Le dixième Congrès de la Ligue savoisienne s'est réuni à Doussard (Genevois) les 5
et 6 novembre. Grâce au nouveau programme adopté par le Conseil des Provinces (clôture
du Congrès le dimanche vers 13 heures pour laisser place à un grand banquet) il y a eu
affluence aussi bien le samedi que le dimanche. Pour la première fois un Gouvernement
était représenté au Congrès des Savoisiens, en la personne de Mikel-Anton Zarragoitia,
Directeur des affaires européennes au Gouvernement du Pays Basque (sud). Inutile de dire
que ses encouragements ont été appréciés, de même que ceux des délégués du Bloc
Català (Catalogne nord) du PNB (Pays Basque nord) de l'UPA (Alsace), de la Ligue Niçoise
et de l'Union Slovène (Italie, Slovenska Skupnost).
L'actualité a envahi ce numéro du Savoisien, notamment avec la pression des loups dans
le sud de la Savoie. Nous avons trouvé un article de loi, passé sous silence jusqu'à
aujourd'hui, qui donne aux éleveurs un moyen légal de se défendre contre les
prédateurs. Une révélation!
Il ne reste donc plus de place pour évoquer le dixième Congrès. Mais nous y
reviendrons dans les éditions suivantes. Nous publierons la liste des élus du Congrès.
Ainsi que les votes du Conseil des Provinces, qui se réunira le 4 décembre pour élire
les instances dirigeantes de la Ligue. Dès aujourd'hui nous saluons les nouveaux
chanceliers élus, Alain Ract (Tarentaise) et Éric Garadier (Maurienne).
Et c'est bien normal, car le Congrès de la Ligue
savoisienne est un moment exceptionnel qui rassemble tous les Savoisiens autour
d'interventions savantes et de débats sérieux et réfléchis, dont la portée est longue
dans le temps.
La mesure que préconisait la Ligue savoisienne en juillet dernier figurait déjà dans
le code de l'environnement, à l'article L 427-9 qui dispose:
"... tout propriétaire ou fermier peut repousser ou détruire, même avec des
armes à feu, mais à l'exclusion du collet ou de la fosse, les bêtes fauves qui
porteraient dommages à ses propriétés; toutefois il n'est pas autorisé à détruire
les sangliers..."
Cet article serait repris dans le droit français depuis le code rural de 1844.
Quelle trouvaille!
Il est étonnant que personne, au cours des sept années passées, tandis que "le
loup" soulevait tant de passions contradictoires, n'ait été capable d'exhumer ces
quelques lignes de loi si limpides et si adaptées à la situation concrète des
éleveurs!
Personne!
Ni les syndicats d'éleveurs, ni les organisations agricoles, ni les chambres
d'agricultures, qui salarient pourtant d'innombrables techniciens et rémunèrent de
nombreux avocats.
Ni les organisations de chasseurs (dont certains sont en même temps agriculteurs ou
éleveurs) qui disposent de budgets conséquents.
Ni les groupements d'intérêts pour la vie en montagne, dont certains regroupent des
milliers d'adhérents.
Ni les associations d'élus locaux, qui connaissent bien les difficultés des communes
de montagne.
Ni les préfets, qui ont pourtant pour devoir de faire respecter la loi.
Ni les cohortes de fonctionnaires dépendant des ministères de l'agriculture et de
l'écologie, qui ont toujours le code de l'environnement à portée de la main.
Ni la justice républicaine, qui préfère poursuivre un maire des Bauges au sujet d'un
loup abattu cet été par son frère éleveur.
Ni bien sûr les partis politiques, dont les principaux (UMP, PS, Verts) ne pouvaient
pas ignorer l'existence de cet article du code de l'environnement.
Que penser d'une "République" dans laquelle "nul n'est censé ignorer la
loi" mais tous les pouvoirs établis sont complices pour cacher aux citoyens une loi
qui pourrait leur permettre de se défendre et de se protéger?
Il a fallu que Le Savoisien, dont ce n'est pas le seul centre d'intérêt, se donne la
peine de lire de laborieux et obscurs débats sénatoriaux pour découvrir cette pépite
et l'offrir à ses lecteurs.
En effet le Sénat, dans la nuit du 8 au 9 novembre
dernier, s'est penché un bref instant sur la législation qui garantit aux
"propriétaires et fermiers" le droit de légitime défense contre les
"bêtes fauves".
Les sénateurs du parti Vert proposaient l'abrogation
de l'article; le Sénat l'a maintenu. Deux sénateurs socialistes, Thierry Repentin
(Savoie) et Claude Domeizel (Alpes de Haute Provence) proposaient d'accorder le même
droit de légitime défense aux employés des propriétaires et fermiers, et de mentionner
explicitement les "loups et chiens errants" en précision de l'expression
"bêtes fauves". Cette proposition ayant été repoussée, l'article L 427-9
demeure tel qu'il figure ci-dessous.
Bricolages législatifs.
Au cours de la même séance de nuit, le Sénat a
modifié, à l'unanimité, l'article L 411-2 du même code de l'environnement, pour
définir dans quelles conditions les préfets peuvent autoriser les tirs sur des animaux
d'espèces protégées. Les sénateurs avaient découvert que la décision de la ministre
de l'écologie Nelly Ollin d'autoriser des tirs manquait totalement de base légale! Mais
aussi que l'article de la convention de Berne autorisant à se protéger contre les
dégâts excessifs causés par le loup n'avait jamais été transposé en droit
français...
Les sénateurs ont donc veillé fort tard le 8
novembre, pendant que les banlieues brûlaient, pour rafistoler la loi à l'aide d'un
amendement rédigé le matin même en commission (un sénateur a fortement protesté en
séance contre cette précipitation). Les autorisations de tirs sont donc à présent
légalisées, mais on connaît la lourdeur et l'inefficacité du dispositif. Le droit de
défense reconnu par l'article L 427-9 sera beaucoup plus apprécié en montagne, comme
l'avait justement compris la Ligue savoisienne.
Montée en flèche des attaques et gabegie
financière.
Pendant leur débat nocturne, les sénateurs se sont lancé quelques chiffres récents
et instructifs. Par exemple, les statistiques du 24 octobre dernier révèlent une
augmentation annuelle de 40% des attaques et de 30% des animaux victimes: 888 attaques de
troupeaux en 2005, 3655 animaux victimes dont 3 équins, 50 bovins, 125 caprins et 1
cochon d'Asie (?). Thierry Repentin cite, pour le seul département de la Savoie, 155
attaques, 78 dossiers d'indemnisation pour un total de 500 000 euros. Les chasses
administratives de loups dans les Alpes ont engagé 1200 journées-homme, avec pour
résultat un seul loup tué! Thierry Repentin a évoqué aussi le loup abattu en Bauges et
celui tué par une voiture à trois kilomètres d'Albertville. Dans un propos raisonnable,
il observait que le loup n'est plus une espèce menacée en France, puisque sa présence
constatée est massive. Il s'est logiquement prononcé pour une régulation plus efficace,
sans toutefois obtenir de réponse du ministre de l'agriculture (M. Dominique Bussereau)
sur les intentions du gouvernement en cette matière.
Bien comprendre le sens et la portée de la
loi.
Voici le texte intégral de l'article L 427-9 du code
de l'environnement:
Sans préjudice des dispositions prévues à l'article L. 427-8, tout
propriétaire ou fermier peut repousser ou détruire, même avec des armes à feu, mais à
l'exclusion du collet et de la fosse, les bêtes fauves qui porteraient dommages à ses
propriétés ; toutefois, il n'est pas autorisé à détruire les sangliers ni, dans
les départements où est institué un plan de chasse en application de la section 3
du chapitre V du titre II du livre IV, les grands gibiers faisant l'objet de ce plan.
Quelques éclaircissements:
1. "Sans préjudice des dispositions prévues à l'article L 427-8":
L'article L 427-8 dispose:
Un décret en Conseil d'État désigne l'autorité administrative compétente pour
déterminer les espèces d'animaux malfaisants ou nuisibles que le propriétaire,
possesseur ou fermier peut, en tout temps, détruire sur ses terres et les conditions
d'exercice de ce droit.
"Sans préjudice" veut dire que le premier article (L 427-8) ne l'emporte pas
sur le second (L 427-9) et que les deux s'appliquent sans se contredire.
En vertu de l'article L 427-8, le préfet dresse chaque année la liste des animaux
malfaisants ou nuisibles dans son département. Il arrive que le sanglier soit sur la
liste. Dans ce cas seulement un propriétaire ou fermier a le droit de détruire un
sanglier, non en tant que bête fauve mais en tant qu'animal nuisible.
2. "tout propriétaire ou fermier": l'amendement de Thierry Repentin et Claude
Domeizel ayant été repoussé, les employés (bergers salariés, ouvriers agricoles) ne
disposent pas du droit de légitime défense. On peut se poser la question des terrains
communaux, dont le propriétaire est la commune, c'est-à-dire l'ensemble des habitants de
la commune...
3. "même avec des armes à feu, mais à l'exclusion du collet et de la
fosse": la loi ne dit pas "par tous les moyens", les armes à feu sont
permises, mais probablement pas les moyens visés par une interdiction générale, comme
l'empoisonnement.
4. "les bêtes fauves": dans ce vieux texte de loi, l'adjectif
"fauve" ne fait évidemment pas référence à la couleur du pelage (tirant sur
le roux) ni à la catégorie des animaux de la savane (lion, tigre, léopard,
panthère...) qui se rencontrent rarement en France; il faut entendre par "bête
fauve" un mammifère agressif et dangereux pour les biens et les personnes.
5. "dommages à ses propriétés": les
propriétés consistent en terres, immeubles et meubles; parmi ces derniers,
incontestablement, les animaux domestiques et d'élevage.
Le grand mouvement politique de la Vallée d'Aoste fut créé le 13 septembre 1945, dans
l'euphorie de la libération et de la fin de la dictature fasciste. Cette année, après
avoir organisé une commémoration le 13 septembre, l'Union réunissait son Congrès, le
29 octobre dernier, sous le signe de ce soixantième anniversaire. La Ligue savoisienne y
était représentée par Patrice Abeille et Pierre Ottin Pecchio.
Étonnant rassemblement en vérité que ces 400 délégués muets réunis au théâtre
Giacosa à Aoste. À la tribune siégeaient sans discontinuer les principaux dirigeants de
l'Union autour de la présidente Manuela Zublena, avec le sénateur Rollandin, le
Président de la Région Luciano Caveri et un de ses prédécesseurs Dino Viérin. Devant
eux un pupitre où se succédaient les orateurs dûment inscrits à l'avance. Un discours
après l'autre, mais pas de débat avec la salle, pourtant fort attentive et réactive.
Manuela Zublena avec Pierre
Ottin-Pecchio
Patrice Abeille s'adresse aux
Unionistes.
Après le représentant de l'Union Slovène (Slovenska Skupnost, Trieste) et celui du
Parti Autonomiste du Trentin et Tyrol, mais avant celui du Mouvement Autonomiste
Jurassien, Patrice Abeille a prononcé son allocution, établissant quelques comparaisons
entre les 60 ans de l'Union valdôtaine et les 10 ans de la Ligue savoisienne. Regrettant
quelques malentendus nés de contacts insuffisants, il a souhaité qu'une solidarité plus
active s'instaure entre Valdôtains et Savoisiens, deux moitiés d'un même peuple
séparées par l'histoire depuis 1860.
Les autres orateurs parlaient au nom de tous les partis politiques présents au Val
d'Aoste. Certains ne ménageaient pas leurs critiques, parfois dures, mais ce récital de
professions de foi illustrait parfaitement le rôle central que l'Union valdôtaine a
acquis sur son territoire, au point de faire apparaître ses concurrents comme des
satellites. En effet l'Union, qui a la majorité absolue au Conseil régional, a formé un
gouvernement valdôtain composé uniquement d'Unionistes; elle dirige en outre 80% des
municipalités de la Vallée. Elle maintient avec des succès croissants depuis 60 ans sa
ligne autonomiste "ni droite ni gauche". Une dimension aussi hégémonique n'est
pourtant pas si confortable que l'on pourrait croire. L'Union valdôtaine, en tout cas,
vit une période difficile, marquée par les pressions de ses partenaires pour qu'elle se
détermine en vue des prochaines élections politiques italiennes (avril 2006), et aussi
par des dissensions internes, des mises en causes personnelles et des doutes sur la
permanence des idéaux de 1945. Ces difficultés, même évoquées le plus souvent à mots
couverts, étaient bien palpables lors de ce Congrès dont la devise se voulait néanmoins
optimiste: "60 ans d'Union".
L'Alliance Libre Européenne (ALE, parti européen dont la Ligue savoisienne est membre)
comporte un parti membre localisé en Grèce: Rainbow, un parti qui représente les
intérêts des Macédoniens qui vivent dans le nord de la République hellénique.
Le parti Rainbow, persécuté sur son territoire de façon à la fois mesquine et
brutale, a trouvé avec son admission à l'ALE une réelle protection. En effet les
interventions des députés européens et de la présidence de l'ALE auprès des
autorités d'Athènes ont été nombreuses et efficaces.
En septembre 1995 (Rainbow n'était pas encore membre de l'ALE), le bureau du parti dans
la capitale régionale, Florina, fut attaqué par un mouvement de foule dont la violence,
à laquelle participaient des membres du Conseil municipal, était encouragée par
l'église grecque orthodoxe de la ville. Les autorités locales restèrent indifférentes
et ne déployèrent aucune protection policière. Cette attaque, qui eut pour résultat le
saccage et l'incendie des locaux, et des violences physiques sur les responsables du
bureau, est qualifiée de "pogrom" par Rainbow. L'origine de l'émeute était
une simple affiche dont le texte était bilingue (en grec et en macédonien, une langue
slave). Le parti des Macédoniens de Grèce a poursuivi en justice la République
hellénique, pendant dix ans, jusqu'à la Cour Européenne des Droits de l'Homme, qui
siège à Strasbourg. En effet les tribunaux grecs avaient récusé la plainte de Rainbow,
dont les dirigeants étaient poursuivis pour avoir "provoqué la division dans la
population locale"!
Le 20 octobre 2005, la CEDH a rendu son arrêt. La Grèce a été condamnée à payer à
Rainbow la somme de 35 245 euros à titre de compensation pour le préjudice subi.
La Cour s'est prononcée à l'unanimité, sur la base de l'article 6 (droit à un
procès équitable) et de l'article 11 (droit de réunion et d'association) de la
Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
Rainbow se réjouit évidemment de cette victoire juridique, qu'il considère comme un
avertissement lancé à l'État grec, qui devra respecter pleinement les droits de sa
minorité macédonienne. Selon Rainbow, l'Église orthodoxe grecque "doit remercier
Dieu qu'il n'y ait eu aucun mort parmi les dirigeants et les représentants de Rainbow au
cours des troubles" de 1995.
Le géant international (d'origine canadienne) ALCAN, nouveau propriétaire de
l'ancienne gloire de l'industrie française Péchiney depuis 2003, n'a toujours pas
révélé de stratégie d'ensemble. Mais la fermeture de l'usine d'aluminium de Lannemezan
(département des Landes) est annoncée pour 2006. Il ne restera que deux centres de
production de métal blanc en France: Dunkerque et Saint-Jean de Maurienne. À Lannemezan,
le contrat avec EDF pour la fourniture d'électricité à bas prix s'achève justement en
2006, sans perspective de renouvellement. Les contrats de Dunkerque et Saint-Jean de
Maurienne courent jusqu'en 2017 et 2012. Avec le développement bon marché du transport
maritime, il est devenu plus avantageux de produire sur le littoral, avec un port
industriel, et même si possible à proximité de l'extraction du minerai (la bauxite) et
de sources d'énergie abondante et à bas coût.
Parallèlement, ALCAN ferme de petites unités industrielles et n'aura plus aucune
implantation dans le sud-ouest de la France. La Savoie est concernée elle aussi, déjà
par la fermeture de l'usine de capsules à vin de Cruseilles, et après?
Plus généralement, les mutations s'accélèrent dans l'industrie métallurgique,
particulièrement présente en Savoie. Les salariés, souvent attachés depuis longtemps
(voire sur plusieurs générations) aux entreprises, vivent dans une incertitude
croissante relative à leur avenir professionnel.
Les plus gros centres de main d'oeuvre sont probablement les plus menacés à moyen
terme par les délocalisations. La réussite et la croissance récompensent principalement
des projets de petite taille, souples et réactifs sur des marchés de niches. Ils ne
manquent pas en Savoie, où la qualité de l'environnement, notamment technique, continue
d'attirer les investisseurs et les spécialistes. Le taux de chômage se maintient parmi
les plus bas de France. Mais pour combien de temps?
Depuis le début du projet, les habitants du Val de Suse (province de Turin)
s'inquiètent de l'impact négatif d'une nouvelle voie ferrée à grand débit sur leur
vallée très peuplée, qui subit déjà les trafics de l'autoroute et de la voie ferrée
"historique" Modane-Bardonnèche-Turin.
Fin octobre et début novembre, une série de manifestations et d'actions diverses a
fortement perturbé le travail des géologues et ingénieurs dans leurs opérations
d'études et de forages exploratoires.
Le 16 novembre, le Val de Suse était paralysée par une grève générale, et une
manifestation monstre a rassemblé près de 100 000 opposants. Quelques groupes
clandestins menacent même de recourir à la lutte armée...
Alors que presques tous les maires et élus locaux soutiennent le mouvement de
protestation, les partisans du Lyon-Turin à Rome et à Turin sont embarrassés pour y
répondre. Après les difficultés de financement (toujours pas résolues) et les
incertitudes sur la rentabilité, voilà un autre obstacle sérieux qui pourrait faire
capoter le gigantesque projet dont la Région Rhône-Alpes se gargarise et qu'elle
présente comme la panacée.
Il faut se rappeler que la Ligue savoisienne préconise depuis plusieurs années une
amélioration graduelle des capacités ferroviaires transalpines, afin de suivre pas à
pas la progression du trafic de marchandises et d'effectuer en douceur le transfert de la
route au rail. Un plan pas assez grandiose, sans doute, pour Paris et Rome...
Le "miracle" s'est produit: le 27 octobre a été signé à Cruseilles un
contrat de concession entre l'État (représenté par Dominique Perben, ministre de
l'Équipement) et un consortium d'entreprises nommé ADELAC, pour la construction de 19 km
d'autoroute qui devraient relier, en 2008, Allonzier à Saint-Julien, au nord d'Annecy. Il
ne faudra alors que moins d'une demie-heure pour faire en voiture le parcours
Annecy-Genève, surtout si on entend se rendre à l'aéroport ou dans l'ouest du canton
voisin.
Le chantier devrait démarrer au printemps 2006. Au programme: un nouveau pont sur les
Usses et un double tunnel au Mont-Sion. Et tout ça sans aucune subvention publique, le
consortium ADELAC (AREA+Bouygues+Colas) obtenant une concession d'exploitation de 55 ans.
Noël est donc arrivé en avance pour Bernard Accoyer, le député "UMP tendance
populiste" qui réclamait à cor et à cris ce barreau autoroutier et tapait des
pieds pour obtenir des subventions régionales et départementales, finalement inutiles.
Bonne nouvelle certes pour nos amis suisses et résidents genevois et vaudois, qui
seront encore plus tentés par une escapade à Annecy. Les résidences principales ou
secondaires près du lac d'Annecy vont encore être plus recherchées. Où en seront les
prix dans 5 ans?
Pour les usagers, frontaliers et autres, de la calamiteuse RN 201, l'avenir n'est pas
forcément dégagé. En effet le prix du péage (4 annoncés pour 19 km) risque de
dissuader bien des pendulaires. Beaucoup dépendra des tarifs des abonnements. En ce
moment ces prix flambent sur l'Autoroute Blanche, entre Sallanches et Genève...
Au coeur de cet automne morose, accablé par les incendies des villes françaises, la
recrudescence des attaques de loups et la glissade vertigineuse de la dette publique,
certains humoristes ont voulu dérider le public en relançant la vieille lune de la
Région Savoie. Un dossier de huit pages dans le magazine "L'essentiel des Pays de
Savoie", un débat "Le grand Huit" à TV8 Mont-Blanc le premier novembre,
et voilà que l'idée "envisagée dès 1972" est remise sur le tapis: "Les
Savoie (sic) doivent-elles devenir une Région?"
Seule nouveauté du débat télévisé: on y a vu
Ernest Nycollin (président du Conseil général de Haute-Savoie) revêtir sa veste
réversible d'élu côté hiver. Il a déclaré qu'il avait été partisan de la Région
Savoie, mais qu'il considère qu'aujourd'hui ce n'est plus d'actualité. Pourquoi? Parce
que "la Savoie n'est pas la Corse" et que Paris ne nous donnera jamais ce qui
avait été proposé aux Corses (une assemblée unique tenant lieu de Région et de
Département). Presque une incitation (mais personne ne l'a relevé) à "mettre le
feu" et à faire parler l'explosif et le racket. Sacré Ernest!
L'origine de cette relance poussive de "l'idée
envisagée en 1972" est plutôt à chercher du côté d'un célèbre naufragé de la
politique parisienne: Hervé Gaymard. Dans "L'essentiel" comme sur TV8, le fils
du cordonnier de Bourg Saint-Maurice a lancé son nouveau modèle pour chausser "les
Savoie": un "Conseil des Pays de Savoie", du cousu à l'ancienne qui
ressemblerait à une Région sans s'appeler Région. Toutefois, le chausseur tarin
n'indique pas à quelle date on trouvera son article en magasin: il lui faudra d'abord
trouver des partenaires pour la fabrication et le lancement de ses nouveaux mocassins sur
mesure...
Entretien avec Jo Dupraz, co-président du club de football Croix de Savoie.
Il lit Le Savoisien.
Un homme heureux
Le club des Croix de Savoie est récent, puisqu'il
en est à sa troisième saison. Comment ce club s'est-il créé?
Il résulte de la fusion des clubs de Gaillard et de Ville-la-Grand. Le club de
Gaillard jouant en CFA, il lui était impossible de continuer sa progression. Il était
impératif d'avoir une synergie avec un autre club de la région pour obtenir des
installations sportives supplémentaires ainsi qu'un complément d'apport financier.
Pourquoi ce nom "Croix de Savoie"?
Nous avons pensé en faire un club régional. Nous n'avons pas usurpé ce nom,
même si à une certaine époque l'USA (Union Sportive Annemassienne) s'appelait
couramment Croix de Savoie: il s'agissait d'un terme journalistique mais pas d'une
dénomination officielle. Ensuite les dirigeants avaient supprimé la croix blanche sur
les maillots.
Du fait de la fusion, le club a une direction
bicéphale. Qui sont les co-présidents?
Ce sont madame Brigitte Bard, du club de Ville-la-Grand, et moi-même, du club de
Gaillard.
L'année passée, il a fallu attendre la dernière
journée de championnat pour que l'équipe maintienne sa place en National. Quel est votre
objectif pour l'année en cours?
Compte tenu des difficultés financières de la saison écoulée, nous avons
été obligés de rester sages dans le recrutement. Notre objectif et donc le maintien à
ce niveau, qui nous situe quand même entre le 40e. et le 60e. club de France, et nous
classe 4e. club de Rhône-Alpes, derrière l'Olympique Lyonnais, l'AS Saint-Étienne et le
FC Grenoble.
Cette année l'équipe Croix de Savoie joue à
Thonon, en Chablais. Pourquoi?
Le stade de Gaillard n'est pas aux normes pour jouer en National, et la
dérogation obtenue de la Fédération française prend fin en juin 2006. Les communes de
l'agglomération annemassienne n'ont pas réussi à trouver un accord pour la construction
d'un stade homologué.
Êtes-vous satisfait de la solution thononaise?
Oui bien sûr, car les installations sportives sont d'excellente qualité: une
pelouse impeccable, digne de la Ligue 1, des tribunes d'une capacité de 3000 places
assises, et aussi un public connaisseur qui se souvient de son équipe qui jouait en
deuxième division (Ligue 2 actuelle). Je suis reconnaissant envers monsieur Jean Denais,
maire de Thonon, et les présidents Vulliez, Gantin, Escoffier et les dirigeants du club
de Thonon qui nous ont généreusement accueillis.
Les Croix de Savoie ont obtenu, dès cette année,
un soutien exceptionnel, celui du groupe Danone, propriétaire des Eaux d'Évian et des
grands hôtels de ladite ville. Qu'attendez-vous de ce partenariat, sur le plan financier
mais surtout sur le plan sportif?
Le groupe Danone vient nous soutenir sous forme de partenariat. Il a été
séduit par le projet sportif, la volonté affichée de concilier une ambition sportive
nationale pour l'équipe première avec une vocation sociale et pédagogique d'animation
locale, notamment à destination des jeunes.
Plus que jamais Pascal Dupraz, coach et manager,
avec Toffolo son adjoint, l'encadrement technique, les dirigeants et tous les joueurs vont
mettre les bouchées doubles pour porter haut et fort les couleurs de la Savoie. Alors Jo,
vous êtes un homme heureux?
Évidemment, et à un double titre, car ce sport me passionne et me permet en
même temps de vibrer pour mon pays, la Savoie...
Merci Jo, et bon vent aux Croix de Savoie!
Propos recueillis le 5 novembre 2005 par Jean Jacquier.
L'Église de Saint-Bon (Tarentaise) était trop
petite pour accueillir tous les amis des familles Ruffier-Lanche et Fantin, venus
accompagner Christiane, décédée des suites d'une longue et douloureuse maladie. La
"petite Iroquoite" repose désormais en paix sous les cieux de Savoie. À son
époux Gilbert, le journal réitère ses plus sincères condoléances.
La Fête Nationale de la Savoie aura lieu le dimanche 19 février 2006 à Chambéry, à
la Salle des Conventions de la ZI de Bissy. Banquet et animations. Des précisions seront
données dans notre édition de janvier, mais pensez dès maintenant à retenir votre
journée.
Félicitations...
... à Dominique Bondaz, d'Anthy sur Léman, pour son élection à la présidence de la
fédération des batteries-fanfares de Haute-Savoie, le 10 octobre dernier.
Dominique Bondaz est également trésorier, depuis plusieurs années, du comité
provincial de la Ligue savoisienne en Chablais.
Capitale intramontaine, cité romaine, ville romane, Aoste était livrée aux vaches le
dimanche 23 octobre, jour tant attendu de la 48e. finale régionale de la bataille des
reines! Écoutons M. Giuseppe Isabellon, Assesseur (ministre) de lAgriculture de la
Région Autonome Vallée dAoste, nous expliquer pourquoi et comment:
"Le mois doctobre est un mois relativement tranquille pour les éleveurs
valdôtains. Après les labeurs de lalpage, les vaches, à la fin de leur grossesse
et taries, paissent paisibles dans les prés de la plaine. La fenaison est terminée, il
ny a pas de prés à arroser, il ny a pas besoin de penser à la traite.
[ ] Pendant ce temps se succèdent les toutes dernières éliminatoires des batailles
de reines, dans lattente de la finale dans les arènes de la Croix Noire. Ceci
demeure le rendez-vous le plus attendu: le Grand Combat final." (1)
Les majuscules ne sont pas de trop: plus de 200 reines, venues de toute la Vallée,
saffrontent deux à deux tout au long dun éliminatoire qui, commencé à
midi, se finit souvent à la nuit. Heureusement pour les âmes sensibles la Vallée
dAoste est loin de lEspagne! Pas de picadors ni de torero dans larène!
Seulement des garçons vachers qui mènent tranquillement leur vache sur le
"ring". Pas de sang ni de mise à mort! Seulement deux énormes masses de
muscles qui, front contre front, poussent de toutes leurs forces jusquà ce
que la moins forte recule et se retire! Cest un spectacle de force pure,
primitif et grandiose, où lhomme nintervient pas. Malheur au vacher trop
entreprenant qui excitera sa reine au combat: il sera sifflé et hué par cinq mille
spectateurs passionnés, dont cette année une trentaine de Savoisiens! Certains de ces
Savoisiens découvraient cette ambiance incroyable et nen étaient que plus
enthousiastes. Cest la rencontre déterminante avec la responsable à Aoste de
lassociation régionale "Amis des batailles des Reines" qui a permis ce
week-end différent. Marie-Claire a su nous communiquer sa passion pour les batailles de
Reines et nous a invités à participer.
Il ne faisait pas très beau ce dimanche 23 octobre. La pluie drue du matin avait
succédé à un samedi maussade qui avait vu le car des Savoisiens partir de bonne heure
dAnnecy, traverser la Combe de Savoie, la Tarentaise et gravir le col du Petit
Saint-Bernard dans le brouillard avant darriver à Aoste pour le déjeuner. Puis,
ruée sur le Gros Cidac, lipermercato où lon trouve toute lItalie à
mettre en caddie! Cette fièvre de consommation calmée par lallègement des
portefeuilles il était temps de se remplir les yeux et lesprit des merveilles
romaines et romanes dont Aoste est comblée. Base militaire romaine en 25 avant J.-C., la
ville ancienne est ornée dun arc triomphal et dune porte monumentale,
dun théâtre, (l'immense amphithéâtre a hélas disparu), entourés dune
impressionnante muraille. Constamment habitée depuis deux mille ans, la ville a
heureusement conservé intactes ses tours et ses églises romanes du XIIe. siècle, dont
la remarquable collégiale Saint Ours et la Cathédrale dont le porche néo-classique est
orné dune bannière de Savoie. Noublions pas que la Vallée dAoste est
la plus ancienne acquisition des comtes de Savoie, alors quils nétaient que
de petits seigneurs de Maurienne. Après la promenade, un excellent dîner typiquement
valdôtain grâce à la fontine et à la polenta, puis une causerie qui allait rappeler
les liens historiques avec la Savoie, le maintien du bilinguisme officiel
français-italien et la forte subsistance du "patoué" francoprovençal, le
statut dautonomie de 1948 Autant de sujets passionnants qui font de la Vallée
dAoste une sur de la Savoie, même si lune regarde trop souvent vers
Rome et lautre vers Paris. Mais un jour peut-être seront-elles à nouveau réunies?
Chi lo sa? Que cousta lon che cousta, Viva lAousta! (2)
Evelyne et Pierre.
Les résultats:
Reine de 1ère catégorie: Venise, des frères Clos (la reine sortante!), deuxième
Guerra, de Michele Bionaz (numéro 26).
2ème catégorie: reine Difesa, de Edy Damarino (numéro 86), deuxième Mourina (numéro
69) des frères Viérin.
3ème catégorie: reine Promesse, de Patrick
Brocard (reine sortante), deuxième Gitane, de Ezio Chabloz (numéro 153).
Violetta (la numéro 3) a perdu aux huitièmes,
donc elle n'est pas "officiellement" classée (on ne considère que les
demi-finalistes).
(1) extrait de la publication officielle de
lAssociation Régionale "Amis des Batailles de Reines".
(2) littéralement: "Que ça coûte ce que ça
coûte, Vive lAoste!". Devise des chasseurs alpins, les célèbres
"Alpini".
(Suite du récit tiré de la biographie de Joseph
de Maistre par François Vermale, parue en 1927 dans les Mémoires et Documents de la
Société Savoisienne d'Histoire et d'Archéologie.)
Résumé de l'épisode précédent:
Après le désastre d'Austerlitz (1805) et les
défaites suivantes, Joseph de Maistre multiplie les mémoires et lettres au Tsar de
Russie et devient influent à la cour. Malgré l'alliance franco-russe il conserve un
subside, alors que le roi de Sardaigne est dans le camp des ennemis.
Livre V (suite): J. de Maistre en Russie
(1803-1817).
Chapitre III: J. de Maistre est
naturalisé russe en 1809.
Après la défaite de l'Autriche à Wagram et le mariage de Napoléon avec
l'archiduchesse, J. de Maistre devint très inquiet sur sa situation à Saint-Petersbourg.
Il ne peut plus paraître à la Cour comme représentant officiel d'un roi ennemi.
Napoléon peut, d'un moment à l'autre, exiger qu'Alexandre chasse de ses États un
émigré français, déclaré comme tel par les lois françaises. Le roi Victor-Emmanuel
Ier n'a pas eu la précaution de naturaliser J. de Maistre sujet sarde; dès lors, il est
resté citoyen allobroge, c'est-à-dire français. "L'unique supposition qui me fait
horreur telle que je n'ose pas l'envisager, c'est celle d'être rappelé avec mon fils par
l'Empereur de France, étant demeuré, malgré tous mes efforts contraires, purement et
simplement Français. Singulière position et que je crois unique dans l'univers: le seul
pays où j'ai le droit de cité et ma patrie, c'est celui où je ne veux pas aller et qui
obéit à l'ennemi mortel de mon maître. Le pays où je n'ai ni droit, ni volonté de
vivre (la Sardaigne), c'est le seul qui obéisse à mon maître." (...)
La surprise se produisit. J. de Maistre se décida à accepter la naturalisation russe.
Ses amis le sollicitaient depuis longtemps d'entrer au service du Tzar. Il n'y avait pas
consenti encore parce que son roi ne l'avait relevé ni de son serment de fidélité, ni
de sa mission. Mais le péril, après Wagram, devenait trop pressant. J. de Maistre, pour
échapper au danger d'une expulsion inopinée, devint Russe. (...)
Le ministre de Sardaigne, dès lors, passa à la Cour de Saint-Petersbourg non plus
comme un personnage du corps diplomatique, mais comme un pensionné de l'empereur
Alexandre Ier. Ce dernier, afin de ne pas froisser J. de Maistre, maintint le subside de
Victor-Emmanuel Ier., malgré qu'il fût officiellement son ennemi. Par ce moyen indirect,
il assura à J. de Maistre des moyens d'existence. (...)
***
À partir de 1809, un changement
considérable se produisit dans le gouvernement de la Russie. Jusque là, Alexandre
n'avait pas voulu de premier ministre. Il avait gouverné par lui-même. À partir de
1809, le Tzar laissa jouer le rôle de premier ministre à un personnage fort curieux et
non dépourvu de talents, du nom de Spéranski. Sur ce fils de pope, J. de Maistre nous
donne d'amples détails. (...)
Chapitre IV: J. de Maistre ministre du Tzar (1812).
Octobre 1811-mai 1812 furent les
mois de la plus grande faveur de J. de Maistre auprès d'Alexandre Ier. Ce furent aussi
des mois particulièrement décisifs dans la vie du Tzar.
Il fallut, en effet, qu'Alexandre se décidât non seulement pour ou contre Spéranski;
mais encore pour ou contre Napoléon. Une partie de la nation et de la noblesse, qui
souffraient du blocus continental, réclamaient la rupture de l'alliance franco-russe. Que
faire? Après bien des hésitations, le Tzar se décida finalement pour le renvoi de
Spéranski et la guerre contre Napoléon. Or, J. de Maistre, dans ces temps décisifs,
exerça une certaine influence sur l'esprit d'Alexandre Ier. (...)
Le 29 mars, Spéranski fut renversé et exilé de Saint-Petersbourg.
Le 11 avril, J. de Maistre eut une nouvelle conférence avec le Tzar. "On m'annonce
dans ce moment une nouvelle conférence secrète: je n'oublierai rien, suivant mes forces,
pour l'animer, pour lui ouvrir les yeux sur le "moral de la guerre", sujet dont
je me suis occupé avec certains succès, du moins à ce qu'il me paraît, et que pour
l'ordinaire on ne comprend pas trop".
Dans cette entrevue sur laquelle nous n'avons pas d'autres indications, J. de Maistre
développa les théories qui figurent au VIIe. Entretien des Soirées de
Saint-Pétersbourg et font de lui le théoricien génial du rôle des forces morales à la
guerre. (...)
***
(...)
***
Le 19 mai 1812, J. de Maistre partit en Pologne, un "valet de chambre dans ma
voiture, et deux laquais en télesque". Il suivait le Tzar qui se rendait à Wilna
avec une maison militaire et civile importante.
Le 5 juin, il arrivait à Polock, où il était logé chez les Jésuites. Dès son
arrivée à Wilna, Alexandre Ier accabla de faveurs la noblesse polonaise afin de la
décider à le soutenir contre Napoléon. J. de Maistre reçut, le 8 juin, de la part du
Tzar, l'ordre de préparer le "plan d'un édit pour le rétablissement du royaume de
Pologne ainsi qu'un projet de manifeste pour l'annoncer" (1).
Le 22 juin, J. de Maistre inaugurait, en présence du duc de Wurtemberg, oncle de Sa
Majesté Impériale, gouverneur de la Russie Blanche, l'Académie de Polock: le Tzar
remplissait ses promesses. Mais voilà qu'après avoir franchi le Niémen, Napoléon entre
à Wilna le 25 juin. La guerre était désormais effective, la rupture de l'alliance
franco-russe était consommée.
Au début, Alexandre Ier suivit le plan du Wurtembergeois Puhl. Les armées russes
commencèrent à faire le vide devant les armées napoléoniennes. La Pologne fut
abandonnée systématiquement. Les Russes, en se retirant devant les Français,
détruisaient ou emmenaient tout. Ils ne laissaient pas un cheval, pas une vache, pas un
mouton, pas une volaille.
(...)
Alexandre passa le commandement de ses armées, en vue d'une offensive, au général
Barclay de Tolly, et revint à Saint-Petersbourg où J. de Maistre le suivit.
(...)
Au cours de ce mois de juillet, dans le milieu très impressionnable de
Saint-Pétersbourg, J. de Maistre fit campagne pour que l'unité de commandement se
réalisât dans l'armée russe. C'était sa grande idée, et il prôna comme candidat
Koutousoff avec Palucci comme chef d'état-major. Or Koutousoff n'était pas aimé
d'Alexandre.
Cette attitude de J. de Maistre déplut-elle au Tzar?
(...)
Dans ce mois de juillet 1812, où le sort de la Russie et de l'Europe se jouait, J. de
Maistre souffrit de l'ostracisme qui le frappa. Il aimait Alexandre, il savait son
irrésolution naturelle, il craignait quelque défaillance; aussi aurait-il voulu être
celui qui soutient et qui console; être, en un mot, "Ministre au département du
courage".
***
Koutousoff ayant été nommé chef suprême des armées russes, J. de Maistre ne tarda
pas à douter de lui. Après la prise de Moscou, le 7 octobre, J. de Maistre se demanda
si, averti par un instinct royal, Alexandre n'avait pas raison de ne pas vouloir lui
confier le commandement suprême?
(...)
En fin octobre, J. de Maistre annonce que la Cour, à Petersbourg, est divisée entre
les partisans de Koutousoff et ceux du comte Rostopchine. "La passion s'en mêle ici
comme ailleurs, et plus qu'ailleurs; car, dans l'univers entier, je ne crois pas qu'il y
ait un seul endroit où le jugements soient aussi exagérés et aussi passionnés que dans
cette belle capitale".
(...)
Le 29 novembre, Koutousoff, dont les partisans avaient affirmé qu'il couperait
Napoléon, le laisse échapper et franchir la Bérésina. Alexandre Ier, en apprenant
cette nouvelle, s'écria: "Le plan est manqué".
Koutousoff imputa cet échec à l'amiral Tchitchagof, le très intime ami de J. de
Maistre. Cette accusation valut à Tchitchagof une impopularité énorme. Or, J. de
Maistre, dans un rapport à son roi, disculpa l'amiral et démontra longuement que si
Tchitchagof n'avait pas pris Napoléon, c'était la faute à Koutousoff qui, par jalousie,
avait donné des ordres erronés afin de rendre impossible la réunion des divers corps
d'armée russes sur la Bérésina. (...)
***
(...)
L'éloignement de J. de Maistre de l'entourage immédiat du Tzar n'entraîna pas pour
lui une défaveur marquée. Alexandre continua à avoir beaucoup de bontés pour lui. Il
semble qu'il lui fut toujours reconnaissant de sa fameuse théorie sur le rôle des forces
morales à la guerre. Si le Czar avait eu une bonne contenance au cours de cette campagne
de 1812 qui lui valait la gloire; si, après Borodino, si, après Moscou, il avait tenu et
refusé de traiter avec Napoléon, ne le devait-il pas à cette théorie maistrienne que
Foch devait résumer dans cette formule: Victoire = Volonté? Aussi, J. de Maistre, dans
sa Correspondance, est fier de la contenance d'Alexandre Ier au cours de ces mois
d'épreuves. Il en est fier comme un professeur de son élève. Il y avait du chemin
parcouru depuis Austerlitz! Télémaque en sut toujours gré à Mentor. C'est pourquoi la
défaveur de J. de Maistre, à la fin de 1812, n'atteignit jamais à la Cour de
Petersbourg les apparences d'une disgrâce. Puis, ne l'oublions jamais, J. de Maistre
avait prédit la victoire, elle était venue, le "prophète" avait dit juste.
Qui sait ce qu'une cervelle russe, même celle d'un Tzar, pouvait penser à ce sujet?
(à suivre)
(1) La Pologne, supprimée et dépecée par ses voisins à la fin du 18e. siècle, ne
sera rétablie qu'en 1919.
La commission internationale pour la protection des eaux du Léman (CIPEL), qui s'est
réunie le 10 novembre pour sa 44e. session annuelle, s'inquiète au sujet des substances
déversées dans le Rhône par les industries chimiques et les stations d'épuration; car
ces produits peuvent agir en très petites quantités comme perturbateurs hormonaux sur la
faune du lac. Malgré un bilan globalement positif à mi-parcours du plan d'action
2001-2010 en faveur du lac, les micropolluants sont un problème de taille pour la
reproduction des poissons car on a pu constater des perturbations hormonales et des
atteintes de l'immunité (vulnérabilité plus grande aux maladies).
On a pu dénombrer une trentaine de pesticides dans le lac, provenant principalement des
usines valaisannes d'industrie chimique, mais on a constaté aussi dans le lac des
résidus médicamenteux, des antibiotiques et un antiépileptique...
Il faut savoir que ces produits peuvent agir très longtemps quand ils sont inclus dans
les boues du fond du lac. On estime que l'eau du Léman ne se renouvelle totalement que
tous les 12 ans, et de façon inégale: la couche d'eau la plus profonde (au-delà de
-200m) est la moins brassée, et la couche moyenne (entre -50 et -200m) est la couche
régénérante pour ce grand lac.
On a déjà trouvé des truites qui ont changé de sexe en aval des stations
d'épuration, mais pas encore dans le lac.
Il est certain que ces constatations ne font que renforcer le besoin de connaissance de
l'impact de ces substances chimiques sur l'environnement, et qu'il est urgent que le
programme REACH, proposé aux pays européens par la Commission, soit mis en oeuvre
rapidement. Mais le nouveau gouvernement allemand, appuyé par la France, retarde cette
mise en oeuvre et tend à vider, sous la pression des lobbys chimiques, ce programme de
son contenu.
Commencer par se libérer soi-même pour pouvoir libérer son pays, cest le
sens du message que nous adresse Michel Fontaine dans son ouvrage Libérer Sa Voie (à
paraître) dont Le Savoisien publie de larges extraits.
Michel Fontaine, né en 1947, Docteur en Médecine, vit à Chamonix où il exerce la
médecine générale depuis une vingtaine dannées après avoir consacré plus de
dix ans à la recherche médicale en immunologie.
Cest de sa réflexion de chercheur, de praticien au contact des malades et de
Savoisien passionné de montagne quil tire le message fort quil nous adresse
aujourdhui.
LÉtat-providence, avec son hyperprotection sociale, est une chimère que
lêtre humain a inventée afin de séviter le plus possible les frustrations
de la vie. Quitte à devoir un jour les affronter toutes en bloc alors quil lui
aurait été plus simple de les traiter lune après lautre.
Lenfant fuit devant la frustration. Il développe des stratégies
dévitement des problèmes qui la provoquent. LÉtat-providence et ses
gouvernements font la même chose: il suffit de voir comment ils se "refilent"
les gros dossiers non résolus (1) ou comment ils se contentent de mesures de surface,
électoralement acceptables et les moins frustrantes possibles, qui permettent de remettre
à plus tard daller au fond des choses. Ils rêvent dun monde
"meilleur", pour eux-mêmes et pour les autres, sans frustration, et ils ont
fait de ce rêve la base de leur programme politique. Ils ont rameuté tout un électorat
autour de ce rêve puéril, comme si le bonheur était labsence de problème. Cette
fausse valeur en terme de vie qui pollue la France.
La frustration marque la limite de notre adaptation au monde. En deçà, nous avons les
réponses aux problèmes que la vie nous pose mais, au-delà, nous attend
lexploration dun inconnu pour lequel nous devons découvrir de nouvelles
réponses. Cest ainsi que nous relevons les défis que la vie nous pose pour nous
engendrer. Cest ainsi que nous participons à elle, que nous nous élargissons à
elle, que nous faisons partie delle, que nous nous créons en même tant
quelle. La vie nest quune suite de problèmes posés et résolus à
travers le temps. Chaque forme de vie nexiste que par lexpérience acquise,
par la mémoire des problèmes que ses ancêtres et elle-même ont résolus au cours du
temps, cherchant sans cesse à sadapter et à évoluer en fonction dun
environnement qui se transforme continuellement.
Cette exploration implique dabord de supporter la frustration liée à
linconfort dexplorer linconnu. Par la remise en cause de
lordonnancement de notre connu, qui nous structure, linconnu recèle un danger
potentiel que nous devons avoir le courage daffronter si nous voulons nous hisser au
niveau où la vie peut nous emmener. Le bonheur ne peut en aucun cas résulter de
labsence de problèmes puisquil sagirait alors dune fuite de la
réalité, de quelque chose qui nexiste pas et qui nexistera jamais mais que
des politiques infantiles ont tenté de faire exister.
"On ne commande à la vie quen lui obéissant" a écrit Saint-Exupéry.
Nous devons nous faire apprentis et expérimenter la vie, nous savoir petits pour pouvoir
grandir, nous accepter et nous aimer tels que nous sommes avant de vouloir grimper sur la
marche suivante, accepter le niveau dinconscience où nous sommes avant de pouvoir
accéder à plus de conscience. À ce moment là notre pouvoir ne cherchera plus à
sexercer ou à saffirmer contre la vie mais prendra bien soin dêtre à
son écoute et de chercher à agir avec elle, en la prolongeant.
Remettre au lendemain ce qui peut et devrait être fait le jour même définit la
procrastination. Cest une maladie denfant gâté qui nest pas tenaillé
pour sa survie par un besoin de prise en compte rapide, sans complaisance, de la réalité
et par la nécessité de faire leffort de sy adapter.
Au niveau individuel, cette maladie peut déborder de lenfance vers lâge
adulte. Au niveau collectif, elle peut corrompre et tuer tout un pays, toute une
civilisation.
Qui névolue pas recule. Le monde change autour de nous et ne nous attend pas. Il
convient de cesser de rêver et douvrir grand les yeux sur sa réalité, sur les
réalités quil nous impose daffronter et qui ne pourront être fuies. La
France est toujours prisonnière du rêve de lÉtat-providence qui nest que le
prolongement du rêve du marxisme-communisme-socialisme dont elle ne peut se résoudre à
voir la fin.
Dr Michel Fontaine.
(1) Lactualité en donne un exemple tragique avec la révolte des enfants
dimmigrés.
Le problème se posait déjà en 1848 et un auteur anonyme tentait de répondre à
cette question. En 1848 la France était en révolution, le Piémont en guerre contre
l'Autriche dans les plaines de Lombardie, les Italiens en plein Risorgimento, et les
Savoisiens fort inquiets de l'avenir.
illustration: 10-01 sans légende.
Le 5 novembre 2005, Alain Roullier, président de la Ligue niçoise et éditeur,
arrivait au 10e. Congrès de la Ligue savoisienne avec un cadeau: sa réédition d'un
livre depuis très longtemps introuvable, "Que doit faire la Savoie?" par
"Un Savoisien". Ce Savoisien anonyme, Alain Roullier l'a rapidement identifié:
c'était le chanoine Antoine Martinet, neveu de Mgr. Antoine Martinet, qui fut évêque de
Moutiers puis archevêque de Chambéry de 1828 à 1839. Le chanoine Martinet, originaire
de Queige en Beaufortain comme son oncle, fut écrivain et philosophe. Professeur au grand
séminaire, il est l'auteur d'un traité de théologie en huit volumes, rédigé en latin.
Dans son opuscule "Que doit faire la Savoie?" il montre aussi ses qualifications
dans la géopolitique, l'économie, la stratégie militaire, l'histoire et la politique au
sens le plus élevé de ce terme.
Le lecteur savoisien d'aujourd'hui constatera que bien des aspects de la situation
décrite par Martinet se retrouvent dans le contexte contemporain. Il y a des constantes
géopolitiques, et la Savoie se trouve encore une fois à la croisée des chemins, au
cur d'une Europe qui s'est peu à peu organisée selon les vux de l'auteur. Le
chanoine écrit en effet qu'il faut en finir avec les guerres des puissances européennes,
qui au moment de la paix organisent des congrès (comme le Congrès de Vienne en 1815)
"vrais ateliers de charcuterie humaine, où quelques ogres, rêvant un stupide
équilibre, enfonçaient le couteau dans les chairs vives des nationalités, en jetaient
les membres palpitants dans les plateaux de leur balance, et disaient à chacun des
chalands: Voilà ton lot!"
Martinet ne se doutait pas que le Congrès de Versailles en 1919, puis Yalta et Potsdam
en 1944-1945, allaient persévérer dans la "charcuterie humaine". Mais il
serait heureux de voir qu'il existe enfin un Parlement européen, qu'il imaginait ainsi en
1848: "Alors, dans le vaste hémicycle, il y aura une place d'honneur pour chaque
représentant des États, depuis les plus populeux jusqu'à la république de Saint-Marin.
(...) Savoisiens, ne seriez-vous pas bien aises que notre chère Savoie fût présente à
l'appel, qu'elle obtînt voix délibérative (...)?"
En 2002, la Ligue savoisienne diffusait un appel pour que la Savoie demande son
adhésion à l'Union européenne...
Le chanoine Martinet n'avait pas voulu signer son manifeste. Il le fit imprimer à
Carouge, une ville savoisienne qui était devenue genevoise et suisse en 1815, par
l'imprimeur Jaquemot, à l'imprimerie de la "Voix catholique". Par l'anonymat et
par cette impression à "l'étranger", l'auteur échappait à la censure et aux
représailles.
Le plus intellectuel de tous les
peuples.
Ainsi, il pouvait être libre dans son propos. Que doit faire la Savoie, en 1848?
La Savoie doit avant tout se défier de l'orientation italienne du Royaume de
Piémont-Sardaigne. Martinet critique la centralisation, l'envoi chez nous de
fonctionnaires piémontais qui ne connaissent ni notre langue ni notre pays. Il redoute
que les députés de la Savoie au parlement de Turin, dans le nouveau régime de monarchie
constitutionnelle qui vient d'être accordé par le roi Charles-Albert, ne soient réduits
à l'impuissance: trop peu nombreux, ils seront marginalisés, comme le sont encore bien
davantage aujourd'hui les élus de la Savoie au parlement français.
On trouvera beaucoup moins actuels les chapitres III et IV, dans lesquels le chanoine
expose la résistance des catholiques savoisiens à la politique de laïcisation
(d'inspiration maçonnique) des gouvernements de Turin. On sait que cette opposition a
fini par porter tort à la Savoie: le clergé, séduit par le petit dictateur Napoléon
III et son alliance du trône et de l'autel, fit voter les paysans en masse pour
l'annexion de 1860 qui livra la Savoie pieds et poings liés à l'appétit colonisateur de
son voisin.
Il demeure important de lire, dans ces pages, que la Savoie l'emportait, en 1848, sur
tous les États de l'Europe dans le domaine de l'instruction. Martinet cite Lamartine:
"C'est là que j'ai connu ces vertus admirables dont votre population offre le
modèle à toute l'Europe; c'est là que j'ai admiré ces études sérieuses qui ont fait
de vous le peuple le plus littéraire, le plus libéral, le plus intellectuel de tous les
peuples; c'est là que j'ai contracté et que je conserverai toujours mes plus tendres
amitiés". Martinet estime que les illettrés ne sont que 10% en Savoie, contre 90%
en France...
Une jolie petite république savoisienne...
Dans le troisième tiers de son ouvrage, le chanoine Martinet en vient aux options
pratiques: vers l'Italie, vers la France, vers la Suisse, ou ailleurs?
Il donne d'abord (chapitre VI) toutes les raisons qui permettent de répondre
affirmativement aux questions: "Les Savoisiens sont-ils un peuple? La Savoie est-elle
un État?" Un court résumé de l'histoire vient étayer ces solides affirmations.
Dès lors, les Savoisiens sont en droit de décider souverainement de leur avenir.
Mais ils sont trop faibles pour espérer faire respecter leur indépendance. Ils doivent
se placer sous la protection d'un allié plus puissant. Mais lequel?
L'Italie? Elle n'existe pas encore politiquement, mais Martinet prévoit son avènement,
qui se réalisera en 1861 et sera complété en 1871. La Savoie ne pourrait faire partie
de la nouvelle Italie qu'à deux conditions: une protection militaire effective contre la
France (ce qui ne fut le cas ni en 1792 ni en 1848 lors de l'expéditions des
"Voraces" venus de Lyon) et une complète autonomie de gouvernement interne. On
sent l'auteur peu optimiste sur les chances de succès d'une telle formule. L'avenir lui
donnera raison.
La Suisse? Martinet évacue cette option en deux pages (chapitre VIII): la Suisse n'est
pas assez forte pour offrir une garantie, et elle est trop égoïste. Le chanoine
catholique était sans doute réticent (mais il ne l'écrit pas) à l'égard d'une
alliance avec une Confédération dans laquelle dominaient les protestants.
Reste la France, qui séduit par sa force militaire (c'est alors la première puissance
militaire terrestre au monde, ce qui ne l'empêchera pas de subir l'humiliation en
1870...). Mais les Savoisiens n'ont pas oublié les souffrances de 1792-1815. Et Martinet
passe en revue les graves inconvénients d'une incorporation à la France.
La Savoie, excentrée par rapport à Paris, deviendra "une extrémité, une
bordure, une frontière, un pays perdu". La Savoie ne veut pas devenir "une
Sibérie subalpine" mais rester "ce qu'elle fut toujours, une nation, un État
distinct, jouissant de sa vie propre". Martinet ne croit pas la France capable, à
court délai, de se réformer dans un sens fédéraliste et de laisser vivre librement ses
provinces. En 2005, c'est encore vrai!
Devenant français, les Savoisiens devraient assumer leur part de la dette française,
déjà énorme à l'époque. "Vous autres, ironise Martinet, vous êtes de grands
seigneurs, capables de jouer gros jeu et de supporter de nobles lessives; mais les
Savoisiens ne peuvent se procurer l'aisance et le bien-être que par le travail et
l'économie: ils ne seront jamais assez riches, selon le mot d'un de leurs princes, pour
essayer de se ruiner". En 2005, la dette française est à nouveau colossale, et les
Savoisiens en sont malheureusement grevés...
Les impôts français seraient trop lourds pour la Savoie: ils étaient en 1848 dans
"le rapport de 42 à 16", soit 2,6 fois plus élevés en France que dans le
royaume de Sardaigne. Aujourd'hui, la TVA (pour ne parler que de l'impôt principal) est
à 19,6% en France et à 7% en Suisse...
La France, après avoir tondu de taxes les Savoisiens, les enverrait mourir sur tous les
fronts: "elle qui, indépendamment des guerres où peut l'entraîner une grande
susceptibilité nationale, a tant d'intérêts politiques, commerciaux, industriels,
maritimes, coloniaux, à défendre, voudrait-elle donc nous associer à toutes ses
querelles, transporter jusqu'en Océanie nos montagnards si paisibles et si nécessaires
chez eux?"
Les combattants de 1870, 1914-1918, 1939-1945, de l'Indochine et de l'Algérie, ont
malheureusement vérifié la clairvoyance de l'auteur de "Que doit faire la
Savoie?".
Pour préserver le bien-être de son pays, le chanoine Martinet appelle donc de ses
vux "une jolie petite république savoisienne qui nous console de notre ancien
gouvernement et fasse répéter de grand cur à tous nos concitoyens et aux
étrangers qui nous visiteront, le vieux cri: Vive la Savoie!"
En 2005, la Ligue savoisienne n'a pas d'autre objectif.
Martinet ne dissimule pas les difficultés. La France ne va pas manquer de revendiquer
la possession totale de la Savoie, pour des raisons fallacieuses qu'il réfute une à une.
Il sera très difficile de faire accepter à la "grande nation" une alliance
avec une république souveraine de Savoie. Et l'auteur aperçoit trop nettement le danger:
"l'ignominie d'une vente préparée par quelques traîtres, favorisée par la peur du
grand nombre, consommée par un vote lâchement hypocrite". C'est exactement ce qui
se passera en 1860, douze ans plus tard.
Mais surtout, le destin de la Savoie dépend des Savoisiens eux-mêmes: ils doivent
manifester haut et fort qu'ils tiennent à leur liberté. Et c'est là que le bât blesse,
car les Savoisiens demeurent passifs et silencieux. Martinet s'impatiente de cette
passivité et exhorte ses compatriotes:
"Savoisiens, vous n'êtes pas certes un peuple de dormeurs! Il est rare que le
soleil trouve votre lit chaud alors qu'il s'agit de fertiliser vos campagnes ou d'obtenir
un peu d'or de l'étranger en retour d'un dur et honnête travail. Sera-ce seulement quand
il faudra faire preuve de vie politique et occuper le rang qui vous est dû au banquet des
nations, que vous mériterez, par le sommeil d'une honteuse indifférence, qu'on vous
applique le proverbe trivial: Qui dort dîne? Soyons donc alertes!"
Soyons donc alertes! Ne restons pas endormis! Occupons notre place au banquet des
nations de l'Europe! Tels pourraient être les mots de ralliement des Savoisiens de 2005.
Patrice Abeille.
Le livre "Que doit faire la Savoie?" est en vente au siège du Savoisien au
prix de 15 euros ou 17 euros par correspondance.