logosav2.jpg (8991 octets)
N° 9
NOVEMBRE  2005
Le feu au lac, ou la fumée?
Joël BAUD-GRASSET: le rat des champs dans la jungle rurbaine.
Trafic de marchandises à travers les Alpes.
NIMBY: tout à Chedde!
Libérer sa voie? Libérer la Savoie? Libérer Sa Voie!
La vie de Joseph de Maistre.
L’opium des peuples.
Fernand Gil Pasche: un Genevois lutte contre l'échec scolaire.
Le Roundup, un herbicide pas OK… risque le KO!
Nécrologie
Bloc-notes
 
Éditorial
Le feu au lac, ou la fumée?
Depuis quelque temps des écologistes politiques s'agitent autour du lac d'Annecy. Ils s'élèvent contre un projet de cale sèche pour l'entretien des bateaux. Ils dénoncent les modifications en cours de la loi littoral. Ils refusent le transfert de la propriété du lac de l'État au SILA (Syndicat Intercommunal du Lac d'Annecy). Une pétition circule.
La cale sèche serait un cadeau à la Compagnie des Bateaux. Cette société privée a pourtant été autorisée par l'État à exploiter un bateau qui ne peut être sorti de l'eau nulle part autour du lac. Si elle paie une redevance correcte pour l'utilisation d'une cale sèche, que seule une collectivité publique est autorisée à aménager, où est le problème? L'actuel slip-way de Sevrier est obsolète depuis longtemps...
On peut être méfiant lorsque la loi littoral est modifiée, mais la loi actuelle a-t-elle empêché l'urbanisation à outrance des communes riveraines du lac?
L'État français, propriétaire du lac, a-t-il défendu l'intérêt général? Il n'a fait que percevoir des redevances pour les pontons et imposer des règlements sans se donner les moyens de les faire appliquer. Si les communes (unies à présent dans le SILA) ne s'étaient pas mobilisées pour l'assainissement, le lac d'Annecy serait mort de pollution. Il ne doit pas sa survie à l'État, mais à l'initiative du Dr. Servettaz, soutenue par l'ancien maire d'Annecy Charles Bosson.
Me. Thierry Billet, qui a pris ses distances avec les Verts et s'exprime avec les Amis de la Terre, ambitionne probablement de disputer la mairie d'Annecy à Pierre Hérisson, candidat UMP déclaré et président du SILA. Dans cette entreprise, il enfourche un mauvais cheval.
Patrice Abeille.
 
 
Joël BAUD-GRASSET: le rat des champs dans la jungle rurbaine.
9-03.jpg (10219 octets)
 
Joël Baud-Grasset, 34 ans, marié (un enfant), agriculteur à Bogève, est depuis 2001 Conseiller général du canton de Boège (Vallée Verte). Il est le benjamin du Conseil général de la Haute-Savoie.
 
Votre candidature en 2001 était inattendue...
— Pas pour moi en tout cas! Raymond Bouvier avait annoncé qu'il ne se représenterait pas. Ma candidature n'était pas plus inattendue que les autres...
 
Vous aviez envisagé depuis longtemps d'être candidat?
— Oui bien sûr, mais dans ma tête: je n'avais rien dit à qui que ce soit. Je m'étais préparé psychologiquement à cette échéance, un peu comme un athlète se prépare à une course. Je voulais m'impliquer pour le Département de la Haute-Savoie et je me préparais à partir en campagne le moment venu. Six communes sur les huit du canton renouvelaient leurs maires en même temps, donc la compétition était très ouverte pour le siège de Conseiller général. C'était une opportunité à saisir.
 
Comment vous êtes-vous organisé pour concilier votre mandat avec votre activité agricole?
— J'ai embauché un salarié dès que j'ai été élu. Associé en GAEC avec ma mère, je continue l'exploitation avec l'aide de ce salarié, nous avons une trentaine de vaches laitières et une trentaine de génisses, sur 70 hectares qui se répartissent de 700 à 1300 mètres d'altitude. Il y a pas mal de course! Si je n'aimais pas mon métier je l'arrêterais, mais comme je l'aime, je le suis. Mais ce n'est pas simple de tout concilier, avec une vie de jeune couple et un enfant en bas âge.
 
Concrètement, vos indemnités de Conseiller général vous servent à rémunérer votre salarié?
— Mon indemnité ne couvre même pas tout à fait le coût du salarié, qui gagne donc mieux sa vie que moi. Il faut un grain de folie au départ, mais je vis passionnément mon mandat. Je crois qu'il faut des jeunes dans la politique, et des actifs, pas seulement des retraités. La moyenne d'âge du Conseil général, quand je suis arrivé, était à 58 ans. Un peu de renouvellement ne fait pas de mal, mais nous ne sommes que deux (Dominique Puthod et moi) entre 30 et 40 ans! Généralement un candidat est élu Conseiller général après avoir fait ses preuves en tant que maire, c'est rarement en début de carrière.
 
Avant de faire de la politique, quelles autres activités?
— De l'associatif et du syndicalisme. Dès que j'ai arrêté l'école, je me suis dit que je ne ferais pas que de l'agriculture, j'ai voulu m'ouvrir l'esprit. Vers 20 ans j'ai commencé à participer à l'association Paysalpes, écomusée de Viuz en Sallaz...
 
Vous vous êtes rendu compte qu'il y a une histoire, différente de celle de la France?
— Pas dans un premier temps, comme administrateur de Paysalpes. Mais j'ai suivi une formation de Guide du patrimoine des Pays de Savoie. Alors je me suis aperçu que la Savoie avait une histoire. J'avais appris Charlemagne, Napoléon, etc. mais j'ai ouvert les yeux sur l'histoire de la Savoie: on est les derniers à être arrivés en France, mais en fait on est les derniers à savoir qu'on a une histoire! De ma scolarité je n'ai pas retenu une seule leçon sur la Savoie, pourtant j'étais assidu. C'est dommage. Quand on est jeune, on s'en fiche peut-être un peu de l'histoire, mais quand on commence à mûrir on se pose des questions sur l'enracinement dans un territoire.
 
Difficile combat pour la langue savoyarde.
 
C'est pour ça que vous avez choisi la commission Culture et Patrimoine au Conseil général?
— J'ai passé un deal avec Dominique Puthod, vice-président chargé des affaires culturelles. Je lui ai dit: tu es le rat des villes, je suis le rat des champs. Aujourd'hui on a une population "rurbaine"; avec ce mode de vie, la diffusion culturelle doit se faire sur tout un territoire et pas seulement sur les centres. La culture comporte la culture locale, qui existe. La Haute-Savoie s'est snobée, s'est bradée en ignorant sa véritable histoire. Aujourd'hui, pour vendre du tourisme, il faut mettre en avant une culture identitaire...
 
Avec le théâtre en patois?
— Oui. Au début certains collègues se sont moqués de ma présidence de la commission culture, ils me demandaient si je n'avais pas confondu avec l'agriculture... Je réponds que j'ai connu "les planches" depuis l'âge de dix ans, en participant aux spectacles en patois. Sur Thonon, Seytroux, Reignier, ces spectacles ont un gros succès, de même dans l'Albanais. C'est une expression culturelle. J'essaie de faire comprendre à Dominique Puthod (ou avant à Alain Veyret) que le patois ne nous a jamais enfermés dans un régionalisme "communautariste". J'ai du mal à faire admettre que cette langue est affaire de saveurs, de bons moments partagés, c'est comme une bonne soupe, mais pas un bouillon qu'on va lancer à la tête des autres comme à l'Escalade!
 
Contrairement à la culture bretonne avec les festou-noz, la culture traditionnelle de Savoie intéresse peu les jeunes...
— Effectivement la transmission sera très difficile, du moins pour la vie quotidienne. Demain le parler qu'on connaîtra le mieux sera peut-être l'anglais, mais pour moi ce n'est pas un problème. Le citoyen lambda ne va pas se casser la tête à apprendre la langue des anciens, mais on peut transmettre des mots, des expressions, des intonations, un peu de la bonne soupe d'avant... Passer d'une langue à l'autre donne de la facilité pour apprendre d'autres langues, j'en ai fait l'expérience.
 
C'est un fait reconnu partout sauf en France, où on prétend qu'apprendre une langue régionale se fait au détriment des langues étrangères!
— Chez moi il y avait trois générations sous le même toît. Ma grand-mère me parlait français, et mon grand-père patois. À la maternelle je mélangeais les deux langues, mais arrivé en sixième je n'ai eu aucun problème avec l'anglais: pour un patoisant la prononciation est facile, et il a l'habitude de passer d'une langue à l'autre. J'ai aussi fait deux ans d'allemand et il m'en reste quelque chose. Ce n'est certainement pas enfermer quelqu'un dans un régionalisme que de lui faire apprendre la langue locale!
 
Mais l'État ne soutient que le français, et les langues régionales meurent!
— Voilà le problème avec notre "super-technocratie" française: le ministère de la Culture estime que c'est très bien d'avoir des langues régionales, mais quand il s'agit de mettre des moyens dans l'apprentissage, alors là... J'avais accompagné Marc Bron (1) au ministère de l'Éducation Nationale, j'ai posé la question au "cher fonctionnaire" qui nous a reçus: est-ce qu'il faut faire péter des bombes comme au Pays Basque ou en Corse pour avoir des postes d'enseignants?
 
Et vous avez eu la réponse?
— Non, mais en Haute-Savoie on n'a pas cet état d'esprit, et puis c'est pas forcément nécessaire de faire péter des bombes partout... Donc notre culture aura des moyens réduits du côté de l'État, mais le Conseil général peut mettre des moyens, notamment dans un Institut de la langue savoyarde, en lien avec le francoprovençal bien sûr puisque c'est son origine principale, et en lien avec le Bureau Régional d'Études Linguistiques (BREL) de la Vallée d'Aoste. Il faut arriver à faire comprendre à des Haut-Savoyards qu'existent de l'autre côté de la montagne des gens qui mettent en valeur la musique traditionnelle et la langue régionale.
 
Au Val d'Aoste, le "patois" est resté une langue vivante, une langue de tous les jours, à côté de l'italien, donc c'est possible...
— Chez nous l'Éducation Nationale a voulu faire taire cette langue, donc on tapait sur les doigts des enfants. Ma mère parle le patois couramment, mais elle ne peut pas le parler à mon fils: dans son subconscient on est arrivé à lui massacrer cette langue, donc elle ne la transmet pas. Elle joue au théâtre, elle écrit des pièces de théâtre, mais elle ne va jamais parler patois au quotidien: pour elle, c'est s'abaisser, ça fait trop paysan, bouseux. Moi j'ai pas peur de m'exprimer en public en patois, mais elle, elle aurait honte.
 
Est-ce que vous ne trouvez pas bizarre que l'Institut de la langue savoyarde soit subventionné par Rhône-Alpes et pas par l'Assemblée (des Pays) de Savoie?
— Non, je ne trouve pas bizarre. Il y a l'ancienne génération qui pense que le patois est foutu, et la nouvelle génération qui est principalement urbaine et pense que ce n'est pas nécessaire d'y mettre des moyens.
 
C'est bien la même chose au Conseil régional, et il a pourtant voté un crédit, n'est-ce pas un paradoxe? N'est-ce pas que la Savoie a honte d'elle-même?
— Tout à fait, oui, bien sûr. C'est certainement aussi parce que l'entourage de Bernard Bosson a tendance à dire "on ne gouverne pas avec un rétroviseur"...
 
On ne conduit pas non plus sans rétroviseur...
— Je sais bien, mais voilà, j'ai beaucoup de travail là-dessus. Je dois convaincre Dominique Puthod, et aussi Hervé Gaymard, qui a été missionné pour gérer les politiques culturelles sur les deux Savoie(s). Il faut que j'arrive à leur faire comprendre l'intérêt de cet Institut.
Le rapport de forces est favorable aux gens de la ville, mais je ferai tout pour y arriver, avec le soutien de Marc Bron notamment. Après tout, on finance bien de l'art contemporain qui passe complètement au-dessus de la tête de la moitié de la population...
 
Vous mettez en cause Bernard Bosson; ce n'est quand même pas lui qui dirige le Département, son influence est très faible...
— Oui, mais ses collègues urbains, et notamment Dominique Puthod, n'ont pas un raisonnement différent de celui de Bernard Bosson.
 
Vous m'avez dit que vous avez passé un "deal" avec Dominique Puthod, alors?
— (Rire) On n'a pas signé de papier!
 
Vous n'êtes pas tout à fait d'accord sur les conditions du deal?
— Non...
 
C'est donc un pacte... conflictuel?
— Lui, il est plus proche des services culturels, il est prof à l'université à Annecy, il va au Conservatoire d'art et d'histoire, et moi je ne viens pas tous les jours à Annecy, il me faut le temps de descendre de mes montagnes! Voilà, y'a pas photo!
 
Dans l'assemblée départementale, vous devez trouver des gens qui sympathisent avec votre sensibilité?
— Oui, Mogenet, Birraux, Mudry et tous ces gens-là, mais ça va pas plus loin, parce qu'ils n'y croient pas, eux! C'est l'ancienne génération. Ils pensent que c'est foutu.
 
C'est comme ceux qui nous disent: "oui, la Savoie indépendante ce serait bien, mais c'est trop tard"?
— (Hésitation) Faut voir!
 
Le "rat des champs" dans la politique politicienne.
 
Il y avait un cas un peu à part, celui d'Alain Veyret, Conseiller général UDF. Très réticent sur la langue régionale, il était le plus clair de tous pour réclamer une Région Savoie. Le docteur Accoyer et l'UMP ont réussi à lui faire perdre le canton d'Annecy nord-ouest en 2004. C'est révélateur du fait que les élus départementaux sont étroitement surveillés par les appareils politiques. Comment vous sentez-vous à l'UMP?
— J'ai ma carte à l'UMP depuis mon élection, mais avant je me sentais proche du RPR et de Jacques Chirac, parce que c'est porteur des valeurs du travail. L'UDF c'est la ligne blanche sur la route, j'aime autant pas rouler sur la ligne blanche parce que ça peut m'attirer des ennuis, je peux avoir un accident. Il vaut mieux être d'un côté ou de l'autre. Comme petit entrepreneur agriculteur je devrais théoriquement plutôt être à gauche, mais je ne peux pas! La gauche a perdu ses valeurs, et je n'aime pas la gauche caviar, ni José Bové, un fils à papa devenu agriculteur, alors que moi je n'ai plus mon papa depuis l'âge de trois ans, et je suis agriculteur comme il l'était. Chez nous, celui qui est bosseur arrivera toujours à trouver du travail.
 
C'est ancien chez vous, cet ancrage à droite?
— Quand Mitterrand a été élu en 1981, j'avais dix ans. Je pleurais comme un petit gamin, on m'avait dit que c'était affreux, le socialisme! Ma grand-mère, de tradition catholique, recevait des documents de l'Europe de l'Est où les gens étaient interdits de pratique religieuse. D'ailleurs il y a eu de fortes tensions peu après autour de l'école catholique...
 
N'avez-vous pas l'impression que vous pouvez faire à peu près ce que vous voulez dans les marges du budget départemental, mais que les grandes questions politiques sont réglées à Paris?
— C'est sûr, quand il s'agit de faire l'A41, on a besoin d'un appui politique à Paris, si on avait un ministre ce serait encore mieux! Mais on est quand même maîtres de notre politique locale.
 
Vous croyez que l'A41 va se faire?
— C'est bien parti, oui.
 
Avec quel financement? Quand j'étais Conseiller régional on nous demandait d'abonder par des subventions...
— Là-dessus, je laisserai la réponse à mon collègue vice-président Anthoine de Menthon, je ne m'occupe pas des questions financières.
 
Avez-vous l'impression que le RPR, qui a été au pouvoir assez souvent depuis 20 ans, a bien géré la France?
— On n'a pas eu, jusqu'à maintenant, suffisamment de temps pour qu'un gouvernement de droite s'affirme. Mais maintenant le gouvernement est décidé à remettre les gens au boulot, et ça me convient.
 
Pour 2007, vous donnerez votre signature à quel candidat?
— Je ne vais pas me prononcer aujourd'hui.
 
Tout de même, depuis 2002 la droite parlementaire a tous les pouvoirs, et on n'observe pas d'amélioration des finances publiques... Thierry Breton a même déclaré que la situation de la France ressemble de plus en plus à celle de l'Argentine!
— C'est peut-être botter en touche, mais je suis un élu local et les finances nationales ce n'est pas mon souci principal. J'ai la chance d'être dans un département où on a de l'argent, même si notre taux d'endettement est important. La politique nationale, je ne la suis pas de très près...
 
La Savoie en panne de leader.
 
Ne pensez-vous pas que la Savoie a les atouts pour réussir, si elle n'était pas plombée par les handicaps de la France?
— Inversement, au début du siècle on avait besoin de la France. Combien de Savoyards sont allés travailler à Paris?
 
Après l'annexion, donc!
— Avant, ils avaient une autre façon de s'organiser. Mais on ne peut pas se dire que c'était bien avant et aujourd'hui c'est mal, ou inversement. Il y avait des Eldorados, que ce soit l'Argentine ou Paris. On est toujours dépendant de l'extérieur, mais ça n'empêche pas d'avoir une organisation interne. Aujourd'hui je n'aurais pas envie d'être Conseiller régional de Rhône-Alpes, mais une Région Savoie ça me plairait bien.
 
Pourquoi?
— Parce que Lyon c'est trop loin. J'aime la proximité, je n'arrive pas à comprendre pourquoi on fait une région si grande. À l'Assemblée des Pays de Savoie j'ai voté pour une Région des Pays de Savoie.
 
Vous connaissez le résultat: Devedjian est venu à Lyon, il a dit non. Comment expliquez-vous que l'Assemblée ne s'est pas réunie à nouveau pour maintenir son vote et insister?
— Il y a un problème entre les Savoyards et les Haut-Savoyards.
 
Dans le vote, ils étaient assez mélangés, semble-t-il... (d'ailleurs le vote se faisait à bulletins secrets).
— D'accord. Mais sur le leader qui va mener l'idée! Si le président n'y pense pas, qui d'autre va porter l'idée?
 
Vous n'arrivez pas à trouver un leader?
— Non.
 
Parce que Gaymard est élu à Rhône-Alpes et y préside le groupe UMP, parce que ni Vial ni Nycollin n'ont l'envie?
— Voilà.
 
Donc il n'y a pas de leader. Alors vous pourriez l'être?
— Dans les années futures (rire)...
 
Il y a quand même un large consensus pour la Région Savoie, non seulement de la population mais aussi des élus...
— Oui. Certains disent que l'APS ne sert plus à rien, que c'est un rassemblement de fromages blancs. Mais quand même il faut qu'on apprenne à se connaître! Quand on écoute nos collègues de Savoie discuter, on rigole un peu: chacun intervient, ramène sa fraise, alors que nous, c'est le département du consensus, on part sur une idée et puis on y va. Il n'y a pas de grand débat de fond, parce que sur le fond on est d'accord. Mais eux, ils font beaucoup de forme. Il y a de grandes personnalités, comme Bouvard qui fait sa dissertation, son numéro, après il y en a un de la Maurienne, un de Tarentaise... Nous, ça nous choque. Et eux, ils méprisent un peu ces Haut-Savoyards qui ne disent rien... Chez nous, même les deux socialistes votent le budget!
 
Agriculture: on fait ce qu'on peut.
 
Depuis le 29 mai (rejet du Projet de Constitution européen par les électeurs français) Tony Blair a pris l'initiative en dénonçant le coût excessif de la PAC (Politique Agricole Commune, subventionnement des agriculteurs par l'UE). Les pays du Tiers-monde demandent l'arrêt des subventions qui faussent le marché en excluant leurs productions. Quelles conséquences pour l'agriculture en Savoie?
— La PAC coûte cher, mais c'est normal parce que c'est la principale politique européenne: il n'y a pas de politique européenne de défense, de politique européenne sociale, il n'y a pas grand-chose à côté de la PAC. Je suis allé en Angleterre (dans le Yorkshire) et j'ai vu que l'agriculture là-bas n'a rien à voir avec ce que nous connaissons: la terre appartient à de grands propriétaires (souvent des Lords) et les fermiers locataires font du "business".
La PAC évolue, elle passe progressivement du soutien à la production (garantie de prix) à l'encouragement des bonnes pratiques environnementales. Il faut s'adapter.
Les propos de Philippe de Villiers peuvent m'irriter: je suis allé à Bruxelles, et j'ai constaté que les technocrates européens connaissent très bien le territoire européen, alors que les technocrates français ne connaissent que Paris. Que vous soyez Pyrénéen, Alpin, Vosgien, vous n'êtes qu'un bouseux qui n'a pas été foutu de monter à Paris...
 
Les subventions que combattent les pays du Tiers-monde concernent surtout les céréales ou le sucre, mais pas le reblochon ou le gruyère. Donc l'agriculture de Savoie devrait mieux s'en sortir?
— Oui, mais les primes sont quand même nécessaires. Il faut en faire comprendre l'intérêt au consommateur et au contribuable. Dans le deuxième pilier de la PAC (aides en faveur de l'environnement) nous serons mis en concurrence avec d'autres territoires de France. Nous sommes faibles, c'est un fait. Quand il faut aller à une réunion à Paris pour défendre notre agriculture, prendre le TGV à 5 heures du matin à Bellegarde, on arrive crevé, parce qu'on a bossé la veille, et il faut vite rentrer le soir, alors que les agriculteurs d'Île de France rentrent tranquillement chez eux... Comme nous sommes faibles, nous devons nous défendre avec nos produits de qualité.
 
Si la Savoie redevenait un État européen, elle discuterait à égalité avec les autres!
...
 
"Peut-être que nos enfants mettront le feu à des bagnoles de Suisses"...
 
Avec la flambée des prix du foncier et de l'immobilier, et les taxes qui s'y appliquent, les Savoyards ne sont-ils pas chassés de leur territoire? Seriez-vous pour la suppression de l'impôt successoral?
— C'est une méthode radicale, je préfère parler d'aménagements.
 
Pourtant les autres l'ont fait (Suisse et Italie).
— Oui bien sûr, mais quand on arrive en disant "on va supprimer", tout de suite on nous regarde de travers! Il faut qu'on trouve un moyen d'assouplir, sinon notre jeune génération habitera en HLM et regardera les riches Hollandais, Anglais, Suisses qui viennent s'installer chez nous. Il n'y a plus de guerre, mais on vient avec du fric et on vous sort de chez vous. Peut-être que nos enfants mettront le feu à des bagnoles de Suisses!
 
C'est à cause de la France, car la Savoie n'a pas besoin de l'impôt successoral pour équilibrer son budget.
— Les droits de mutation, pour un Conseil général, ce n'est pas négligeable...
 
Je reviens du Pays Basque (sud). Les provinces basques prélèvent tous les impôts, et paient à Madrid 6,3% du budget de l'Espagne. Tout le reste va dans les budgets des collectivités basques. Ils n'ont pas besoin de droits de mutation.
— L'État français n'acceptera jamais une suppression. Mais il faut des aménagements. Le problème c'est d'appartenir à un grand pays, avec la même loi pour tous les territoires.
 
Il y a des grands pays comme les États-Unis, l'Allemagne, la Suisse, qui ont des lois différentes selon les États, Länder, Cantons. Jean-Jack Queyranne demande à présent l'autonomie des Régions, c'est étonnant, mais je ne vois pas l'UMP s'orienter dans ce sens, ou bien?
— Certainement.
 
Contradiction pour vous?
— ...
(1) Marc Bron, enseignant, habite le canton de Boëge; il préside la fédération des groupes patoisants Lou Rbiolon, l'association des enseignants de savoyard et l'association pour un Institut de la langue savoyarde.
Propos recueillis par Patrice Abeille le 27 septembre 2005.
 
 
Nouvelles données sur le trafic de marchandises à travers les Alpes.
En 2004, 110.2 millions de tonnes de marchandises ont été transportées par la route et le rail à l'intérieur de l'Arc alpin entre le Mont-Cenis/Fréjus et le Brenner. Cela correspond à une augmentation d'environ 6% par rapport à l'année précédente. En moyenne, 36,2% des marchandises qui ont franchi cette région des Alpes en 2004 ont été transportées en train, contre 37,1% l'année précédente. La Suisse est de loin le pays où le split modal est le plus appliqué. La part du trafic ferroviaire de marchandises dans le transport général de marchandises y a passé de 63,2% en 2003 à 64,7%. La situation est très différente en Autriche et en France. En Autriche, la part du rail a diminué, passant de 27,2% en 2003 à 23,2% l'année dernière ; en France, ce pourcentage a baissé de 23,6% à 22,1%. En ce qui concerne le trafic de transit, la part du rail en Autriche a baissé de 25,1 à 24,2% et, en France, de 20,2 à 15,9%.
Source:
alpMedia
Im Bretscha 22
Postfach 142
FL-9494 Schaan
info@alpmedia.net
www.alpmedia.net
 
 
Fernand Gil Pasche: un Genevois lutte contre l'échec scolaire.

9-09.jpg (13621 octets)

Avez-vous eu le "bonheur" de tomber sur les "perles du bac"? Si oui, vous avez eu la preuve de la carence qui frappe nombre d'adolescents sur le plan de la culture générale...
À qui la faute de cette débâcle? Télévision, civilisation de l'image, désintérêt d'une certaine jeunesse pour les matières responsables de l'état actuel du monde, réformes inefficaces de l'enseignement figurent-ils au rang des coupables?
Un fait est certain: la pédagogie moderne place aujourd'hui les élèves en "situation problème". Plutôt que de leur enseigner un sujet puis de leur donner des exercices, les enseignants incitent les enfants à découvrir et à construire leur propre savoir. Or, exception faite de génies comme Pythagore, combien d'entre nous parviendraient-ils à redécouvrir son fameux théorème? On ne demande pourtant rien de moins à nos pauvres potaches! Dès lors, faut-il s'étonner que certains se révoltent?
D'autres temps et d'autres principes pédagogiques ont fait de Fernand Gil Pasche un mauvais élève... Mais avoir réussi à s'en remettre à la force du poignet l'a doté d'un point de vue assez original sur la question! Aussi a-t-il souhaité partager son expérience d'ex-embourbé avec les jeunes qui sont dans le même cas en ce moment.
Fernand Gil Pasche a donc mis au point trois livres, de 170 pages A4 chacun environ, pour faciliter l'accès à trois matières fondamentales de l'enseignement scolaire: mathématiques, grammaire et histoire.
Et si on arrêtait de compliquer les mathématiques!
"Ce domaine était ma bête noire, je n'y pigeais rien de rien!" confesse le Genevois Fernand Gil Pasche. "Et puis un jour, je m'y suis attelé et... je n'ai pas lâché jusqu'à ce que je finisse par comprendre". L'ancien mauvais élève a enfin vaincu ce qui avait empoisonné sa scolarité. Pour y arriver, il s'est astreint, à passé soixante ans, à un véritable parcours du combattant. Une fois au bout de ses peines, il a décidé de partager sa découverte sous la forme d'un livre différent, conçu pour les "mauvais" et accessible à tous.
Avec sa "petite encyclopédie qui se lit toute seule", Fernand Gil Pasche n'a pas cherché à rivaliser avec les gands esprits, il a simplement rendu les choses le plus clair et le plus accessible possible. Cet ouvrage permet de passer de nul à bon en maths. Il nous fait revisiter les lieux maudits de notre enfance, et, une fois l'incompréhension dissipée, on découvre qu'il s'agissait d'un jardin enchanteur!
Le livre contient encore des exercices très simples et progressifs, qui n'ont rien ,des problèmes de notre enfance. Il s'agit plutôt de moyens d'ancrer notre compréhension.
Et si on arrêtait de compliquer la grammaire!
Aujourd'hui, non seulement les enfants ont de la peine à étudier la grammaire, mais même leurs parents n'y comprennent plus rien!
Apprendre la grammaire et l'orthographe n'a jamais été une partie de plaisir. Malgré cela, depuis des siècles, les élèves étudiaient ces branches et les comprenaient. La meilleure preuve en est que la plupart des paysans au début du 20e. siècle avaient une orthographe parfaite.
"Le sujet de la grammaire est jonché de peaux de banane, dit Fernand Gil Pasche. Mon livre les élimine, l'une après l'autre. Une fois la voie libre, l'élève ne risque plus de se casser la figure!"
Fernand Gil Pasche a rédigé un troisième livre destiné à ceux qui sont déroutés par l'histoire et les notions politiques. Il aide à répondre à des questions aussi complexes que celles-ci: quelle est la différence entre démocratie et république? qu'est-ce qui distingue un État, une nation et une patrie?
L'auteur diffuse lui-même ses livres au prix de 33 euros l'unité, frais de port inclus. Vous pouvez passer commande par courrier (en incluant un chèque) à:
M. Fernand Gil Pasche
17 Quai Charles Page
CH-1205 Genève
Suisse
Précisez combien d'exemplaires vous commandez de chaque livre (mathématiques, grammaire, histoire).
Fernand Gil Pasche sera présent au Congrès de la Ligue savoisienne (5-6 novembre à Doussard, Salle polyvalente) pour présenter ses livres.
 
 
Le Roundup, un herbicide pas OK… risque le KO!

9-02.jpg (13813 octets)

Il suffit d’avoir un bout de terrain ou un pot de fleurs sur son balcon pour que les mauvaises herbes se l’approprient. Comme elles sont souvent plus vigoureuses que les bonnes… la culture tourne au désastre. Comme le désherbage est fastidieux et comme il est tentant d’acheter un herbicide sélectif qui tuera les mauvaises herbes sans faire trop de mal aux plantes et aux fleurs! Quand l’herbicide est efficace et de plus biodégradable pourquoi s’en priver? Alors, comme des millions de cultivateurs et de jardiniers vous devez avoir quelque part un bidon de ce produit inoffensif...
Désolé! Le glyphosate, principe actif du Roundup vendu par Monsanto, la firme américaine géante de l’agrochimie, n’est probablement ni inoffensif ni biodégradable (1). C’est ce que prétendent démontrer les auteurs des plaintes déposées depuis 2002 par trois associations: AUDACE (2), Eaux et rivières de Bretagne et UFC-Que choisir. Pour elles, le glyphosate n’est pas biodégradable car depuis 1999 les prélèvements d’eau dans les rivières de Bretagne détectent la présence de glyphosate à forte dose. Il n’est pas non plus inoffensif car il a été classé par l’Europe parmi les produits "toxiques pour les algues et pour la faune aquatique" et "dangereux pour l’environnement". Des travaux de recherche publiés par le CNRS en 2004 auraient enfin montré un caractère potentiellement cancérigène du glyphosate.
D’abord le défoliant à la dioxine au Vietnam, maintenant l’herbicide cancérigène… Merci bien oncle Sam!
Bien entendu Monsanto nie en bloc mais si les plaintes pour publicité mensongère sont fondées, comment le croire? Il sera dit sans aucun doute, une fois encore, que les preuves ne sont pas suffisantes, qu’il faudrait des études épidémiologiques portant sur des milliers de personnes durant des années pour avoir une certitude… C’est sans doute vrai mais en attendant que les tribunaux délibèrent et sachent comment utiliser le Principe de précaution décrit dans la Charte de l’environnement, qu’est-ce qu’on fait quand on est un agriculteur ou un jardinier savoisien? On met un masque, des gants et des lunettes ou mieux une combinaison étanche pressurisée pour désherber? À mon avis, il vaudrait mieux désherber à la main ou ne pas désherber du tout plutôt que de risquer sa peau pour faire gagner une poignée de dollars à Monsanto!
Jean Aymard.
(1) voir l’article paru dans Libération du 4 juin 2004 où le site www.mdrgf.org
(2) Association des utilisateurs et des distributeurs de l’agrochimie européenne
 
 
à vendre: TV couleur Roadstar 25cm pour camping car (fonctionne sur 12volts, 24 volts et 220 volts). Très peu servi, valeur neuf 470€, vendu 300€.
tel. 04 50 52 43 12 ou 06 84 01 65 69
 
 
Décès.
L'association Pierre II de Tarentaise communique:
Avec stupeur et beaucoup de peine, nous vous apprenons le décès de notre ami Gilbert Excoffier. Il s'est éteint à la mi-août en surprenant tout le monde. Voici le texte de son fils Thierry qui a été prononcé lors de la sépulture:
 

9-10.jpg (11357 octets)

"En hommage à mon papa,
Je voudrais juste dire qu'une fois de plus mon bougre de père nous a fait un pied de nez, il a surpris tout le monde en partant sur la pointe des pieds, tranquillement dans son sommeil, sans rien dire à personne. Je me permets de dire que c'est la plus belle mort que l'on peut souhaiter et que cela nous soulage par rapport à l'immense douleur du vide laissé par le départ d'un personnage tel que Gilbert.
Il est parti bien trop tôt, mais son souvenir restera gravé dans nos esprits, quand on se souviendra par exemple des fêtes de famille et des rassemblements divers où il était présent".
Toutes nos pensées vont vers sa femme, James et leurs enfants.
Georges Mondel.
 
 
 
 
Bloc-notes
Le Savoisien aura son stand à la Foire de Bons en Chablais, dite "Foire aux tripes"
 
le samedi 12 novembre 2005
 
Les Savoisiens du Chablais vous y donnent rendez-vous toute la journée.
 
 
 
La vie de Joseph de Maistre.
(Suite du récit tiré de la biographie de Joseph de Maistre par François Vermale, parue en 1927 dans les Mémoires et Documents de la Société Savoisienne d'Histoire et d'Archéologie.)
Résumé de l'épisode précédent:
En 1803, Joseph de Maistre s'installe à Saint-Pétersbourg comme chargé de mission extraordinaire du Roi de Sardaigne, aux frais de la Russie et de l'Angleterre. Il tisse un réseau de relations et prodigue ses conseils au jeune tsar Alexandre. Mais le 2 décembre 1805 survient le désastre d'Austerlitz.
Livre V (suite): J. de Maistre en Russie (1803-1817).
Chapitre II: D'Austerlitz à Wagram (1805-1809).
J. de Maistre connut, après Austerlitz, des heures de sombre découragement. Ses rêves de triomphe de la cause européenne étaient indéfiniment ajournés. Il souffrit si profondément de cette défaite russe que, dans ses Carnets, il s'en étonne et se pose la question: Suis-je Russe?, comme pour se reprocher son émotivité. Cependant, il se ressaisit vite afin de rédiger un Mémoire de 13 pages qu'il fit parvenir en haut lieu, par l'intermédiaire du duc de Serra Capriola.
Dans ce Mémoire, J. de Maistre affirmait qu'Alexandre devait toujours être considéré comme le sauveur de l'Europe. Qu'importait une bataille perdue dans des circonstances aussi anormales? L'honneur était sauf et les pertes en hommes n'étaient qu'une "goutte de sang pour la Russie". L'essentiel était de maintenir la continuité des vues politiques, de continuer la guerre, mais d'adopter d'autres méthodes. Il faudra désormais faire une "guerre de Fabius" (1), se borner pour le moment à une guerre d'usure et harceler les armées de Napoléon. Il faudra surtout songer à utiliser le roi de France pour soulever ce pays qu'excèdent les levées incessantes de conscrits. D'autre part, Russie et Angleterre devront acheter, si cela est nécessaire, la collaboration militaire de la Prusse. Quant à l'Autriche, quoique la défaite d'Austerlitz lui soit imputable, on devra ménager son amour-propre dans une certaine mesure, car l'archiduc Charles est un espoir militaire. Voilà pour la politique extérieure. Quant à la politique intérieure, Alexandre devra exercer une surveillance sévère du parti défaitiste russe, organiser des services de presse pour défendre sa réputation devant l'opinion européenne et répondre au "Moniteur" de Napoléon, lequel ne cesse de diffamer le Tzar au sujet de sa conduite à Austerlitz.
Pour remonter le moral d'Alexandre Ier et de son entourage, J. de Maistre, dans ses lettres de cette époque, rejette très astucieusement la cause de la défaite sur les Autrichiens. (...) Ces lettres, écrites pour panser l'amour-propre du Tzar, n'empêchaient pas J. de Maistre de voir clair. Après Austerlitz, ses conclusions furent formelles: la Russie manque de généraux, et son armée manque d'intendance. Le fantassin russe est excellent, mais on ne sait pas le ravitailler. Au dieu de la guerre qu'est Napoléon, la Russie ne peut opposer aucun talent militaire de premier plan. Quant à l'entourage de l'Empereur, composé de jeunes gens, il est très coupable, en particulier, d'avoir laissé fuir Alexandre Ier jusqu'à Saint-Pétersbourg au lieu de masquer cette fuite en l'envoyant au-devant de l'armée russe qui arrivait de Sibérie. (...)
***
1807.— Nous constatons que les directives prônées par J. de Maistre dans son Mémoire de 1805 ont été suivies en partie par la chancellerie russe.
Le Tzar, en effet, s'est rapproché de la Prusse et l'a décidée à la guerre. En mars 1807 paraît le premier numéro du "Journal du Nord", pour contrebattre le "Moniteur" de Napoléon. La rédaction de ce journal officiel a été confiée à deux amis de J. de Maistre, le marquis de Mesmon et le comte Jean Potoki.
D'autre part, J. de Maistre reçut, au début de 1807, la visite d'un des "personnages les plus influents de l'Empire". Il eut différentes conférences avec lui sur les affaires du moment. Dans l'une d'elles, il fut convenu que le ministre de Sardaigne résumerait ses vues politiques dans un Mémoire. Dans ce document qui n'a pas encore été publié, J. de Maistre conseillait au Tzar de rester fidèle à son alliance avec Londres, et d'adopter, à l'égard de Louis XVIII, l'attitude de Louis XIV envers Jacques II d'Angleterre, réfugié à Versailles. Ces conseils eurent un résultat pratique semble-t-il. Alexandre Ier resta fidèle à l'alliance anglaise et rendit, le 3 mars 1807, visite à Louis XVIII, alors réfugié à Mittau (2). C'est sans doute à partir de ces évènements que le Tzar commença à considérer J. de Maistre comme un agent secret de Louis XVIII.
***
La nouvelle coalition qui se forma contre Napoléon aboutit une fois de plus à un échec. Ce fut Pulstuck, puis Eylau, Friedland. Le Tzar, découragé, traita à Tilsitt avec Napoléon. Il abandonna tous les coalisés et consentit à signer une alliance franco-russe.
Par un revirement subit, J. de Maistre sut maintenir, même dans cette période, la faveur impériale à son égard. Tandis que la Cour de Saint-Pétersbourg et le peuple russe blâmaient l'alliance avec Napoléon, il fut un des rares à approuver ce renversement de politique.
Pour faire connaître son avis au Tzar, J. de Maistre employa son moyen habituel. Il écrivit de prétendues lettres confidentielles à des amis de Russie, absents de Saint-Pétersbourg. "Toutes mes lettres sont lues ici, c'est comme si j'avais parlé à ceux que je ne puis aborder, avec l'apparence indispensable d'une extrême liberté. Chaque mot était pesé et j'ai refait jusqu'à trois ou quatre fois la même page". (...)
***
Du point de vue tiré de sa politique "métaphysique", J. de Maistre déclare que Bonaparte n'est pas un ennemi ordinaire. Cette suite ininterrompue de succès militaires qui sont à son actif démontre, ainsi qu'il l'affirme dans ses journaux, qu'il est "un envoyé de Dieu". "Rien n'est plus vrai, reprend de Maistre. Bonaparte vient directement du ciel comme la foudre". Avec Bossuet, il affirme que lorsque "Dieu veut faire voir qu'un ouvrage est tout de sa main, il réduit tout à l'impuissance et au désespoir: puis il agit". Dieu se sert de Napoléon pour châtier l'Europe. La Prusse paye pour les vols de Frédéric II, l'Autriche pour sa stupidité égoïste et sa conduite en Italie. Il n'y a donc aucun déshonneur à traiter avec le Tamerlan moderne, puisqu'il "a plu à Dieu de lui donner la puissance".
Du point de vue de sa politique "expérimentale", J. de Maistre conseillait encore la paix. Qu'importait le renversement des alliances à Tilsitt? La première qualité d'un politique n'est-elle pas de savoir changer d'avis devant la nécessité? Louis XIV était-il un misérable lorsqu'il signait un traité avec Cromwell? La politique ne se conduit pas par de beaux sentiments, elle n'a que trois conseillers: l'intérêt, la raison et la nécessité. "L'Empereur Alexandre Ier, en signant la paix de Tilsitt, n'a fait qu'obéir à la prudence, à son amour pour ses peuples. Ceux qui pourraient le blâmer ne savent pas ce qu'ils disent". Les Russes n'étaient pas de taille pour continuer la lutte.
"C'est un bien de respirer à tout prix en attendant d'autres bras et d'autres têtes". Les soldats d'Alexandre Ier se battaient et ils n'avaient pas d'intendance. Ils mouraient littéralement de faim à Austerlitz comme à Friedland, par suite des vols et des pillages qui étaient tolérés dans les services de ravitaillement des armées. "Dans cet abandon général, que voulez-vous que fît l'Empereur de Russie ayant contre lui le premier homme de guerre et la première nation militaire de l'univers, et manquant lui-même de tout, car il manquait d'hommes, de pain et de talents?" Il a fallu passer sous les fourches caudines, à Tilsitt.
***
Cette défense du renversement des alliances plut au Tzar. Malgré que le roi de Sardaigne fût maintenant parmi ses ennemis, il lui maintint, pour ne pas contrister J. de Maistre, le subside qu'il lui accordait et qui servait à soutenir une apparence de maison royale à Cagliari. De plus, il fit savoir personnellement à J. de Maistre "qu'il était en faveur". Le Tzar lui permit de demander, par l'intermédiaire de la chancellerie russe, une entrevue personnelle avec Napoléon. D'autre part, J. de Maistre fut reçu très souvent, pendant cette période, chez le comte Alexandre Soltikof, ministre adjoint des affaires étrangères. C'est Mme. Soltikof qui lui dit un jour: "Les règles ne sont pas faites pour vous".
***
Dès que Napoléon eut commencé à subir des échecs en Espagne, J. de Maistre aurait voulu que l'alliance franco-russe se relâchât. Il désapprouva l'entrevue d'Erfurt (1808) qui vit le renforcement de cette alliance. Il désapprouva encore la guerre que déclara Alexandre à la Suède et l'expédition russe de Finlande. Le Tzar, se sachant blâmé par J. de Maistre, n'ose plus lui parler les jours de réception à la Cour. En janvier 1809, l'ancien sénateur de Chambéry note dans ses Carnets: "L'Empereur parut à la Cour à côté de moi. Comme une goutte d'eau sur de la toile cirée, il "glisse". J'attrape obligeamment: Comment ça va-t-il? — Très bien, Sire."
Des bruits de guerre entre la Russie et l'Autriche ayant couru en mars 1809, J. de Maistre demanda au Tzar un congé illimité pour son fils Rodolphe qui servait dans l'armée russe, ainsi que pour d'autres officiers piémontais. Alexandre ne voulut pas accepter les demandes. Dès le 18 juin 1809, il envoyait 5000 roubles de gratification au jeune Rodolphe.
(à suivre...)
(1) Fabius Cunctator, "le Temporisateur", consul romain qui mena la guerre d'usure en Italie contre Hannibal en 215-216 avant JC.
(2) Mittau, ou Mitau, capitale du duché de Courlande, possession russe depuis 1795; aujourd'hui Ielgava, en Lettonie.
 
 
NIMBY(1): tout à Chedde!
 
Air immobile sur Chedde, printemps 2005  .9-11.jpg (6158 octets)
 
Les habitants de la riante commune de Passy, sur les coteaux ensoleillés de la rive droite de l’Arve, ont une vue magnifique sur la chaîne du Mont-Blanc, le mont Joly et les Aravis. Enfin, pas tous, car ceux du hameau de Chedde n’en profitent guère! Chedde, c’est un peu le dépotoir où se trouve ce qu’on ne supporterait pas dans les riches communes touristiques des alentours: Megève, Saint-Gervais, Chamonix et autres… Chedde c’était la cheddite, et c’est toujours le graphite, les déchets, les usines et les retombées du viaduc de l’autoroute du tunnel du Mont-Blanc: pollution industrielle et par les camions, dans un fond de vallée entouré de hautes montagnes où les fumées se concentrent et stagnent du fait de l’effet de vallée et de l’inversion de température en hiver.
C’est donc à Chedde qu’a eu lieu le 7 octobre la cinquième réunion publique de l’Union Santé Contre Pollution (USCP) (2) à l’invitation de Michel Duby, conseiller municipal, membre de l’Association Citoyenne de Passy (3), sur le thème "Les maladies causées par la pollution. Pourquoi incinérer les déchets?"
Par pure coïncidence l’hebdomadaire Le Messager (4) du 6 octobre titrait en première page sur 4 colonnes "Incinération: mauvais plan pour le four de Marignier" et y consacrait une page intérieure. L’évènement, c’était la requête en annulation du Plan Départemental d’Élimination des Déchets, présentée au Tribunal administratif de Grenoble par Me. Thierry Billet au nom de l’association "Les Amis de la Terre 74". L’incinération des déchets a été souvent mise en question dans cette rubrique Environnement et Santé et Le Savoisien a publié en mai dernier une interview de Me. Billet à propos du scandale de Gilly sur Isère. Ce qui motive cette requête c’est la non-conformité du PDED 74 vis-à-vis de la circulaire "Voynet" de 1998 qui préconise de limiter le recours à l’incinération des déchets (dont on sait bien maintenant qu’elle n’est qu’une forme trompeuse, dangereuse et inefficace de prétendue valorisation des déchets) alors que le PDED 74 repose sur le doublement de l’incinérateur de Marignier par la construction d’un deuxième four.
Cette information était bien de nature à renforcer la perplexité des habitants de Chedde vis-à-vis de l’unité de valorisation énergétique du SITOM des Vallées du Mont-Blanc qu’ils côtoient tous les jours! D’un côté les déclarations trop rassurantes des responsables du traitement des déchets et de l’autre les réclamations trop inquiétantes des écologistes et maintenant du corps médical. Trop c’est trop! La trentaine de personnes présentes va donc presser de questions les représentants de l’USCP… qui tenteront bénévolement de compenser des carences du Plan National Santé Environnement de juin 2004. Celui-ci ne considérait-il pas comme un "objectif majeur" de faciliter l’accès à l’information en Santé Environnement et de favoriser le débat public? Il est vrai qu’avec un budget ridicule de 80 millions d’euros pour 2005 l’Administration n’a pas dû pouvoir faire grand-chose…
A fortiori, que peut faire un citoyen isolé et sans moyens face aux puissants groupes industriels qui contrôlent le lucratif traitement des déchets en France? (5)
Il peut adhérer à une association qui avec d’autres associations pourra constituer un groupe de pression qui fera valoir les droits des citoyens à un environnement sain, comme l’atteste l’article 1er de la Charte de l’Environnement: "Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et favorable à la santé". Auprès de qui? Des maires et des conseillers généraux, puisque ces derniers sont responsables depuis le 1er janvier 2005 du Plan Départemental d’Élimination des Déchets.
À partir du 28 décembre 2005 tous les incinérateurs devront être en conformité avec la norme européenne de 2002 sous peine de fermeture par le Préfet…
Au fait, c’est quand les prochaines élections?
Pierre Ottin Pecchio,
Vice Président USCP.
(1) "Not In My Back-Yard", littéralement "pas dans ma cour". En français: "allez faire vos saletés ailleurs!"
(2) USCP, 98 route de Corbier, 74650 Chavanod, uscp_savoie@yahoo.fr
 
(3) Association Citoyenne de Passy, BP 7, 74190 Passy
(4) Dans son édition "Faucigny".
(5) Par exemple, l’incinérateur de Passy-Chedde, propriété du SITOM des Vallées du Mont-Blanc, est géré par la SET Mont-Blanc, filiale du groupe Novergie qui est rattaché au groupe SITA, contrôlé par Suez Environnement. Le chiffre d’affaire de SITA était de 5,77 milliards d’euros en 2002 (source www.sitagroup.com)
 
 
Libérer sa voie? Libérer la Savoie? Libérer Sa Voie!
Commencer par se libérer soi-même pour pouvoir libérer son pays, c’est le sens du message que nous adresse Michel Fontaine dans son ouvrage Libérer Sa Voie (à paraître) dont Le Savoisien publie de larges extraits.
Michel Fontaine, né en 1947, Docteur en Médecine, vit à Chamonix où il exerce la médecine générale depuis une vingtaine d’années après avoir consacré plus de dix ans à la recherche médicale en immunologie.
C’est de sa réflexion de chercheur, de praticien au contact des malades et de Savoisien passionné de montagne qu’il tire le message fort qu’il nous adresse aujourd’hui.
Défendre sa terre, ses racines, ses origines n’a rien à voir avec une régression au stade du racisme. C’est aussi fondamental que respirer, que défendre sa liberté d’aimer par soi-même, que d’être généreux sans que personne ne vienne nous dire comment l’être et nous y obliger, que d’interdire à tout système social de tenter de nous voler notre générosité en la codifiant et en se l’attribuant. C’est accéder au stade de la conscience de Soi, de la valeur de son identité, comme de toute identité. C’est respecter une dimension de l’Être dans l’expression de sa diversité et y voir sa richesse. C’est comprendre que la différence entre chaque être humain fait autant sens que la différence entre chaque région, chaque pays, chaque race. Respecter sa race, les races, toutes les races, c’est en comprendre le sens, l’utilité et la beauté. Respecter la niche écologique de chacune de ces races (en luttant également contre la surpopulation et la surnatalité), de ces tribus, leur territoire, leur culture, leur spiritualité, leurs traditions, fait sens en terme de respect et d’amour de l’autre dans sa liberté d’être et d’évoluer comme il l’entend. C’est, au niveau des êtres humains, faire de l’écologie, protéger les espèces en voie de disparition, préserver la diversité génétique de la Terre.
Ceux qui veulent la disparition des races et leur fusion en une race unique appartiennent à deux catégories. Les premiers sont ceux qui ont compris que pour asseoir leur hégémonie il valait mieux avoir en face d’eux des hommes fragilisés, manipulables, ayant perdu leur identité et déracinés au nom de l’antiracisme-antirégionalisme-antinationalisme qu’ils agitent comme un épouvantail qu’ils manipulent. Les seconds sont ceux qui n’ont rien compris et qui se sont fait, croyant bien faire, les relais de cette idéologie mondialiste prônant la perte d’identité comme une vertu. En fait, ce sont eux les vrais racistes. N’ayant pas trouvé ni compris le sens d’eux-mêmes, de la valeur de leur identité, de ses ancrages dans la terre et l’histoire, ils dénient cette valeur pour les autres. Leur non-être/non-enracinement leur fait tyranniser et nier l’être-enracinement des autres qu’ils veulent détruire, qu’ils proclament comme une non-valeur. Ils hurlent au racisme pour mieux détruire les races, comme le voleur qui crie au voleur pour que l’on regarde ailleurs pendant qu’il commet son larcin. En fait, ils proclament ainsi la fausse valeur des masses humaines informes et sans identité et tentent de créer la non-valeur de l’individu, comme la non-valeur de la vie dans sa diversité, comme la non-valeur de toute vie. Du fait qu’ils n’ont pas trouvé le sens de la vie et de ses racines, ou qu’ils ne veulent pas qu’elle ait sens et racines, ils dénient à l’autre toute possibilité d’accès à ce sens, à cet enracinement.
Dr. Michel Fontaine.
 
 
 
L’opium des peuples.
par Pierre Ottin-Pecchio.

9-01.jpg (9589 octets)

En neuf mois (depuis janvier 2005), dix articles du Savoisien ont été consacrés à des thèmes tournant autour des religions et à des conflits dont elles sont le prétexte.
Dix articles en 9 mois, c’est peut-être beaucoup pour Le Savoisien, mais ça n’est rien par rapport à ce dont les médias nous ont gavés pendant ce même temps. Rappelez-vous: la mort du pape, la nomination de son successeur, les J.M.J. et aussi les affrontements entre musulmans chiites et sunnites en Irak, entre Israéliens et Palestiniens à Gaza, la menace nucléaire venant de la République islamique d’Iran… Souvenez-vous des attentats du terrorisme islamiste à Londres, à Charm El Cheikh… de la guerre au Cachemire et en Tchétchénie… Partout ou presque le feu, le sang, les hurlements, les vociférations, les imprécations! Partout les religions, qu’elles soient au premier plan ou en fond de scène.
D’où un certain ras-le-bol devant la place de plus en plus grande que prennent les religions dans la politique, ce que confirme une enquête réalisée en France par l’Institut CSA et publiée dans "Le Monde des religions". Pour 59% des sondés, la place des croyances religieuses est devenue "trop importante" dans le monde.
Dans tout ce vacarme on n’a guère entendu la voix du philosophe qui demandait tranquillement: Pourquoi y a-t-il des religions?
Laïcité et tolérance.
En 1905, voilà juste un siècle, la République française prononçait la séparation de l'Église et de l'État, et la loi garantissait le libre exercice des cultes. Depuis, des générations d’écoliers ont été formées par des générations d’instituteurs laïcs, dont beaucoup n’hésitaient pas à "bouffer du curé", comme on disait à l’époque. La guéguerre de l’école laïque et de l’école privée a échauffé bien des esprits et occasionné beaucoup de grèves et de manifestations. C’est fini, maintenant que la laïcité fait partie du politiquement correct. En principe, chacun est libre de pratiquer la religion de son choix et n’a pas à s’occuper de celle du voisin, tandis que l'État veille à la paix religieuse. Il n’est donc pas correct de critiquer une religion, "ça ne se fait pas"! Il reste de la laïcité un tabou sociétal bien qu’il n’y ait plus qu’une minorité qui pratique encore une religion: 12% des Français de souche et 20% des Français issus de l’immigration magrébine, africaine ou turque (1).
Mais si c’est un tabou laïc de critiquer les religions, en vertu de quoi devrait-on être laïc? Parce que c’est la "religion" de l'État français depuis un siècle?
Philosophie et laïcité post-chrétienne.
Dans son dernier livre (2) Michel Onfray, professeur de philosophie à l’Université Populaire de Caen, a écrit quelques pages bien senties sur la laïcité qui imprègne notre culture républicaine. Après avoir célébré le combat libre-penseur qui "a produit des effets considérables dans l’avènement de la modernité: déconstruction des fables chrétiennes, déculpabilisation des consciences, laïcisation du serment juridique, de l’éducation, de la santé et de l’armée, lutte contre la théocratie au profit de la démocratie, plus particulièrement sous sa forme républicaine, séparation de l'Église et de l'État, pour la plus célèbre victoire", il préconise l’éducation des consciences à la raison qui permettra le dépassement de la laïcité. "Car en mettant à égalité toutes les religions et leur négation, comme y invite la laïcité qui triomphe aujourd’hui, on avalise le relativisme: égalité entre la pensée magique et la pensée rationnelle, entre la fable, le mythe et le discours argumenté, entre le discours thaumaturgique et la pensée scientifique… […] Désormais, sous prétexte de laïcité, tous les discours se valent: l’erreur et la vérité, le faux et le vrai, le fantasque et le sérieux. La magie compte autant que la science. Le rêve autant que la réalité. Or, tous les discours ne se valent pas: ceux de la névrose, de l’hystérie et du mysticisme procèdent d’un autre monde que celui du positivisme. […] Faut-il rester neutre? Doit-on rester neutre? A-t-on encore les moyens de ce luxe? Je ne crois pas… À l’heure où se profile un ultime combat […] il faut promouvoir une laïcité post-chrétienne, à savoir athée, militante et radicalement opposée à tout choix de société entre le judéo-christianisme occidental et l’islam qui le combat. Ni la Bible, ni le Coran. Aux rabbins, aux prêtres, aux imams, ayatollahs et autres mollahs, je persiste à préférer le philosophe."
Vivre sans Bible ni Coran.
Il reste à savoir si l’on peut vivre sans Bible ni Coran, sans fréquenter la synagogue, l’église ou la mosquée. Oui, répondront sans hésiter la majorité des Français. Mais si la question devient "Pourriez-vous mourir sans cérémonie religieuse?", la réponse s’inverse: la majorité des obsèques sont religieuses! C’est là qu’on met le doigt où ça fait mal! C’est sur ce point précis, la peur de la mort, que se sont bâties les religions.
En effet toutes les religions promettent qu’on ne mourra pas, si… Si l’on est obéissant, fidèle, respectueux des préceptes religieux et de ceux qui les enseignent… on aura droit à la vie éternelle! Mais seulement après notre mort. Si l’on passe sa vie terrestre à essayer de s’approcher de la perfection (la sainteté?) au prix d’innombrables sacrifices et frustrations, on aura le droit… à quoi?
Il paraît qu’un coiffeur astucieux avait mis dans son salon un écriteau indiquant "Demain on rase gratis" (car c’était du temps où l’on se faisait raser). Si vous reveniez le lendemain pour profiter de l’aubaine… l’écriteau était toujours là: Demain on rase gratis!… Pas aujourd’hui, demain!
Les systèmes basés sur la crédulité sont très répandus dans le commerce. Ils servent aussi beaucoup en politique. Qu’on se rappelle Chirac et sa fracture sociale! Qu’on se souvienne de Pasqua et des "promesses qui n’engagent que ceux qui les croient"!
C’est ce même système qui fait le succès des religions. Elles rassurent à bon compte tout ceux qui ont peur de mourir en leur promettant la vie éternelle… pour le lendemain de leur mort. Demain! Mais ce n’est pas gratis, le prix à payer est élevé. Elles fixent un but impossible, qui ne pourrait être atteint que par une totale soumission à leurs préceptes. Toute défaillance fera de vous un coupable qui devra se faire pardonner, expier ses "péchés". Est-il raisonnable de gâcher sa vie, la seule qu’on aura jamais, parce qu’on croirait à une telle promesse?
Pour Michel Onfray (3) "la crédulité des hommes dépasse ce qu’on imagine. Leur désir de ne pas voir l’évidence, leur envie d’un spectacle plus réjouissant, même s’il relève de la plus absolue des fictions, leur volonté d’aveuglement ne connaît pas de limites. (…) Avoir à mourir ne concerne que les mortels: le croyant, lui, naïf et niais, sait qu’il est immortel!"
Ce n’est pas mépriser les croyants que de les plaindre comme des victimes, de considérer qu’ils ont été abusés. Mais c’est une raison suffisante pour condamner ceux qui les trompent. De ce point de vue, n’est-il pas légitime de critiquer les religions plutôt que de tolérer passivement leur existence?
La peur de la mort occasionne cependant, chez certaines personnes, une grande anxiété et des souffrances morales que les religions semblent apaiser. Certains médicaments dérivés de l’opium ont le même effet mais leur usage présente de sévères contre-indications: ce sont des stupéfiants qui provoquent peu à peu un engourdissement du raisonnement et la suspension des facultés intellectuelles. Ces médicaments sont autorisés, leur usage étant strictement contrôlé, mais la commercialisation et l’usage comme drogue sont sévèrement proscrits.
Les religions ne sont-elles pas l’opium des peuples? Si vous vous posez la question, vous pouvez commencer votre cure de désintoxication par la lecture du "Traité d’athéologie" de Michel Onfray.
P. O.-P.
(1) Enquête CSA-La Vie-Le Monde d’avril 2003 citée par Le Monde du 31 août 2005, page 7. Le taux de 20% est probablement biaisé car la pratique religieuse est évaluée sur la fréquentation des offices: la prière du vendredi n’a pas pour les musulmans le caractère d’obligation qu’a la messe dominicale pour les catholiques.
(2) Michel Onfray, Traité d’athéologie, Grasset (2005).
(3) ibid, page 28.