicologie, m’a encouragé à terminer mes études. Actuellement elle continue à m’aider dans mes travaux, que ce soit de rédaction, ou de traduction.
 
Il est intéressant qu’étant vous-même de langue latine vous étudiez les langues romanes dans des universités et avec des professeurs de langue allemande.
— Oui, l’allemand m’a beaucoup apporté, et en effet la linguistique romane est en grande partie une discipline germanique. Les premiers linguistes qui se sont occupés des langues romanes étaient déjà allemands, ou suisses alémaniques: Diez qui était allemand, et qui a rédigé le premier dictionnaire étymologique des langues romanes, Meyer-Lübke, Suisse allemand de Zurich, était professeur en Autriche, et a fait un autre dictionnaire étymologique des langues romanes. En Suisse Walther von Wartburg, du canton de Soleure, qui a écrit un dictionnaire étymologique en français comprenant toutes les langues d’Oc, et aussi Jakob Jud et Heinrich Lausberg. Tous ces gens-là étaient des germanophones. Il y a en second lieu des Italiens, je pense à Carlo Tagliavini, et aussi des Français, mais les principaux étaient vraiment des Allemands. Je dois dire que je n’aurais pas pu faire les études que j’ai faites si je n’avais pas possédé la langue allemande.
 
Vous êtes maintenant installé dans les Grisons depuis plusieurs années...
— Oui, je suis revenu dans les Grisons en 1986 pour prendre un poste de professeur de gymnase (5) en Basse Engadine, notamment de romanche. Ce fut pour moi une période féconde en ce sens que j’ai mis sur pied l’enseignement du romanche et aussi de l’espagnol au niveau de la maturité fédérale (6). Parce qu’à l’époque le romanche n’était pas admis comme épreuve de maturité. C’est moi qui ai mis en œuvre les nouvelles directives au gymnase privé où j'enseignais.
 
Dans l’annuaire de la Nouvelle Société Helvétique (7), vous semblez dire que le canton des Grisons ne fait pas assez pour l’enseignement du romanche dans les gymnases.
— Oui, effectivement le canton des Grisons, qui est tout de même le seul canton trilingue de Suisse (8), ne fait pas assez pour faire avancer la maturité bilingue. Parce qu’il y a cette possibilité-là maintenant, il y a une maturité bilingue. Il faudrait encourager cette nouveauté parce que, s’il y a trop peu de candidats, donc de petites classes, l’aspect uniquement financier, c’est-à-dire le salaire d’un professeur pour un très petit nombre d’élèves, nécessite un soutien de l’État, du canton. Et le canton fait trop peu. S’il s’investissait davantage la Confédération le soutiendrait. Car il y a un article de la Constitution fédérale qui mentionne le soutien au romanche et à l’italien, mais à condition que le canton fasse le premier pas.
 
J’ai aussi lu dans l’article de Monsieur Jean-Jacques Furer, rédacteur du dictionnaire sursilvan-français, que les parents de langue romanche préféraient que leurs enfants, au niveau des études secondaires, étudient en allemand, voire en anglais, plutôt qu’en romanche.
— Je ne crois pas qu’on puisse donner une réponse générale. Évidemment il y en a qui pensent que le romanche ne sert à rien. Seulement il offre quand même des débouchés comme enseignant de romanche dans le primaire, par exemple. Actuellement il manque des enseignants de langue romanche, et ça crée un cercle vicieux. Avec l’introduction des Hautes Écoles Pédagogiques, accessibles avec n’importe quel type de maturité, il y a trop d’étudiants qui arrivent avec une maturité seulement en langue allemande et ne sont donc pas capables d’enseigner le romanche. Ils reçoivent des cours de rattrapage, mais ça ne suffit pas, leur formation n’a pas la profondeur qu’aurait une maturité romanche (bilingue).
 
Alors vous pensez que ce problème ne vient pas du manque de candidats à une maturité bilingue (avec romanche), mais au canton qui ne soutient pas cette maturité?
— Oui, parce que si un élève veut suivre le gymnase en romanche, et qu’il n’y a pas de classe bilingue pour des raisons financières, il fréquentera une classe en langue allemande seulement. Et il n’aura pas les bases de la langue et de la littérature romanche; sans oublier que, dans une maturité, il ne s’agit pas que de langue et de littérature, mais aussi de tout un nombre de branches enseignées dans cette langue.
 
Suite de l'entretien dans notre prochaine édition.
(1) Le Romanche est la quatrième langue officielle de Suisse, elle appartient au sous-groupe des langues rhétiques, à l’intérieur du groupe des langues néo-latines.
(2) Bündnergeschichte, Coire 1945.
(3) Le canton de Saint-Gall borde les Grisons au nord.
(4) Reto Raduolf Bezzola (1898-1983), né et mort en Haute-Engadine, a écrit deux œuvres monumentales: "Les origines et la formation de la littérature courtoise en Occident" (français) et "La litteratura dals Rumauntschs e Ladins" (romanche). En outre, il a élaboré avec R. O. Tönjachen un gros dictionnaire allemand-romanche (1944), aujourd'hui périmé, mais qui a marqué une étape importante de la codification du romanche.
(5) Le Gymnase est en Suisse l'équivalent du lycée.
(6) Diplôme suisse équivalent au baccalauréat.
(7) La Nouvelle Société Helvétique a été fondée en 1914 pour consolider la communication entre les différentes cultures de Suisse.
(8) Les langues officielles du canton des Grisons sont l’allemand, l’italien et le romanche.