Depuis quelque temps des écologistes
politiques s'agitent autour du lac d'Annecy. Ils s'élèvent contre un projet de cale
sèche pour l'entretien des bateaux. Ils dénoncent les modifications en cours de la loi
littoral. Ils refusent le transfert de la propriété du lac de l'État au SILA (Syndicat
Intercommunal du Lac d'Annecy). Une pétition circule.
La cale sèche serait un cadeau à la
Compagnie des Bateaux. Cette société privée a pourtant été autorisée par l'État à
exploiter un bateau qui ne peut être sorti de l'eau nulle part autour du lac. Si elle
paie une redevance correcte pour l'utilisation d'une cale sèche, que seule une
collectivité publique est autorisée à aménager, où est le problème? L'actuel
slip-way de Sevrier est obsolète depuis longtemps...
On peut être méfiant lorsque la loi littoral est modifiée, mais la loi actuelle
a-t-elle empêché l'urbanisation à outrance des communes riveraines du lac?
L'État français, propriétaire du lac, a-t-il défendu l'intérêt général? Il n'a
fait que percevoir des redevances pour les pontons et imposer des règlements sans se
donner les moyens de les faire appliquer. Si les communes (unies à présent dans le SILA)
ne s'étaient pas mobilisées pour l'assainissement, le lac d'Annecy serait mort de
pollution. Il ne doit pas sa survie à l'État, mais à l'initiative du Dr. Servettaz,
soutenue par l'ancien maire d'Annecy Charles Bosson.
Me. Thierry Billet, qui a pris ses distances avec les Verts et s'exprime avec les Amis
de la Terre, ambitionne probablement de disputer la mairie d'Annecy à Pierre Hérisson,
candidat UMP déclaré et président du SILA. Dans cette entreprise, il enfourche un
mauvais cheval.
Joël Baud-Grasset, 34 ans, marié (un enfant),
agriculteur à Bogève, est depuis 2001 Conseiller général du canton de Boège (Vallée
Verte). Il est le benjamin du Conseil général de la Haute-Savoie.
Votre candidature en 2001 était inattendue...
Pas pour moi en tout cas! Raymond Bouvier avait annoncé qu'il ne se
représenterait pas. Ma candidature n'était pas plus inattendue que les autres...
Vous aviez envisagé depuis longtemps d'être
candidat?
Oui bien sûr, mais dans ma tête: je n'avais rien dit à qui que ce soit. Je
m'étais préparé psychologiquement à cette échéance, un peu comme un athlète se
prépare à une course. Je voulais m'impliquer pour le Département de la Haute-Savoie et
je me préparais à partir en campagne le moment venu. Six communes sur les huit du canton
renouvelaient leurs maires en même temps, donc la compétition était très ouverte pour
le siège de Conseiller général. C'était une opportunité à saisir.
Comment vous êtes-vous organisé pour concilier
votre mandat avec votre activité agricole?
J'ai embauché un salarié dès que j'ai été élu. Associé en GAEC avec ma
mère, je continue l'exploitation avec l'aide de ce salarié, nous avons une trentaine de
vaches laitières et une trentaine de génisses, sur 70 hectares qui se répartissent de
700 à 1300 mètres d'altitude. Il y a pas mal de course! Si je n'aimais pas mon métier
je l'arrêterais, mais comme je l'aime, je le suis. Mais ce n'est pas simple de tout
concilier, avec une vie de jeune couple et un enfant en bas âge.
Concrètement, vos indemnités de Conseiller
général vous servent à rémunérer votre salarié?
Mon indemnité ne couvre même pas tout à fait le coût du salarié, qui gagne
donc mieux sa vie que moi. Il faut un grain de folie au départ, mais je vis
passionnément mon mandat. Je crois qu'il faut des jeunes dans la politique, et des
actifs, pas seulement des retraités. La moyenne d'âge du Conseil général, quand je
suis arrivé, était à 58 ans. Un peu de renouvellement ne fait pas de mal, mais nous ne
sommes que deux (Dominique Puthod et moi) entre 30 et 40 ans! Généralement un candidat
est élu Conseiller général après avoir fait ses preuves en tant que maire, c'est
rarement en début de carrière.
Avant de faire de la politique, quelles autres
activités?
De l'associatif et du syndicalisme. Dès que j'ai arrêté l'école, je me suis
dit que je ne ferais pas que de l'agriculture, j'ai voulu m'ouvrir l'esprit. Vers 20 ans
j'ai commencé à participer à l'association Paysalpes, écomusée de Viuz en Sallaz...
Vous vous êtes rendu compte qu'il y a une
histoire, différente de celle de la France?
Pas dans un premier temps,
comme administrateur de Paysalpes. Mais j'ai suivi une formation de Guide du patrimoine
des Pays de Savoie. Alors je me suis aperçu que la Savoie avait une histoire. J'avais
appris Charlemagne, Napoléon, etc. mais j'ai ouvert les yeux sur l'histoire de la Savoie:
on est les derniers à être arrivés en France, mais en fait on est les derniers à
savoir qu'on a une histoire! De ma scolarité je n'ai pas retenu une seule leçon sur la
Savoie, pourtant j'étais assidu. C'est dommage. Quand on est jeune, on s'en fiche
peut-être un peu de l'histoire, mais quand on commence à mûrir on se pose des questions
sur l'enracinement dans un territoire.
Difficile combat pour la langue savoyarde.
C'est pour ça que vous avez choisi la commission
Culture et Patrimoine au Conseil général?
J'ai passé un deal avec Dominique Puthod, vice-président chargé des affaires
culturelles. Je lui ai dit: tu es le rat des villes, je suis le rat des champs.
Aujourd'hui on a une population "rurbaine"; avec ce mode de vie, la diffusion
culturelle doit se faire sur tout un territoire et pas seulement sur les centres. La
culture comporte la culture locale, qui existe. La Haute-Savoie s'est snobée, s'est
bradée en ignorant sa véritable histoire. Aujourd'hui, pour vendre du tourisme, il faut
mettre en avant une culture identitaire...
Avec le théâtre en patois?
Oui. Au début certains collègues se sont moqués de ma présidence de la
commission culture, ils me demandaient si je n'avais pas confondu avec l'agriculture... Je
réponds que j'ai connu "les planches" depuis l'âge de dix ans, en participant
aux spectacles en patois. Sur Thonon, Seytroux, Reignier, ces spectacles ont un gros
succès, de même dans l'Albanais. C'est une expression culturelle. J'essaie de faire
comprendre à Dominique Puthod (ou avant à Alain Veyret) que le patois ne nous a jamais
enfermés dans un régionalisme "communautariste". J'ai du mal à faire admettre
que cette langue est affaire de saveurs, de bons moments partagés, c'est comme une bonne
soupe, mais pas un bouillon qu'on va lancer à la tête des autres comme à l'Escalade!
Contrairement à la culture bretonne avec les
festou-noz, la culture traditionnelle de Savoie intéresse peu les jeunes...
Effectivement la transmission sera très difficile, du moins pour la vie
quotidienne. Demain le parler qu'on connaîtra le mieux sera peut-être l'anglais, mais
pour moi ce n'est pas un problème. Le citoyen lambda ne va pas se casser la tête à
apprendre la langue des anciens, mais on peut transmettre des mots, des expressions, des
intonations, un peu de la bonne soupe d'avant... Passer d'une langue à l'autre donne de
la facilité pour apprendre d'autres langues, j'en ai fait l'expérience.
C'est un fait reconnu partout sauf en France, où
on prétend qu'apprendre une langue régionale se fait au détriment des langues
étrangères!
Chez moi il y avait trois générations sous le même toît. Ma grand-mère me
parlait français, et mon grand-père patois. À la maternelle je mélangeais les deux
langues, mais arrivé en sixième je n'ai eu aucun problème avec l'anglais: pour un
patoisant la prononciation est facile, et il a l'habitude de passer d'une langue à
l'autre. J'ai aussi fait deux ans d'allemand et il m'en reste quelque chose. Ce n'est
certainement pas enfermer quelqu'un dans un régionalisme que de lui faire apprendre la
langue locale!
Mais l'État ne soutient que le français, et les
langues régionales meurent!
Voilà le problème avec notre "super-technocratie" française: le
ministère de la Culture estime que c'est très bien d'avoir des langues régionales, mais
quand il s'agit de mettre des moyens dans l'apprentissage, alors là... J'avais
accompagné Marc Bron (1) au ministère de l'Éducation Nationale, j'ai posé la question
au "cher fonctionnaire" qui nous a reçus: est-ce qu'il faut faire péter des
bombes comme au Pays Basque ou en Corse pour avoir des postes d'enseignants?
Et vous avez eu la réponse?
Non, mais en Haute-Savoie on n'a pas cet état d'esprit, et puis c'est pas
forcément nécessaire de faire péter des bombes partout... Donc notre culture aura des
moyens réduits du côté de l'État, mais le Conseil général peut mettre des moyens,
notamment dans un Institut de la langue savoyarde, en lien avec le francoprovençal bien
sûr puisque c'est son origine principale, et en lien avec le Bureau Régional d'Études
Linguistiques (BREL) de la Vallée d'Aoste. Il faut arriver à faire comprendre à des
Haut-Savoyards qu'existent de l'autre côté de la montagne des gens qui mettent en valeur
la musique traditionnelle et la langue régionale.
Au Val d'Aoste, le "patois" est resté
une langue vivante, une langue de tous les jours, à côté de l'italien, donc c'est
possible...
Chez nous l'Éducation Nationale a voulu faire taire cette langue, donc on tapait
sur les doigts des enfants. Ma mère parle le patois couramment, mais elle ne peut pas le
parler à mon fils: dans son subconscient on est arrivé à lui massacrer cette langue,
donc elle ne la transmet pas. Elle joue au théâtre, elle écrit des pièces de
théâtre, mais elle ne va jamais parler patois au quotidien: pour elle, c'est s'abaisser,
ça fait trop paysan, bouseux. Moi j'ai pas peur de m'exprimer en public en patois, mais
elle, elle aurait honte.
Est-ce que vous ne trouvez pas bizarre que
l'Institut de la langue savoyarde soit subventionné par Rhône-Alpes et pas par
l'Assemblée (des Pays) de Savoie?
Non, je ne trouve pas bizarre. Il y a l'ancienne génération qui pense que le
patois est foutu, et la nouvelle génération qui est principalement urbaine et pense que
ce n'est pas nécessaire d'y mettre des moyens.
C'est bien la même chose au Conseil régional, et
il a pourtant voté un crédit, n'est-ce pas un paradoxe? N'est-ce pas que la Savoie a
honte d'elle-même?
Tout à fait, oui, bien sûr. C'est certainement aussi parce que l'entourage de
Bernard Bosson a tendance à dire "on ne gouverne pas avec un rétroviseur"...
On ne conduit pas non plus sans rétroviseur...
Je sais bien, mais voilà, j'ai beaucoup de travail là-dessus. Je dois
convaincre Dominique Puthod, et aussi Hervé Gaymard, qui a été missionné pour gérer
les politiques culturelles sur les deux Savoie(s). Il faut que j'arrive à leur faire
comprendre l'intérêt de cet Institut.
Le rapport de forces est favorable aux gens de la ville, mais je ferai tout pour y
arriver, avec le soutien de Marc Bron notamment. Après tout, on finance bien de l'art
contemporain qui passe complètement au-dessus de la tête de la moitié de la
population...
Vous mettez en cause Bernard Bosson; ce n'est
quand même pas lui qui dirige le Département, son influence est très faible...
Oui, mais ses collègues urbains, et notamment Dominique Puthod, n'ont pas un
raisonnement différent de celui de Bernard Bosson.
Vous m'avez dit que vous avez passé un
"deal" avec Dominique Puthod, alors?
(Rire) On n'a pas signé de papier!
Vous n'êtes pas tout à fait d'accord sur les
conditions du deal?
Non...
C'est donc un pacte... conflictuel?
Lui, il est plus proche des services culturels, il est prof à l'université à
Annecy, il va au Conservatoire d'art et d'histoire, et moi je ne viens pas tous les jours
à Annecy, il me faut le temps de descendre de mes montagnes! Voilà, y'a pas photo!
Dans l'assemblée départementale, vous devez
trouver des gens qui sympathisent avec votre sensibilité?
Oui, Mogenet, Birraux, Mudry et tous ces gens-là, mais ça va pas plus loin,
parce qu'ils n'y croient pas, eux! C'est l'ancienne génération. Ils pensent que c'est
foutu.
C'est comme ceux qui nous disent: "oui, la
Savoie indépendante ce serait bien, mais c'est trop tard"?
(Hésitation) Faut voir!
Le "rat des champs" dans la
politique politicienne.
Il y avait un cas un peu à part, celui d'Alain
Veyret, Conseiller général UDF. Très réticent sur la langue régionale, il était le
plus clair de tous pour réclamer une Région Savoie. Le docteur Accoyer et l'UMP ont
réussi à lui faire perdre le canton d'Annecy nord-ouest en 2004. C'est révélateur du
fait que les élus départementaux sont étroitement surveillés par les appareils
politiques. Comment vous sentez-vous à l'UMP?
J'ai ma carte à l'UMP depuis mon élection, mais avant je me sentais proche du
RPR et de Jacques Chirac, parce que c'est porteur des valeurs du travail. L'UDF c'est la
ligne blanche sur la route, j'aime autant pas rouler sur la ligne blanche parce que ça
peut m'attirer des ennuis, je peux avoir un accident. Il vaut mieux être d'un côté ou
de l'autre. Comme petit entrepreneur agriculteur je devrais théoriquement plutôt être
à gauche, mais je ne peux pas! La gauche a perdu ses valeurs, et je n'aime pas la gauche
caviar, ni José Bové, un fils à papa devenu agriculteur, alors que moi je n'ai plus mon
papa depuis l'âge de trois ans, et je suis agriculteur comme il l'était. Chez nous,
celui qui est bosseur arrivera toujours à trouver du travail.
C'est ancien chez vous, cet ancrage à droite?
Quand Mitterrand a été élu en 1981, j'avais dix ans. Je pleurais comme un
petit gamin, on m'avait dit que c'était affreux, le socialisme! Ma grand-mère, de
tradition catholique, recevait des documents de l'Europe de l'Est où les gens étaient
interdits de pratique religieuse. D'ailleurs il y a eu de fortes tensions peu après
autour de l'école catholique...
N'avez-vous pas l'impression que vous pouvez faire
à peu près ce que vous voulez dans les marges du budget départemental, mais que les
grandes questions politiques sont réglées à Paris?
C'est sûr, quand il s'agit de faire l'A41, on a besoin d'un appui politique à
Paris, si on avait un ministre ce serait encore mieux! Mais on est quand même maîtres de
notre politique locale.
Vous croyez que l'A41 va se faire?
C'est bien parti, oui.
Avec quel financement? Quand j'étais Conseiller
régional on nous demandait d'abonder par des subventions...
Là-dessus, je laisserai la réponse à mon collègue vice-président Anthoine de
Menthon, je ne m'occupe pas des questions financières.
Avez-vous l'impression que le RPR, qui a été au
pouvoir assez souvent depuis 20 ans, a bien géré la France?
On n'a pas eu, jusqu'à maintenant, suffisamment de temps pour qu'un gouvernement
de droite s'affirme. Mais maintenant le gouvernement est décidé à remettre les gens au
boulot, et ça me convient.
Pour 2007, vous donnerez votre signature à quel
candidat?
Je ne vais pas me prononcer aujourd'hui.
Tout de même, depuis 2002 la droite parlementaire
a tous les pouvoirs, et on n'observe pas d'amélioration des finances publiques... Thierry
Breton a même déclaré que la situation de la France ressemble de plus en plus à celle
de l'Argentine!
C'est peut-être botter en
touche, mais je suis un élu local et les finances nationales ce n'est pas mon souci
principal. J'ai la chance d'être dans un département où on a de l'argent, même si
notre taux d'endettement est important. La politique nationale, je ne la suis pas de très
près...
La Savoie en panne de leader.
Ne pensez-vous pas que la Savoie a les atouts pour
réussir, si elle n'était pas plombée par les handicaps de la France?
Inversement, au début du siècle on avait besoin de la France. Combien de
Savoyards sont allés travailler à Paris?
Après l'annexion, donc!
Avant, ils avaient une autre façon de s'organiser. Mais on ne peut pas se dire
que c'était bien avant et aujourd'hui c'est mal, ou inversement. Il y avait des
Eldorados, que ce soit l'Argentine ou Paris. On est toujours dépendant de l'extérieur,
mais ça n'empêche pas d'avoir une organisation interne. Aujourd'hui je n'aurais pas
envie d'être Conseiller régional de Rhône-Alpes, mais une Région Savoie ça me
plairait bien.
Pourquoi?
Parce que Lyon c'est trop loin. J'aime la proximité, je n'arrive pas à
comprendre pourquoi on fait une région si grande. À l'Assemblée des Pays de Savoie j'ai
voté pour une Région des Pays de Savoie.
Vous connaissez le résultat: Devedjian est venu
à Lyon, il a dit non. Comment expliquez-vous que l'Assemblée ne s'est pas réunie à
nouveau pour maintenir son vote et insister?
Il y a un problème entre les Savoyards et les Haut-Savoyards.
Dans le vote, ils étaient assez mélangés,
semble-t-il... (d'ailleurs le vote se faisait à bulletins secrets).
D'accord. Mais sur le leader qui va mener l'idée! Si le président n'y pense
pas, qui d'autre va porter l'idée?
Vous n'arrivez pas à trouver un leader?
Non.
Parce que Gaymard est élu à Rhône-Alpes et y
préside le groupe UMP, parce que ni Vial ni Nycollin n'ont l'envie?
Voilà.
Donc il n'y a pas de leader. Alors vous pourriez
l'être?
Dans les années futures (rire)...
Il y a quand même un large consensus pour la
Région Savoie, non seulement de la population mais aussi des élus...
Oui. Certains disent que l'APS
ne sert plus à rien, que c'est un rassemblement de fromages blancs. Mais quand même il
faut qu'on apprenne à se connaître! Quand on écoute nos collègues de Savoie discuter,
on rigole un peu: chacun intervient, ramène sa fraise, alors que nous, c'est le
département du consensus, on part sur une idée et puis on y va. Il n'y a pas de grand
débat de fond, parce que sur le fond on est d'accord. Mais eux, ils font beaucoup de
forme. Il y a de grandes personnalités, comme Bouvard qui fait sa dissertation, son
numéro, après il y en a un de la Maurienne, un de Tarentaise... Nous, ça nous choque.
Et eux, ils méprisent un peu ces Haut-Savoyards qui ne disent rien... Chez nous, même
les deux socialistes votent le budget!
Agriculture: on fait ce qu'on peut.
Depuis le 29 mai (rejet du Projet de Constitution
européen par les électeurs français) Tony Blair a pris l'initiative en dénonçant le
coût excessif de la PAC (Politique Agricole Commune, subventionnement des agriculteurs
par l'UE). Les pays du Tiers-monde demandent l'arrêt des subventions qui faussent le
marché en excluant leurs productions. Quelles conséquences pour l'agriculture en Savoie?
La PAC coûte cher, mais c'est normal parce que c'est la principale politique
européenne: il n'y a pas de politique européenne de défense, de politique européenne
sociale, il n'y a pas grand-chose à côté de la PAC. Je suis allé en Angleterre (dans
le Yorkshire) et j'ai vu que l'agriculture là-bas n'a rien à voir avec ce que nous
connaissons: la terre appartient à de grands propriétaires (souvent des Lords) et les
fermiers locataires font du "business".
La PAC évolue, elle passe progressivement du soutien à la production (garantie de
prix) à l'encouragement des bonnes pratiques environnementales. Il faut s'adapter.
Les propos de Philippe de Villiers peuvent m'irriter: je suis allé à Bruxelles, et
j'ai constaté que les technocrates européens connaissent très bien le territoire
européen, alors que les technocrates français ne connaissent que Paris. Que vous soyez
Pyrénéen, Alpin, Vosgien, vous n'êtes qu'un bouseux qui n'a pas été foutu de monter
à Paris...
Les subventions que combattent les pays du
Tiers-monde concernent surtout les céréales ou le sucre, mais pas le reblochon ou le
gruyère. Donc l'agriculture de Savoie devrait mieux s'en sortir?
Oui, mais les primes sont quand même nécessaires. Il faut en faire comprendre
l'intérêt au consommateur et au contribuable. Dans le deuxième pilier de la PAC (aides
en faveur de l'environnement) nous serons mis en concurrence avec d'autres territoires de
France. Nous sommes faibles, c'est un fait. Quand il faut aller à une réunion à Paris
pour défendre notre agriculture, prendre le TGV à 5 heures du matin à Bellegarde, on
arrive crevé, parce qu'on a bossé la veille, et il faut vite rentrer le soir, alors que
les agriculteurs d'Île de France rentrent tranquillement chez eux... Comme nous sommes
faibles, nous devons nous défendre avec nos produits de qualité.
Si la Savoie redevenait un État européen, elle
discuterait à égalité avec les autres!
...
"Peut-être que nos enfants mettront le
feu à des bagnoles de Suisses"...
Avec la flambée des prix du foncier et de
l'immobilier, et les taxes qui s'y appliquent, les Savoyards ne sont-ils pas chassés de
leur territoire? Seriez-vous pour la suppression de l'impôt successoral?
C'est une méthode radicale, je préfère parler d'aménagements.
Pourtant les autres l'ont fait (Suisse et Italie).
Oui bien sûr, mais quand on arrive en disant "on va supprimer", tout
de suite on nous regarde de travers! Il faut qu'on trouve un moyen d'assouplir, sinon
notre jeune génération habitera en HLM et regardera les riches Hollandais, Anglais,
Suisses qui viennent s'installer chez nous. Il n'y a plus de guerre, mais on vient avec du
fric et on vous sort de chez vous. Peut-être que nos enfants mettront le feu à des
bagnoles de Suisses!
C'est à cause de la France, car la Savoie n'a pas besoin de l'impôt successoral
pour équilibrer son budget.
Les droits de mutation, pour un Conseil général, ce n'est pas négligeable...
Je reviens du Pays Basque (sud). Les provinces basques prélèvent tous les impôts,
et paient à Madrid 6,3% du budget de l'Espagne. Tout le reste va dans les budgets des
collectivités basques. Ils n'ont pas besoin de droits de mutation.
L'État français n'acceptera jamais une suppression. Mais il faut des
aménagements. Le problème c'est d'appartenir à un grand pays, avec la même loi pour
tous les territoires.
Il y a des grands pays comme les États-Unis, l'Allemagne, la Suisse, qui ont des
lois différentes selon les États, Länder, Cantons. Jean-Jack Queyranne demande à
présent l'autonomie des Régions, c'est étonnant, mais je ne vois pas l'UMP s'orienter
dans ce sens, ou bien?
Certainement.
Contradiction pour vous?
...
(1) Marc Bron, enseignant, habite le canton de Boëge; il préside la fédération des
groupes patoisants Lou Rbiolon, l'association des enseignants de savoyard et l'association
pour un Institut de la langue savoyarde.
Propos recueillis par Patrice Abeille le 27 septembre 2005.
En 2004, 110.2 millions de tonnes de marchandises ont été transportées par la route
et le rail à l'intérieur de l'Arc alpin entre le Mont-Cenis/Fréjus et le Brenner. Cela
correspond à une augmentation d'environ 6% par rapport à l'année précédente. En
moyenne, 36,2% des marchandises qui ont franchi cette région des Alpes en 2004 ont été
transportées en train, contre 37,1% l'année précédente. La Suisse est de loin le pays
où le split modal est le plus appliqué. La part du trafic ferroviaire de marchandises
dans le transport général de marchandises y a passé de 63,2% en 2003 à 64,7%. La
situation est très différente en Autriche et en France. En Autriche, la part du rail a
diminué, passant de 27,2% en 2003 à 23,2% l'année dernière ; en France, ce pourcentage
a baissé de 23,6% à 22,1%. En ce qui concerne le trafic de transit, la part du rail en
Autriche a baissé de 25,1 à 24,2% et, en France, de 20,2 à 15,9%.
Avez-vous eu le "bonheur" de tomber sur les "perles du bac"? Si oui,
vous avez eu la preuve de la carence qui frappe nombre d'adolescents sur le plan de la
culture générale...
À qui la faute de cette débâcle? Télévision, civilisation de l'image, désintérêt
d'une certaine jeunesse pour les matières responsables de l'état actuel du monde,
réformes inefficaces de l'enseignement figurent-ils au rang des coupables?
Un fait est certain: la pédagogie moderne place aujourd'hui les élèves en
"situation problème". Plutôt que de leur enseigner un sujet puis de leur
donner des exercices, les enseignants incitent les enfants à découvrir et à construire
leur propre savoir. Or, exception faite de génies comme Pythagore, combien d'entre nous
parviendraient-ils à redécouvrir son fameux théorème? On ne demande pourtant rien de
moins à nos pauvres potaches! Dès lors, faut-il s'étonner que certains se révoltent?
D'autres temps et d'autres principes pédagogiques ont fait de Fernand Gil Pasche un
mauvais élève... Mais avoir réussi à s'en remettre à la force du poignet l'a doté
d'un point de vue assez original sur la question! Aussi a-t-il souhaité partager son
expérience d'ex-embourbé avec les jeunes qui sont dans le même cas en ce moment.
Fernand Gil Pasche a donc mis au point trois livres,
de 170 pages A4 chacun environ, pour faciliter l'accès à trois matières fondamentales
de l'enseignement scolaire: mathématiques, grammaire et histoire.
Et si on arrêtait de compliquer les
mathématiques!
"Ce domaine était ma bête noire, je n'y pigeais rien de rien!" confesse le
Genevois Fernand Gil Pasche. "Et puis un jour, je m'y suis attelé et... je n'ai pas
lâché jusqu'à ce que je finisse par comprendre". L'ancien mauvais élève a enfin
vaincu ce qui avait empoisonné sa scolarité. Pour y arriver, il s'est astreint, à
passé soixante ans, à un véritable parcours du combattant. Une fois au bout de ses
peines, il a décidé de partager sa découverte sous la forme d'un livre différent,
conçu pour les "mauvais" et accessible à tous.
Avec sa "petite encyclopédie qui se lit toute seule", Fernand Gil Pasche n'a
pas cherché à rivaliser avec les gands esprits, il a simplement rendu les choses le plus
clair et le plus accessible possible. Cet ouvrage permet de passer de nul à bon en maths.
Il nous fait revisiter les lieux maudits de notre enfance, et, une fois l'incompréhension
dissipée, on découvre qu'il s'agissait d'un jardin enchanteur!
Le livre contient encore des exercices très simples
et progressifs, qui n'ont rien ,des problèmes de notre enfance. Il s'agit plutôt de
moyens d'ancrer notre compréhension.
Et si on arrêtait de compliquer la
grammaire!
Aujourd'hui, non seulement les enfants ont de la peine à étudier la grammaire, mais
même leurs parents n'y comprennent plus rien!
Apprendre la grammaire et l'orthographe n'a jamais été une partie de plaisir. Malgré
cela, depuis des siècles, les élèves étudiaient ces branches et les comprenaient. La
meilleure preuve en est que la plupart des paysans au début du 20e. siècle avaient une
orthographe parfaite.
"Le sujet de la grammaire est jonché de peaux de banane, dit Fernand Gil Pasche.
Mon livre les élimine, l'une après l'autre. Une fois la voie libre, l'élève ne risque
plus de se casser la figure!"
Fernand Gil Pasche a rédigé un troisième livre destiné à ceux qui sont déroutés
par l'histoire et les notions politiques. Il aide à répondre à des questions aussi
complexes que celles-ci: quelle est la différence entre démocratie et république?
qu'est-ce qui distingue un État, une nation et une patrie?
L'auteur diffuse lui-même ses livres au prix de 33 euros l'unité, frais de port
inclus. Vous pouvez passer commande par courrier (en incluant un chèque) à:
M. Fernand Gil Pasche
17 Quai Charles Page
CH-1205 Genève
Suisse
Précisez combien d'exemplaires vous commandez de chaque livre (mathématiques,
grammaire, histoire).
Fernand Gil Pasche sera présent au Congrès de la Ligue savoisienne (5-6 novembre à
Doussard, Salle polyvalente) pour présenter ses livres.
Il suffit davoir un bout de terrain ou un pot de fleurs sur son balcon pour que
les mauvaises herbes se lapproprient. Comme elles sont souvent plus vigoureuses que
les bonnes la culture tourne au désastre. Comme le désherbage est fastidieux et
comme il est tentant dacheter un herbicide sélectif qui tuera les mauvaises herbes
sans faire trop de mal aux plantes et aux fleurs! Quand lherbicide est efficace et
de plus biodégradable pourquoi sen priver? Alors, comme des millions de
cultivateurs et de jardiniers vous devez avoir quelque part un bidon de ce produit
inoffensif...
Désolé! Le glyphosate, principe actif du Roundup vendu par Monsanto, la firme
américaine géante de lagrochimie, nest probablement ni inoffensif ni
biodégradable (1). Cest ce que prétendent démontrer les auteurs des plaintes
déposées depuis 2002 par trois associations: AUDACE (2), Eaux et rivières de Bretagne
et UFC-Que choisir. Pour elles, le glyphosate nest pas biodégradable car depuis
1999 les prélèvements deau dans les rivières de Bretagne détectent la présence
de glyphosate à forte dose. Il nest pas non plus inoffensif car il a été classé
par lEurope parmi les produits "toxiques pour les algues et pour la faune
aquatique" et "dangereux pour lenvironnement". Des travaux de
recherche publiés par le CNRS en 2004 auraient enfin montré un caractère
potentiellement cancérigène du glyphosate.
Dabord le défoliant à la dioxine au Vietnam, maintenant lherbicide
cancérigène Merci bien oncle Sam!
Bien entendu Monsanto nie en bloc mais si les plaintes pour publicité mensongère sont
fondées, comment le croire? Il sera dit sans aucun doute, une fois encore, que les
preuves ne sont pas suffisantes, quil faudrait des études épidémiologiques
portant sur des milliers de personnes durant des années pour avoir une certitude
Cest sans doute vrai mais en attendant que les tribunaux délibèrent et sachent
comment utiliser le Principe de précaution décrit dans la Charte de
lenvironnement, quest-ce quon fait quand on est un agriculteur ou un
jardinier savoisien? On met un masque, des gants et des lunettes ou mieux une combinaison
étanche pressurisée pour désherber? À mon avis, il vaudrait mieux désherber à la
main ou ne pas désherber du tout plutôt que de risquer sa peau pour faire gagner une
poignée de dollars à Monsanto!
Jean Aymard.
(1) voir larticle paru dans Libération du 4 juin 2004 où le site www.mdrgf.org
(2) Association des utilisateurs et des distributeurs de lagrochimie européenne
à vendre: TV couleur Roadstar 25cm pour camping car (fonctionne sur 12volts, 24 volts
et 220 volts). Très peu servi, valeur neuf 470, vendu 300.
Avec stupeur et beaucoup de peine, nous vous apprenons le décès de notre ami Gilbert
Excoffier. Il s'est éteint à la mi-août en surprenant tout le monde. Voici le texte de
son fils Thierry qui a été prononcé lors de la sépulture:
"En hommage à mon papa,
Je voudrais juste dire qu'une fois de plus mon bougre de père nous a fait un pied de
nez, il a surpris tout le monde en partant sur la pointe des pieds, tranquillement dans
son sommeil, sans rien dire à personne. Je me permets de dire que c'est la plus belle
mort que l'on peut souhaiter et que cela nous soulage par rapport à l'immense douleur du
vide laissé par le départ d'un personnage tel que Gilbert.
Il est parti bien trop tôt, mais son souvenir restera gravé dans nos esprits, quand on
se souviendra par exemple des fêtes de famille et des rassemblements divers où il était
présent".
Toutes nos pensées vont vers sa femme, James et leurs enfants.
(Suite du récit tiré de la biographie de Joseph de Maistre par François Vermale,
parue en 1927 dans les Mémoires et Documents de la Société Savoisienne d'Histoire et
d'Archéologie.)
Résumé de l'épisode précédent:
En 1803, Joseph de Maistre s'installe à
Saint-Pétersbourg comme chargé de mission extraordinaire du Roi de Sardaigne, aux frais
de la Russie et de l'Angleterre. Il tisse un réseau de relations et prodigue ses conseils
au jeune tsar Alexandre. Mais le 2 décembre 1805 survient le désastre d'Austerlitz.
Livre V (suite): J. de Maistre en Russie
(1803-1817).
Chapitre II: D'Austerlitz à Wagram
(1805-1809).
J. de Maistre connut, après Austerlitz, des heures de sombre découragement. Ses rêves
de triomphe de la cause européenne étaient indéfiniment ajournés. Il souffrit si
profondément de cette défaite russe que, dans ses Carnets, il s'en étonne et se pose la
question: Suis-je Russe?, comme pour se reprocher son émotivité. Cependant, il se
ressaisit vite afin de rédiger un Mémoire de 13 pages qu'il fit parvenir en haut lieu,
par l'intermédiaire du duc de Serra Capriola.
Dans ce Mémoire, J. de Maistre affirmait qu'Alexandre devait toujours être considéré
comme le sauveur de l'Europe. Qu'importait une bataille perdue dans des circonstances
aussi anormales? L'honneur était sauf et les pertes en hommes n'étaient qu'une
"goutte de sang pour la Russie". L'essentiel était de maintenir la continuité
des vues politiques, de continuer la guerre, mais d'adopter d'autres méthodes. Il faudra
désormais faire une "guerre de Fabius" (1), se borner pour le moment à une
guerre d'usure et harceler les armées de Napoléon. Il faudra surtout songer à utiliser
le roi de France pour soulever ce pays qu'excèdent les levées incessantes de conscrits.
D'autre part, Russie et Angleterre devront acheter, si cela est nécessaire, la
collaboration militaire de la Prusse. Quant à l'Autriche, quoique la défaite
d'Austerlitz lui soit imputable, on devra ménager son amour-propre dans une certaine
mesure, car l'archiduc Charles est un espoir militaire. Voilà pour la politique
extérieure. Quant à la politique intérieure, Alexandre devra exercer une surveillance
sévère du parti défaitiste russe, organiser des services de presse pour défendre sa
réputation devant l'opinion européenne et répondre au "Moniteur" de
Napoléon, lequel ne cesse de diffamer le Tzar au sujet de sa conduite à Austerlitz.
Pour remonter le moral d'Alexandre Ier et de son entourage, J. de Maistre, dans ses
lettres de cette époque, rejette très astucieusement la cause de la défaite sur les
Autrichiens. (...) Ces lettres, écrites pour panser l'amour-propre du Tzar,
n'empêchaient pas J. de Maistre de voir clair. Après Austerlitz, ses conclusions furent
formelles: la Russie manque de généraux, et son armée manque d'intendance. Le fantassin
russe est excellent, mais on ne sait pas le ravitailler. Au dieu de la guerre qu'est
Napoléon, la Russie ne peut opposer aucun talent militaire de premier plan. Quant à
l'entourage de l'Empereur, composé de jeunes gens, il est très coupable, en particulier,
d'avoir laissé fuir Alexandre Ier jusqu'à Saint-Pétersbourg au lieu de masquer cette
fuite en l'envoyant au-devant de l'armée russe qui arrivait de Sibérie. (...)
***
1807. Nous constatons que les directives prônées par J. de Maistre dans son
Mémoire de 1805 ont été suivies en partie par la chancellerie russe.
Le Tzar, en effet, s'est rapproché de la Prusse et l'a décidée à la guerre. En mars
1807 paraît le premier numéro du "Journal du Nord", pour contrebattre le
"Moniteur" de Napoléon. La rédaction de ce journal officiel a été confiée
à deux amis de J. de Maistre, le marquis de Mesmon et le comte Jean Potoki.
D'autre part, J. de Maistre reçut, au début de 1807, la visite d'un des
"personnages les plus influents de l'Empire". Il eut différentes conférences
avec lui sur les affaires du moment. Dans l'une d'elles, il fut convenu que le ministre de
Sardaigne résumerait ses vues politiques dans un Mémoire. Dans ce document qui n'a pas
encore été publié, J. de Maistre conseillait au Tzar de rester fidèle à son alliance
avec Londres, et d'adopter, à l'égard de Louis XVIII, l'attitude de Louis XIV envers
Jacques II d'Angleterre, réfugié à Versailles. Ces conseils eurent un résultat
pratique semble-t-il. Alexandre Ier resta fidèle à l'alliance anglaise et rendit, le 3
mars 1807, visite à Louis XVIII, alors réfugié à Mittau (2). C'est sans doute à
partir de ces évènements que le Tzar commença à considérer J. de Maistre comme un
agent secret de Louis XVIII.
***
La nouvelle coalition qui se forma contre Napoléon aboutit une fois de plus à un
échec. Ce fut Pulstuck, puis Eylau, Friedland. Le Tzar, découragé, traita à Tilsitt
avec Napoléon. Il abandonna tous les coalisés et consentit à signer une alliance
franco-russe.
Par un revirement subit, J. de Maistre sut maintenir, même dans cette période, la
faveur impériale à son égard. Tandis que la Cour de Saint-Pétersbourg et le peuple
russe blâmaient l'alliance avec Napoléon, il fut un des rares à approuver ce
renversement de politique.
Pour faire connaître son avis au Tzar, J. de Maistre employa son moyen habituel. Il
écrivit de prétendues lettres confidentielles à des amis de Russie, absents de
Saint-Pétersbourg. "Toutes mes lettres sont lues ici, c'est comme si j'avais parlé
à ceux que je ne puis aborder, avec l'apparence indispensable d'une extrême liberté.
Chaque mot était pesé et j'ai refait jusqu'à trois ou quatre fois la même page".
(...)
***
Du point de vue tiré de sa politique "métaphysique", J. de Maistre déclare
que Bonaparte n'est pas un ennemi ordinaire. Cette suite ininterrompue de succès
militaires qui sont à son actif démontre, ainsi qu'il l'affirme dans ses journaux, qu'il
est "un envoyé de Dieu". "Rien n'est plus vrai, reprend de Maistre.
Bonaparte vient directement du ciel comme la foudre". Avec Bossuet, il affirme que
lorsque "Dieu veut faire voir qu'un ouvrage est tout de sa main, il réduit tout à
l'impuissance et au désespoir: puis il agit". Dieu se sert de Napoléon pour
châtier l'Europe. La Prusse paye pour les vols de Frédéric II, l'Autriche pour sa
stupidité égoïste et sa conduite en Italie. Il n'y a donc aucun déshonneur à traiter
avec le Tamerlan moderne, puisqu'il "a plu à Dieu de lui donner la puissance".
Du point de vue de sa politique "expérimentale", J. de Maistre conseillait
encore la paix. Qu'importait le renversement des alliances à Tilsitt? La première
qualité d'un politique n'est-elle pas de savoir changer d'avis devant la nécessité?
Louis XIV était-il un misérable lorsqu'il signait un traité avec Cromwell? La politique
ne se conduit pas par de beaux sentiments, elle n'a que trois conseillers: l'intérêt, la
raison et la nécessité. "L'Empereur Alexandre Ier, en signant la paix de Tilsitt,
n'a fait qu'obéir à la prudence, à son amour pour ses peuples. Ceux qui pourraient le
blâmer ne savent pas ce qu'ils disent". Les Russes n'étaient pas de taille pour
continuer la lutte.
"C'est un bien de respirer à tout prix en attendant d'autres bras et d'autres
têtes". Les soldats d'Alexandre Ier se battaient et ils n'avaient pas d'intendance.
Ils mouraient littéralement de faim à Austerlitz comme à Friedland, par suite des vols
et des pillages qui étaient tolérés dans les services de ravitaillement des armées.
"Dans cet abandon général, que voulez-vous que fît l'Empereur de Russie ayant
contre lui le premier homme de guerre et la première nation militaire de l'univers, et
manquant lui-même de tout, car il manquait d'hommes, de pain et de talents?" Il a
fallu passer sous les fourches caudines, à Tilsitt.
***
Cette défense du renversement des alliances plut au Tzar. Malgré que le roi de
Sardaigne fût maintenant parmi ses ennemis, il lui maintint, pour ne pas contrister J. de
Maistre, le subside qu'il lui accordait et qui servait à soutenir une apparence de maison
royale à Cagliari. De plus, il fit savoir personnellement à J. de Maistre "qu'il
était en faveur". Le Tzar lui permit de demander, par l'intermédiaire de la
chancellerie russe, une entrevue personnelle avec Napoléon. D'autre part, J. de Maistre
fut reçu très souvent, pendant cette période, chez le comte Alexandre Soltikof,
ministre adjoint des affaires étrangères. C'est Mme. Soltikof qui lui dit un jour:
"Les règles ne sont pas faites pour vous".
***
Dès que Napoléon eut commencé à subir des échecs en Espagne, J. de Maistre aurait
voulu que l'alliance franco-russe se relâchât. Il désapprouva l'entrevue d'Erfurt
(1808) qui vit le renforcement de cette alliance. Il désapprouva encore la guerre que
déclara Alexandre à la Suède et l'expédition russe de Finlande. Le Tzar, se sachant
blâmé par J. de Maistre, n'ose plus lui parler les jours de réception à la Cour. En
janvier 1809, l'ancien sénateur de Chambéry note dans ses Carnets: "L'Empereur
parut à la Cour à côté de moi. Comme une goutte d'eau sur de la toile cirée, il
"glisse". J'attrape obligeamment: Comment ça va-t-il? Très bien,
Sire."
Des bruits de guerre entre la Russie et l'Autriche ayant couru en mars 1809, J. de
Maistre demanda au Tzar un congé illimité pour son fils Rodolphe qui servait dans
l'armée russe, ainsi que pour d'autres officiers piémontais. Alexandre ne voulut pas
accepter les demandes. Dès le 18 juin 1809, il envoyait 5000 roubles de gratification au
jeune Rodolphe.
(à suivre...)
(1) Fabius Cunctator, "le Temporisateur",
consul romain qui mena la guerre d'usure en Italie contre Hannibal en 215-216 avant JC.
(2) Mittau, ou Mitau, capitale du duché de
Courlande, possession russe depuis 1795; aujourd'hui Ielgava, en Lettonie.
Les habitants de la riante commune de Passy, sur les coteaux ensoleillés de la rive
droite de lArve, ont une vue magnifique sur la chaîne du Mont-Blanc, le mont Joly
et les Aravis. Enfin, pas tous, car ceux du hameau de Chedde nen profitent guère!
Chedde, cest un peu le dépotoir où se trouve ce quon ne supporterait pas
dans les riches communes touristiques des alentours: Megève, Saint-Gervais, Chamonix et
autres Chedde cétait la cheddite, et cest toujours le graphite, les
déchets, les usines et les retombées du viaduc de lautoroute du tunnel du
Mont-Blanc: pollution industrielle et par les camions, dans un fond de vallée entouré de
hautes montagnes où les fumées se concentrent et stagnent du fait de leffet de
vallée et de linversion de température en hiver.
Cest donc à Chedde qua eu lieu le 7 octobre la cinquième réunion publique
de lUnion Santé Contre Pollution (USCP) (2) à linvitation de Michel Duby,
conseiller municipal, membre de lAssociation Citoyenne de Passy (3), sur le thème
"Les maladies causées par la pollution. Pourquoi incinérer les déchets?"
Par pure coïncidence lhebdomadaire Le Messager (4) du 6 octobre titrait en
première page sur 4 colonnes "Incinération: mauvais plan pour le four de
Marignier" et y consacrait une page intérieure. Lévènement, cétait la
requête en annulation du Plan Départemental dÉlimination des Déchets,
présentée au Tribunal administratif de Grenoble par Me. Thierry Billet au nom de
lassociation "Les Amis de la Terre 74". Lincinération des déchets
a été souvent mise en question dans cette rubrique Environnement et Santé et Le
Savoisien a publié en mai dernier une interview de Me. Billet à propos du scandale
de Gilly sur Isère. Ce qui motive cette requête cest la non-conformité du PDED 74
vis-à-vis de la circulaire "Voynet" de 1998 qui préconise de limiter le
recours à lincinération des déchets (dont on sait bien maintenant quelle
nest quune forme trompeuse, dangereuse et inefficace de prétendue
valorisation des déchets) alors que le PDED 74 repose sur le doublement de
lincinérateur de Marignier par la construction dun deuxième four.
Cette information était bien de nature à renforcer la perplexité des habitants de
Chedde vis-à-vis de lunité de valorisation énergétique du SITOM des Vallées du
Mont-Blanc quils côtoient tous les jours! Dun côté les déclarations trop
rassurantes des responsables du traitement des déchets et de lautre les
réclamations trop inquiétantes des écologistes et maintenant du corps médical. Trop
cest trop! La trentaine de personnes présentes va donc presser de questions les
représentants de lUSCP qui tenteront bénévolement de compenser des carences
du Plan National Santé Environnement de juin 2004. Celui-ci ne considérait-il pas comme
un "objectif majeur" de faciliter laccès à linformation en Santé
Environnement et de favoriser le débat public? Il est vrai quavec un budget
ridicule de 80 millions deuros pour 2005 lAdministration na pas dû
pouvoir faire grand-chose
A fortiori, que peut faire un citoyen isolé et sans moyens face aux puissants groupes
industriels qui contrôlent le lucratif
traitement des déchets en France? (5)
Il peut adhérer à une association qui avec dautres associations pourra
constituer un groupe de pression qui fera valoir les droits des citoyens à un
environnement sain, comme latteste larticle 1er de la Charte de
lEnvironnement: "Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré
et favorable à la santé". Auprès de qui? Des maires et des conseillers généraux,
puisque ces derniers sont responsables depuis le 1er janvier 2005 du Plan
Départemental dÉlimination des Déchets.
À partir du 28 décembre 2005 tous les incinérateurs devront être en conformité avec
la norme européenne de 2002 sous peine de fermeture par le Préfet
Au fait, cest quand les prochaines élections?
Pierre Ottin Pecchio,
Vice Président USCP.
(1) "Not In My Back-Yard", littéralement "pas dans ma cour". En
français: "allez faire vos saletés ailleurs!"
(3) Association Citoyenne de Passy, BP 7, 74190 Passy
(4) Dans son édition "Faucigny".
(5) Par exemple, lincinérateur de Passy-Chedde, propriété du SITOM des Vallées
du Mont-Blanc, est géré par la SET Mont-Blanc, filiale du groupe Novergie qui est
rattaché au groupe SITA, contrôlé par Suez Environnement. Le chiffre daffaire de
SITA était de 5,77 milliards deuros en 2002 (source www.sitagroup.com)
Commencer par se libérer soi-même pour pouvoir libérer son pays, cest le
sens du message que nous adresse Michel Fontaine dans son ouvrage Libérer Sa Voie (à
paraître) dont Le Savoisien publie de larges extraits.
Michel Fontaine, né en 1947, Docteur en Médecine, vit à Chamonix où il exerce la
médecine générale depuis une vingtaine dannées après avoir consacré plus de
dix ans à la recherche médicale en immunologie.
Cest de sa réflexion de chercheur, de praticien au contact des malades et de
Savoisien passionné de montagne quil tire le message fort quil nous adresse
aujourdhui.
Défendre sa terre, ses racines, ses origines na rien à voir avec une régression
au stade du racisme. Cest aussi fondamental que respirer, que défendre sa liberté
daimer par soi-même, que dêtre généreux sans que personne ne vienne nous
dire comment lêtre et nous y obliger, que dinterdire à tout système social
de tenter de nous voler notre générosité en la codifiant et en se lattribuant.
Cest accéder au stade de la conscience de Soi, de la valeur de son identité, comme
de toute identité. Cest respecter une dimension de lÊtre dans
lexpression de sa diversité et y voir sa richesse. Cest comprendre que la
différence entre chaque être humain fait autant sens que la différence entre chaque
région, chaque pays, chaque race. Respecter sa race, les races, toutes les races,
cest en comprendre le sens, lutilité et la beauté. Respecter la niche
écologique de chacune de ces races (en luttant également contre la surpopulation et la
surnatalité), de ces tribus, leur territoire, leur culture, leur spiritualité, leurs
traditions, fait sens en terme de respect et damour de lautre dans sa liberté
dêtre et dévoluer comme il lentend. Cest, au niveau des êtres
humains, faire de lécologie, protéger les espèces en voie de disparition,
préserver la diversité génétique de la Terre.
Ceux qui veulent la disparition des races et leur fusion en une race unique
appartiennent à deux catégories. Les premiers sont ceux qui ont compris que pour asseoir
leur hégémonie il valait mieux avoir en face deux des hommes fragilisés,
manipulables, ayant perdu leur identité et déracinés au nom de
lantiracisme-antirégionalisme-antinationalisme quils agitent comme un
épouvantail quils manipulent. Les seconds sont ceux qui nont rien compris et
qui se sont fait, croyant bien faire, les relais de cette idéologie mondialiste prônant
la perte didentité comme une vertu. En fait, ce sont eux les vrais racistes.
Nayant pas trouvé ni compris le sens deux-mêmes, de la valeur de leur
identité, de ses ancrages dans la terre et lhistoire, ils dénient cette valeur
pour les autres. Leur non-être/non-enracinement leur fait tyranniser et nier
lêtre-enracinement des autres quils veulent détruire, quils proclament
comme une non-valeur. Ils hurlent au racisme pour mieux détruire les races, comme le
voleur qui crie au voleur pour que lon regarde ailleurs pendant quil commet
son larcin. En fait, ils proclament ainsi la fausse valeur des masses humaines informes et
sans identité et tentent de créer la non-valeur de lindividu, comme la non-valeur
de la vie dans sa diversité, comme la non-valeur de toute vie. Du fait quils
nont pas trouvé le sens de la vie et de ses racines, ou quils ne veulent pas
quelle ait sens et racines, ils dénient à lautre toute possibilité
daccès à ce sens, à cet enracinement.
En neuf mois (depuis janvier 2005), dix articles du Savoisien ont été
consacrés à des thèmes tournant autour des religions et à des conflits dont elles sont
le prétexte.
Dix articles en 9 mois, cest peut-être beaucoup pour Le Savoisien, mais
ça nest rien par rapport à ce dont les médias nous ont gavés pendant ce même
temps. Rappelez-vous: la mort du pape, la nomination de son successeur, les J.M.J. et
aussi les affrontements entre musulmans chiites et sunnites en Irak, entre Israéliens et
Palestiniens à Gaza, la menace nucléaire venant de la République islamique
dIran Souvenez-vous des attentats du terrorisme islamiste à Londres, à Charm
El Cheikh de la guerre au Cachemire et en Tchétchénie Partout ou presque le
feu, le sang, les hurlements, les vociférations, les imprécations! Partout les
religions, quelles soient au premier plan ou en fond de scène.
Doù un certain ras-le-bol devant la place de plus en plus grande que prennent les
religions dans la politique, ce que confirme une enquête réalisée en France par
lInstitut CSA et publiée dans "Le Monde des religions". Pour 59% des
sondés, la place des croyances religieuses est devenue "trop importante" dans
le monde.
Dans tout ce vacarme on na guère entendu la voix du philosophe qui demandait
tranquillement: Pourquoi y a-t-il des religions?
Laïcité et tolérance.
En 1905, voilà juste un siècle, la République française prononçait la séparation
de l'Église et de l'État, et la loi garantissait le libre exercice des cultes. Depuis,
des générations décoliers ont été formées par des générations
dinstituteurs laïcs, dont beaucoup nhésitaient pas à "bouffer du
curé", comme on disait à lépoque. La guéguerre de lécole laïque et
de lécole privée a échauffé bien des esprits et occasionné beaucoup de grèves
et de manifestations. Cest fini, maintenant que la laïcité fait partie du
politiquement correct. En principe, chacun est libre de pratiquer la religion de son choix
et na pas à soccuper de celle du voisin, tandis que l'État veille à la paix
religieuse. Il nest donc pas correct de critiquer une religion, "ça ne se fait
pas"! Il reste de la laïcité un tabou sociétal bien quil ny ait plus
quune minorité qui pratique encore une religion: 12% des Français de souche et 20%
des Français issus de limmigration magrébine, africaine ou turque (1).
Mais si cest un tabou laïc de critiquer les religions, en vertu de quoi
devrait-on être laïc? Parce que cest la "religion" de l'État français
depuis un siècle?
Philosophie et laïcité post-chrétienne.
Dans son dernier livre (2) Michel Onfray, professeur de philosophie à
lUniversité Populaire de Caen, a écrit quelques pages bien senties sur la
laïcité qui imprègne notre culture républicaine. Après avoir célébré le combat
libre-penseur qui "a produit des effets considérables dans lavènement de la
modernité: déconstruction des fables chrétiennes, déculpabilisation des consciences,
laïcisation du serment juridique, de léducation, de la santé et de larmée,
lutte contre la théocratie au profit de la démocratie, plus particulièrement sous sa
forme républicaine, séparation de l'Église et de l'État, pour la plus célèbre
victoire", il préconise léducation des consciences à la raison qui permettra
le dépassement de la laïcité. "Car en mettant à égalité toutes les religions et
leur négation, comme y invite la laïcité qui triomphe aujourdhui, on avalise le
relativisme: égalité entre la pensée magique et la pensée rationnelle, entre la fable,
le mythe et le discours argumenté, entre le discours thaumaturgique et la pensée
scientifique [ ] Désormais, sous prétexte de laïcité, tous les discours se
valent: lerreur et la vérité, le faux et le vrai, le fantasque et le sérieux. La
magie compte autant que la science. Le rêve autant que la réalité. Or, tous les
discours ne se valent pas: ceux de la névrose, de lhystérie et du mysticisme
procèdent dun autre monde que celui du positivisme. [ ] Faut-il rester neutre?
Doit-on rester neutre? A-t-on encore les moyens de ce luxe? Je ne crois pas À
lheure où se profile un ultime combat [ ] il faut promouvoir une laïcité
post-chrétienne, à savoir athée, militante et radicalement opposée à tout choix de
société entre le judéo-christianisme occidental et lislam qui le combat. Ni la
Bible, ni le Coran. Aux rabbins, aux prêtres, aux imams, ayatollahs et autres mollahs, je
persiste à préférer le philosophe."
Vivre sans Bible ni Coran.
Il reste à savoir si lon peut vivre sans Bible ni Coran, sans fréquenter la
synagogue, léglise ou la mosquée. Oui, répondront sans hésiter la majorité des
Français. Mais si la question devient "Pourriez-vous mourir sans cérémonie
religieuse?", la réponse sinverse: la majorité des obsèques sont
religieuses! Cest là quon met le doigt où ça fait mal! Cest sur ce
point précis, la peur de la mort, que se sont bâties les religions.
En effet toutes les religions promettent quon ne mourra pas, si Si lon
est obéissant, fidèle, respectueux des préceptes religieux et de ceux qui les
enseignent on aura droit à la vie éternelle! Mais seulement après notre mort. Si
lon passe sa vie terrestre à essayer de sapprocher de la perfection (la
sainteté?) au prix dinnombrables sacrifices et frustrations, on aura le droit
à quoi?
Il paraît quun coiffeur astucieux avait mis dans son salon un écriteau indiquant
"Demain on rase gratis" (car cétait du temps où lon se faisait
raser). Si vous reveniez le lendemain pour profiter de laubaine
lécriteau était toujours là: Demain on rase gratis! Pas aujourdhui,
demain!
Les systèmes basés sur la crédulité sont très répandus dans le commerce. Ils
servent aussi beaucoup en politique. Quon se rappelle Chirac et sa fracture sociale!
Quon se souvienne de Pasqua et des "promesses qui nengagent que ceux qui
les croient"!
Cest ce même système qui fait le succès des religions. Elles rassurent à bon
compte tout ceux qui ont peur de mourir en leur promettant la vie éternelle pour le
lendemain de leur mort. Demain! Mais ce nest pas gratis, le prix à payer est
élevé. Elles fixent un but impossible, qui ne pourrait être atteint que par une totale
soumission à leurs préceptes. Toute défaillance fera de vous un coupable qui devra se
faire pardonner, expier ses "péchés". Est-il raisonnable de gâcher sa vie, la
seule quon aura jamais, parce quon croirait à une telle promesse?
Pour Michel Onfray (3) "la crédulité des hommes dépasse ce quon imagine.
Leur désir de ne pas voir lévidence, leur envie dun spectacle plus
réjouissant, même sil relève de la plus absolue des fictions, leur volonté
daveuglement ne connaît pas de limites. ( ) Avoir à mourir ne concerne que
les mortels: le croyant, lui, naïf et niais, sait quil est immortel!"
Ce nest pas mépriser les croyants que de les plaindre comme des victimes, de
considérer quils ont été abusés. Mais cest une raison suffisante pour
condamner ceux qui les trompent. De ce point de vue, nest-il pas légitime de
critiquer les religions plutôt que de tolérer passivement leur existence?
La peur de la mort occasionne cependant, chez certaines personnes, une grande anxiété
et des souffrances morales que les religions semblent apaiser. Certains médicaments
dérivés de lopium ont le même effet mais leur usage présente de sévères
contre-indications: ce sont des stupéfiants qui provoquent peu à peu un engourdissement
du raisonnement et la suspension des facultés intellectuelles. Ces médicaments sont
autorisés, leur usage étant strictement contrôlé, mais la commercialisation et
lusage comme drogue sont sévèrement proscrits.
Les religions ne sont-elles pas lopium des peuples? Si vous vous posez la
question, vous pouvez commencer votre cure de désintoxication par la lecture du
"Traité dathéologie" de Michel Onfray.
P. O.-P.
(1) Enquête CSA-La Vie-Le Monde davril 2003 citée par Le Monde du 31 août 2005,
page 7. Le taux de 20% est probablement biaisé car la pratique religieuse est évaluée
sur la fréquentation des offices: la prière du vendredi na pas pour les musulmans
le caractère dobligation qua la messe dominicale pour les catholiques.
(2) Michel Onfray, Traité dathéologie, Grasset (2005).