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N° 14
mai  2006
Alternance en Italie, choc en Val d'Aoste.
Procès des "lupicides baujus" à Chambéry:
Un décret pour décourager les appels dans les procès civils.
Iparralde: pétition pour un référendum sur la création d'un Département.
La Banque de France vend ses immeubles en gros aux Américains.
Nos ancêtres les Sarrasins des Alpes.
Sorties du Club Alpin Savoisien en 2005.
Parlez-vous le "franco-savoyard"?
Bloc-notes.
Annonces.
Pour pavoiser vos maisons en Faucigny.
Des vagues (de mécontentement) sur le lac d'Annecy: sécurité ou bureaucratie?
Albertville: un "Écoparc" SANS incinérateur?
Libérer sa voie? Libérer la Savoie? Libérer Sa Voie!
Écrire en langue romanche.
 
 
 
 
éditorial
Alternance en Italie, choc en Val d'Aoste.
À l'issue d'une campagne électorale dramatisée à outrance, l'Italie vient de connaître une alternance bien classique. Comme en 2001 les forces de la droite et de la gauche s'équilibrent et quelques milliers de voix font la différence. Il faut remarquer qu'il n'existe pas, en Italie, de droite radicale nationaliste en-dehors du parlement: Berlusconi a assis son autorité sur l'ensemble des forces de droite, jusqu'aux composantes les plus extrêmes. Les élections des 9 et 10 avril ayant donné un léger avantage à la gauche, Silvio Berlusconi remettra les clés du pouvoir romain à son rival Romano Prodi. Après un record de longévité (5 ans du même Premier Ministre), l'Italie pourrait renouer avec l'instabilité gouvernementale car le rétablissement du scrutin proportionnel a rendu très étroite la majorité parlementaire de la gauche. De plus cette gauche est diverse et divisée et le leadership de Prodi paraît plus faible que celui de Berlusconi sur la droite.
Mais au fond, quelle importance? Si l'on en croît une formule que le Canard enchaîné attribue à Giulio Andreotti, "Gouverner l'Italie est non seulement impossible, mais ça ne sert à rien"... Cette boutade cynique sera peut-être rejointe par la réalité: affaibli par la construction européenne et la montée en puissance des Régions, l'État italien a de plus en plus de peine à prouver son utilité.
Le changement est d'une toute autre ampleur au Val d'Aoste. Les électeurs ont, pour la première fois depuis très longtemps, désavoué l'Union Valdôtaine, dont les candidats ont perdu les élections. Auguste Rollandin, l'homme fort du parti et de la Vallée, ne sera plus sénateur à Rome, ses compatriotes ayant mis fin sèchement à un parcours jusqu'alors brillant et sans faute.
Le nouveau sénateur valdôtain est Charles Perrin, un homme issu de l'Union Valdôtaine et entré en dissidence depuis qu'il fut, en juillet 2005, brutalement remplacé par Lucien Caveri à la Présidence de la Région autonome, sur ordre de son parti. À ses côtés, le nouveau député est le Conseiller régional Roberto Nicco, un intellectuel proche de la Gauche Valdôtaine, la branche locale des Démocrates de Gauche italiens. M. Nicco est chargé par le Conseil régional de rédiger un projet de nouveau statut d'autonomie.
Charles Perrin a de nombreux amis au sein de l'Union Valdôtaine, dont toute la direction a démissionné à l'annonce de la défaite électorale. Ayant quitté l'Union pour déposer sa candidature, il a encouragé ses partisans à rester dans le parti pour oeuvrer à sa réforme. Le grand parti autonomiste tiendra début juin un Congrès de refondation, qui devra tirer tous les enseignements du Congrès d'octobre 2005, qui avait été tumultueux, et de l'échec historique des 9-10 avril. Il est clair que la survie du gouvernement régional présidé par Lucien Caveri est également menacée. Le Val d'Aoste n'est pas sorti, loin de là, des turbulences politiques. L'autonomie valdôtaine est entré dans une grave crise de maturité, des questions gênantes trop longtemps dissimulées sont maintenant sur la place publique et il va falloir les résoudre.
Patrice Abeille.
 
 
 
 
 
Procès des "lupicides baujus" à Chambéry:
Hypocrisie à tous les étages.
Le 1er juillet 2005, Denis Dupérier est inquiet. Éleveur d'un troupeau de chèvres à l'alpage du Margériaz, au-dessus d'Aillon le Jeune, au cœur des Bauges, il a remarqué depuis plusieurs jours la présence d'un animal qui terrorise ses chèvres. L'animal se manifeste à nouveau, il se cache dans un bosquet. Denis Dupérier prend un fusil de chasse et tire deux fois pour effrayer le prédateur. Mais le carnivore revient, et le berger tire à nouveau, à une distance de 107 mètres, et il l'abat. Découvrant la bête, il s'aperçoit qu'elle ne ressemble pas à un chien, mais plutôt à un loup. Pourtant le loup n'a pas été signalé en Bauges, les fonctionnaires de l'environnement sont formels à ce sujet. Tel est le récit de l'éleveur de chèvres Denis Dupérier et de son frère Pierre Dupérier, maire de la commune d'Aillon le Jeune. Les deux frères ont maintenu leur version des faits à la barre du tribunal correctionnel de Chambéry le 10 avril 2006.
Comme l'a fait remarquer leur défenseur, Me. François Bern (du barreau de Chambéry), les deux hommes auraient pu facilement enterrer la bestiole et ainsi "enterrer l'affaire". Ils ont voulu au contraire révéler au public et aux autorités la présence du loup en Bauges, et pour ce faire ils ont déposé le cadavre du loup devant la Maison de la flore et de la faune à École en Bauges. C'est pourquoi les deux frères Dupérier se retrouvaient le 10 avril dernier en correctionnelle, poursuivis par le Procureur de la République au motif de deux délits distincts: Denis Dupérier (55 ans) pour le tir mortel, le véritable "lupicide", destruction d'un animal appartenant à une espèce protégée, et Pierre Dupérier (53 ans) pour le transport dudit animal. Deux délits passibles, selon les réquisitions du Procureur, de 800 euros d'amende. Le jugement a été mis en délibéré au 24 avril.
Le droit de défense de l'éleveur est bien établi.
Pour répondre à la préoccupation des éleveurs et des autres habitants de Haute-Maurienne, votre journal Le Savoisien a fait quelques recherches dans la législation. Elle ont abouti à la publication, en décembre 2005, d'un article du code de l'environnement bien caché par toutes les autorités, l'article L 427-9 (voir encadré) qui permet explicitement et sans ambiguïté aux "propriétaires et fermiers" de défendre leurs troupeaux en faisant usage d'armes à feu.
Voici à nouveau le texte intégral de l'article L 427-9 du code de l'environnement:
Sans préjudice des dispositions prévues à l'article L. 427-8, tout propriétaire ou fermier peut repousser ou détruire, même avec des armes à feu, mais à l'exclusion du collet et de la fosse, les bêtes fauves qui porteraient dommages à ses propriétés ; toutefois, il n'est pas autorisé à détruire les sangliers ni, dans les départements où est institué un plan de chasse en application de la section 3 du chapitre V du titre II du livre IV, les grands gibiers faisant l'objet de ce plan.
Denis Dupérier avait agi selon la conduite naturelle d'un berger, cherchant à défendre ses chèvres contre l'attaque d'un animal non identifié. Son acte est non seulement légitime humainement et moralement, mais il est aussi parfaitement légal au regard du texte de l'article L 427-9 du code de l'environnement. Dès lors le Procureur aurait dû abandonner les poursuites, comme le préfet l'avait d'abord laissé entendre, pendant l'été 2005, dans un souci d'apaisement...
Mais les frères Dupérier, quand ils décidèrent courageusement de rendre public l'acte de défense de l'un d'entre eux, et donc la présence du loup dans les Bauges, avaient sans doute oublié que les Bauges, et la Savoie toute entière, sont encore soumis à la domination française. Ils n'imaginaient pas quelles montagnes d'hypocrisie allaient se dresser pour ensevelir leur bonne foi. Ils en ont pourtant eu la démonstration le 10 avril à Chambéry...
La journée des Tartuffes.
L'hypocrisie française avait solidement pris pied dans tout Chambéry et plus particulièrement aux abords du Palais de Justice. Des centaines de manifestants venus de toutes les Alpes et même de l'Ardèche et des Bouches-du-Rhône, des centaines de moutons, des tracteurs et deux taureaux (?) avaient pris possession des rues et de la place, difficilement contenus par des centaines de gardes mobiles. Dans cette foule on voyait parader les responsables des organisations agricoles et rurales, et des élus bardés de rubans tricolores, le député Michel Bouvard en tête. Faisant beaucoup de bruit pour faire oublier leur lâcheté, ces "officiels" se gardèrent bien de citer les quelques lignes d'un article de loi qui conduit tout droit à la relaxe des frères Dupérier. Il avait suffi que cet article soit cité par un journal savoisien pour devenir tabou!
L'hypocrisie française n'était pas moins présente dans la salle d'audience du tribunal correctionnel.
Joël Ducros, le directeur de notre publication, dut batailler ferme pour entrer. Le filtrage policier ne suffisait pas, on déplaça le Procureur en personne pour vérifier son identité sur son passeport, puis on l'installa seul sur le banc destiné aux jurés lors des procès d'assises, à l'opposé du banc de la presse, mais derrière l'avocat de la défense. Ainsi Joël était bien visible dans les cadrages de la télévision... Les murmures de la salle à son sujet révélaient assez l'importance que la Ligue savoisienne a conquise dans la vie publique en Savoie.
Durant toute l'audience, le président du tribunal et le Procureur, relayés par les avocats parisiens des parties civiles (les associations de défense du loup), se gargarisèrent de droit international, citant abondamment la Convention de Berne. On a pourtant connu ces magistrats moins regardants, moins respectueux du droit international, quand ils ont à juger d'affaires savoisiennes, notamment de cette affaire de zone franche qui arrivera bientôt devant la Cour européenne des Droits de l'Homme grâce à l'action de notre ami Me. Mudry...
Tous ces distingués juristes n'ignorent pas non plus que la Convention de Berne a pour objet la sauvegarde de l'espèce animale "canis lupus" (le loup) et non la mort de l'éleveur; que cette espèce n'est nullement menacée puisque le nombre des loups augmente régulièrement en Asie et en Europe; que la Convention autorise des actes de régulation quand la présence du loup se fait trop menaçante pour les activités humaines; que de nombreux signataires ont émis des réserves au moment de la ratification; et que la France n'avait émis aucune réserve parce qu'elle n'avait pas relevé de présence de loups sur son territoire, oubliant que les loups ne voyagent pas avec des cartes indiquant clairement les frontières d'États...
Les Tartuffes de la presse étaient eux aussi à l'ouvrage. Pas un seul n'a cité l'article L 427-9 du code de l'environnement qui innocente clairement les frères Dupérier. Ils le connaissaient pourtant tous parfaitement, car d'une part Le Savoisien est lu attentivement par nos confrères, et d'autre part le Dauphiné Libéré avait rendu compte dans le détail, sous la plume de Frédéric Thiers (le 5 décembre 2005), de la réunion d'information tenue à ce sujet à Termignon le 3 décembre par Patrice Abeille et Jean Blanc.
Mais l'emploi du temps chargé des Tartuffes de la presse est venu au secours de leur malhonnêteté intellectuelle: ayant quitté l'audience aussitôt après les réquisitions du Procureur, ils n'ont pas entendu la plaidoirie de Me. Bern qui citait en bonne place le fameux article L 427-9...
Le 10 avril 2006, les frères Dupérier ont pris une bonne leçon de France en Savoie. Et ce n'est pas fini!
Patrice Abeille (avec Joël Ducros à Chambéry).
Jugement du 24 avril: relaxe pour l'un, sursis pour l'autre.
Denis Dupérier, le tireur d'élite qui abattit un loup caché à 107 mètres, a été relaxé par le tribunal correctionnel, qui reconnaît donc à l'éleveur le droit de défendre son troupeau. C'est une nette victoire pour tous les éleveurs menacés, et Le Savoisien, qui leur a fourni l'indispensable outil juridique, s'en réjouit.
Son frère Pierre Dupérier, maire d'Aillon le Jeune, qui avait transporté le cadavre du loup, a écopé d'une amende de 800 euros avec sursis
 
 
 
Un décret pour décourager les appels dans les procès civils.
Le 28 décembre dernier, très peu de journalistes ont signalé la parution d'un décret (n°2005-1678) dont les conséquences sont pourtant de grande portée pour les justiciables, dont le droit de faire appel d'un jugement civil vient d'être gravement réduit.
Les journalistes auraient d'ailleurs eu de la peine à faire leur métier: en effet les 89 articles (!!) du décret paraissent "difficilement intelligibles" au député Arnaud Montebourg, qui est pourtant avocat, et qui s'insurge dans une tribune publiée par Le Monde le 22 mars 2006.
Le décret du 28 décembre, applicable depuis le 1er mars même aux procès commencés avant cette date, est brièvement analysé dans la revue juridique Le Particulier n°1000 (avril 2006) page 20. Son effet principal est de soumettre la validité d'un appel à l'exécution provisoire du jugement de première instance. Autrement dit, si le premier tribunal vous a ordonné de payer une somme à votre adversaire, ou de lui abandonner un bien, ou de renoncer à votre emploi, et qu'il a prononcé l'exécution provisoire, vous devez d'abord exécuter ce jugement, sans attendre le jugement d'appel, faute de quoi votre appel sera déclaré éteint.
Cette nouvelle procédure, qui, selon Arnaud Montebourg, "bouleverse les règles séculaires de notre procès civil", va évidemment décourager les plaideurs de mauvaise foi qui ne font appel que pour gagner du temps contre leur adversaire. Mais à l'inverse elle va dégoûter bien des justiciables maltraités par la première instance de faire valoir leurs arguments à la Cour d'appel.
Quoi qu'il en soit, il est choquant d'apprendre a posteriori qu'une décision de si grande conséquence a été prise si discrètement, un 28 décembre par un décret de 89 articles "difficilement intelligibles". Et aucun magistrat n'a émis la moindre protestation "au nom de la séparation des pouvoirs", alors que la corporation jugeante s'époumone contre la commission parlementaire ayant auditionné les protagonistes du procès d'Outreau...
 
 
 
 
Iparralde: pétition pour un référendum sur la création d'un Département.
Après des manifestations de rues massives, après les votes favorables de la majorité des conseils municipaux des trois provinces qui composent Iparralde (le Pays Basque de France), l'organisation Batera, qui souhaite la création d'un Département Pays Basque, lance une nouvelle action qui s'appuie sur les lois récentes de décentralisation: une pétition.
Il s'agit d'obliger le Conseil général du Département des Pyrénées atlantiques à organiser un référendum portant sur la création d'un Département Pays Basque. Pour être prise en considération, la pétition devra recueillir 46 000 signatures, soit 10% du nombre des électeurs inscrits dans les Pyrénées atlantiques, Département qui se compose du Béarn et du Pays Basque. C'est dire que l'affaire n'est pas gagnée d'avance, et ses promoteurs savent bien que les signatures seront plus difficiles à obtenir dans la partie béarnaise, même si des sympathies pour l'identité basque s'y manifestent. Mais les abertzale (patriotes basques) pensent que cette pétition est un pari gagnable.
Déjà des opposants ont brandi des arguments juridiques déclarant la requête populaire hors la loi, le Conseil général ne pouvant organiser un référendum que dans le cadre de ses compétences. Mais d'autres juristes soutiennent le contraire. En tout cas, si 46 000 signatures sont produites dans quelques mois, il deviendra encore un peu plus difficile d'ignorer la demande d'un peuple qui exige une institution représentative au sein de la République française.
Les signataires de la pétition doivent mentionner, en plus de leurs nom et prénom (et nom de jeune fille pour les femmes mariées), leur adresse et le nom du bureau de vote auquel ils sont inscrits.
 
 
 
 
La Banque de France vend ses immeubles en gros aux Américains.
Le plan d'économies se poursuit à la Banque de France, qui a décidé en 2004 de réduire le nombre de ses agences à environ une par Département. En Savoie, l'agence de Thonon (Chablais) a été fermée.
Les anciennes agences de la Banque de France étaient installées dans des immeubles de prestige, bien situés, dont la valeur est élevée. Mais plutôt que d'organiser localement des ventes aux enchères, la Banque a choisi la vente en bloc à un investisseur: 34 immeubles ont été cédés à la société américaine Carlysle, dont celui de Thonon, pour un prix global tenu secret (?). Carlysle a annoncé son intention de revendre une partie de ses acquisitions et de conserver les autres pour les mettre sur le marché locatif comme bureaux ou logements, si la rentabilité locative lui paraît intéressante.
Ils ont bonne mine, les hauts fonctionnaires français, eux qui ne cessent de rivaliser dans l'anti-américanisme... de façade!
 
 
 
 
Nos ancêtres les Sarrasins des Alpes.
 

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L'histoire de la Savoie et des Alpes au Moyen-Âge, surtout du 6e. au 12e. siècles, demeure assez mystérieuse, avec bien des zones d'ombre et des questions non résolues. Ainsi, qui étaient ces Sarrasins, dont les livres d'histoire évoquent vaguement la présence dans nos vallées? On explique souvent le nom de la Maurienne par les Maures, ou Sarrasins, qui l'auraient occupée; on peut le comprendre aussi comme "mauvaise rivière, rivière dangereuse". Il se dit que les habitants de certains villages de haute montagne, bruns, petits, minces et à la peau mate, seraient les descendants directs d'envahisseurs arabes.
Le valdôtain Joseph Henriet défend une autre explication: les Sarrasins n'auraient jamais existé! S'il y eut des expéditions barbaresques sur la côte provençale, et bien sûr une avancée des Arabes dans tout le midi de la France, stoppée à Poitiers, on voit mal ce que ces guerriers seraient venus faire au cœur des Alpes, dont la géographie, le climat et la civilisation n'avaient rien pour les séduire.
Selon Henriet, la description des "Sarrasins" par les auteurs médiévaux désigne des peuples autochtones, en tout cas ni celtes ni romains, et peut-être même pré-indoeuropéens. Ces indigènes, ressemblant aux ancêtres des actuels Basques, seraient restés à l'écart de l'implantation des Allobroges, de la colonisation romaine (qui se concentrait sur les voies de communication et les fonds de vallées), de l'installation des Burgondes, et surtout de la christianisation. Ils auraient conservé longtemps, au Moyen-Âge, leurs cultes païens, leur mode de vie montagnard, et aussi leurs habitudes de pillage des convois de voyageurs lorsque leurs productions ne suffisaient plus. Les auteurs chrétiens, vivant dans les villes, les auraient donc désignés comme "Sarrasins", faisant référence à la fois à leur aspect physique, à la terreur qu'ils inspiraient, et à leur ignorance de la religion chrétienne.
Cette thèse, solidement argumentée, fut publiée en version italienne au Val d'Aoste, en 1996. La version française, revue et corrigée par Thierry Mudry, a été éditée par Cabédita en 2002; elle mériterait d'être mieux connue car elle éclaire d'un jour nouveau un passé lointain encombré de légendes.
Un jour, peut-être proche, grâce aux progrès rapides de la génétique, les scientifiques devraient pourvoir déterminer avec certitude qui étaient les Sarrasins des Alpes. En attendant, l'hypothèse de Joseph Henriet semble particulièrement convaincante...
— Joseph Henriet, "Nos ancêtres les Sarrasins des Alpes", Cabédita, 136 pages, 21€
Le livre est disponible à la "Librairie du Savoisien".
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Sorties du Club Alpin Savoisien en 2005.
Voici deux belles photos commentées, prises en 2005.
 
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Le Club Alpin Savoisien au sommet du Mont Gelé (3518 m)
 
 
Escapade alpine chez nos amis Valdôtains, nous avons eu juste le temps de prendre cette photo au sommet, le mauvais temps est venu très vite, la neige et la pluie nous ont accompagnés tout au long de la descente, mais le réconfort d’une "grolla" au refuge de Crête Sèche nous a fait oublier la pluie pour rejoindre nos voitures à Bionnaz.
 
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Avant l’AG, quelques membres du CASE en balade sur les Voirons.
 
 
 
 
 
Parlez-vous le "franco-savoyard"?
Le français parlé en Savoie est émaillé d'un vocabulaire emprunté au francoprovençal, notre langue vernaculaire. Testez vos connaissances en sélectionnant les bonnes réponses!
1. Ne les attige pas!
a. ne les accable pas!
b. ne les énerve pas!
c. ne les méprise pas.
2. Vivement le chautemps!
a. vivement le souper!
b. vivement le printemps!
c. vivement l'été!
3. Ça a déroché.
a. il y a eu une avalanche.
b. il y a eu un gros travail de fait.
c. il y a eu des engueulades.
4. Il était tout empatiôqué.
a. il était malade.
b. il était gêné.
c. il était couvert de boue.
5. Arrête avec tes gadagneries!
a. ...avec tes remarques blessantes!
b. ...avec tes bêtises!
c. ...avec tes airs supérieurs!
6. Débarrasse-toi de ces mânets!
a. ...de ces mauvaises fréquentations!
b. ...de ces objets inutiles!
c. ...de ces manies!
7. Ça winwalle fort.
a. ça brinqueballe en grinçant.
b. ça va fort.
c. le vent souffle fort.
8. Allez, pâchonne les vaches!
a. laisse-les tranquilles!
b. attache-les à un piquet!
c. mets-leur leur cloche!
9. Toujours à r'maler!
a. ...à grignoter!
b. ...à dire du mal!
c. ...à grommeler!
10. Quelle sniule!
a. quelle personne ennuyeuse!
b. quelle personne stupide!
c. quelle personne fainéante!
Solutions:
1a, 2c, 3a, 4c, 5b, 6b, 7a, 8b, 9c, 10a
 
 
 
 
 
Bloc-notes.
Chablais: réunion de la Ligue le 26 mai.
La réunion du Comité de la Province du Chablais, ouverte à tous les adhérents de la Ligue savoisienne de cette Province, aura lieu:
Vendredi 26 mai 2006 à 20 heures
à Féternes
Salle de la Mairie (en face de l'église).
Bienvenue à tous!
 
 
 
 
 
 
Annonces.
Étudiant savoisien en Pharmacie (Faculté de Grenoble) cherche stage de fin d'études en Suisse romande. Durée de trois mois, d'avril à juin 2007 (ou de janvier à mars 2007).
Julien Jacquemmoz,
Téléphone +33 4 76 01 15 34 ou +33 6 61 23 80 89
Courrier-électronique : julien.jacquemmoz@club-internet.fr
Vends Land Rover Discovery 1993. Nombreuses pièces neuves. 144 000 km, TBE. Urgent. 7200 euros. Tel 04 50 22 83 21
Avis de recherche (chaudières):
Afin de donner un cachet encore plus traditionnel au 3e Festival des Soupes qui aura lieu à Doussard le 7 octobre 2006, la Soup'ac recherche encore 4 chaudières pour faire cuire les soupes. Merci d’aviser le Secrétariat au 04 50 09 87 13 pour vos conditions de prêt pour une soirée.
 
 
 
 
 
Pour pavoiser vos maisons en Faucigny.
 
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Le drapeau du Faucigny était très difficile à trouver, sinon introuvable, dans le commerce. La Ligue savoisienne vient de relancer une fabrication qui fera la fierté des Faucignerands. La bannière est de belles dimensions, 120x120 centimètres, les couleurs sont éclatantes et résistent longtemps aux intempéries, de même que le tissu polyester robuste, la sangle de renfort et les anneaux de fixation. La nouvelle bannière du Faucigny est vendue 25 euros à la boutique de la Ligue savoisienne (voir encadré page 8).
Prochaines productions annoncées: Maurienne et Savoie Ducale.
Les drapeaux du Chablais, du Genevois et de la Tarentaise sont disponibles aux mêmes conditions, mais à la dimension 100X120 cm.
 
 
 
 
 
Tribune.
Des vagues (de mécontentement) sur le lac d'Annecy: sécurité ou bureaucratie?
 
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Sur notre lac d'Annecy, très fréquenté pendant l'été autant par les touristes que par les autochtones et autres Savoisiens des autres provinces, il est aisé de constater que d'année en année, plus les réglementations deviennent complexes et contraignantes, moins elles sont respectées!
Elles sont pourtant garantes de la sécurité de tous les usagers et édictées pour cela et rien que pour cela...
Or il faut savoir que, dans le cadre de l'Union Européenne, ces règles ont été SIMPLIFIÉES. Cependant elles gagneraient encore à être plus claires dans leurs textes afin d'éviter les télescopages ou la redite de certains articles.
La sécurité négligée.
Tous ceux qui naviguent souvent sur le lac constatent que peu d'usagers se conduisent dans le respect de la réglementation.
Les services de contrôle (Gendarmerie et autres services du Ministère des transports) sont peu présents sur le lac, faute de moyens mis à leur disposition: 80 heures de surveillance Gendarmerie en 2005, "c'est beaucoup" selon la préfecture!
Aussi nous voyons couramment:
Enfin, il semble difficile de faire plus mal!
Eh bien si! Ajoutons que, dans le petit lac, certains permettent à des enfants de moins de 16 ans de tracter des skieurs et de voir des enfants tractés sans gilets de ski!
Appliquer la réglementation sans abus de pouvoir.
Peut-être que, pour l'application des textes , la Savoie ne fait déjà plus partie de la France en application de l'abrogation des traités...
Dans ce cas , elle fait tout de même partie de l'Europe et les directives européennes s'y appliquent comme dans les autres pays de l'Union! Les lois européennes acceptées par la France ne seraient-elles pas applicables sur notre lac?
Les loueurs de bateaux, en particulier, aimeraient savoir à qui se référer: ils veulent bien appliquer une réglementation, mais aussi savoir laquelle, sans tomber dans l'arbitraire.
Depuis janvier 2006, ils savent. Selon, d'une part, la directive CE pour les bateaux, d'autre part les arrêtés du ministre français des Transports du 30 septembre 2004 et du 7 mars 2005 sur la vérification de la sécurité et de l'armement des bateaux, "les bateaux font l'objet d'une vérification spéciale annuelle effectuée sous la responsabilité du loueur".
La Savoie européenne est capable de respecter les lois et directives européennes
au moins autant que peuvent le faire les Départements français, mais sans discrimination. Les directives européennes ont été pour cela retranscrites en droit français.
Aussi, pourquoi faire traquer sans raisons les professionnels (le peu de jours où la Gendarmerie est sur le lac), alors qu'ils sont probablement les plus respectueux des règlements?
Pourquoi faire dire aux représentants de la maréchaussée que "les textes français priment sur les lois et directives européennes", alors que les ministères intéressés font des réunions d'information pour apprendre le contraire à leurs fonctionnaires de terrain, alors que tous les textes sont retraduits en droit français afin d'éviter toute erreur dans leur interprétation, et qu'ils sont tous consultables sur internet?
Objectif sécurité pour tous.
Seul le pilote d'une embarcation est responsable de la sécurité de ses passagers, il se doit donc de vérifier avec le loueur le matériel de sécurité.
Les loueurs ne dépassent jamais la charge utile en passagers, donnée par le constructeur et notée sur la plaque fixée sur le bateau. Sur les plaques constructeurs d'avant 1998 seul est noté le nombre de personnes sans notion de charge; sur les plaques dites CE (après 1998) sont notés le nombre de personnes maxi, basé sur un poids moyen de 75 kg, ainsi que la charge maximum des passagers + équipements et avitaillement.
Les loueurs donnent les meilleurs conseils possibles et font leur travail avec le maximum de professionnalisme, dans le respect de la sécurité de tous les usagers du lac.
Il serait temps de donner plus d'informations aux diverses administrations, ainsi que des directives à jour, et plus de moyens à la police du lac ("80 heures c'est beaucoup"...) pour que tous travaillent en bonne intelligence pour le bien de tous et du lac d'Annecy.
 
Jean-Claude Zanco.
(avec l'aide, pour la documentation, de Daniel Tissot, membre du Conseil Supérieur de la Navigation de Plaisance et des Sports Nautiques, et membre de la Commission Nationale pour la Sécurité de la Navigation de Plaisance)
Titre et sous-titres ajoutés par la rédaction du Savoisien.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Albertville: un "Écoparc" SANS incinérateur?
(Suite de l’article "Écoparc plus incinérateur" paru dans Le Savoisien n°13, avril 2006)
 
La réunion organisée par l’ACALP le 16 mars à Frontenex avait pour but de faire le point sur le projet Écoparc avec la participation de M. Maurice Sarrazin, ingénieur en Génie civil spécialisé dans le traitement des déchets.
Les élus présents, dont le responsable de Symvallées (1), ont précisé le mode de traitement retenu pour Écoparc à partir d’une collecte des déchets ménagers sans séparation de la fraction organique: tri biomécanique de la fraction fermentescible, traitée par méthanisation pour la production de biogaz, suivie par l’incinération du résidu de la méthanisation. Afin de préserver le caractère "écologique" d’Écoparc, l’incinération ne se ferait pas à Albertville mais à Chambéry et/ou Pontcharra...
C’est en s’appuyant sur l’expérience qu’il a accumulée en suivant pendant des années la construction et le fonctionnement de plusieurs unités de traitement des déchets dans la région Languedoc-Roussillon que M. Sarrazin dénonce l’absurdité du système. Pour lui le problème du traitement des déchets est très simple pourvu qu’on cherche à le résoudre simplement, et c’est tout le contraire qui est fait dans la quasi-totalité des cas, comme dans le projet Écoparc.
Toutes les difficultés techniques découlent de la même cause: le mélange, dès l’origine, dans la poubelle de chaque famille, des différents types de déchets. Une fois qu’ils sont mélangés il est très compliqué et donc très coûteux ou même impossible de les séparer. Le tri biomécanique envisagé pour l’Écoparc nécessitera une grosse installation industrielle pour trier des milliers de tonnes de déchets mais ne séparera qu’imparfaitement —et dans quel état?— les composants qui ne peuvent être traités ou recyclés que séparément.
Le système Sarrazin.
Il tombe sous le sens qu’il ne faut pas commencer par mélanger ce qui doit être séparé!
C’est sur cette lapalissade que repose le système préconisé par M. Sarrazin, dont le principe est simple: mettre les déchets organiques dans une poubelle et les autres déchets dans une ou mieux plusieurs autres poubelles.
Les déchets organiques, ce sont ceux qui ne sont ni minéraux (verre), ni plastiques (emballages, bouteilles) ni métalliques (cannettes, boîtes de conserve). Ce sont par exemple les épluchures, les restes d’aliments, les papiers et les cartons, les couches à usage unique etc., c'est-à-dire tout ce qui peut fermenter et qu’on appelle par conséquent la fraction fermentescible. Cette fraction représente environ 50% en poids des ordures ménagères dont 20% d’humidité.
M. Sarrazin préconise que ces déchets organiques soient stockés au domicile dans une poubelle un peu spéciale car munie d’une ventilation, ce qui permet aux ordures de sécher à l’air et de se compacter. Ce bac peut n’être collecté que tous les quinze jours et son contenu est traité directement en compostage et produit un excellent compost.
Les autres déchets qui sont mis dans une ou 2 ou 3 autres poubelles (suivant le degré de tri demandé aux usagers) sont dès lors à l’abri de toute souillure par les produits organiques. Les papiers et les plastiques ne sont pas salis, les métaux ne sont pas corrodés par le contact avec l’acidité de la fermentation organique, leur tri et leur recyclage sont grandement facilités.
Le recours à la méthanisation et à l’incinération devient accessoire ou inutile et le coût de traitement des déchets est réduit au moins de moitié.
Hic est quaestio!
Mais il y a un hic! Tout repose sur le tri fait chez l’habitant et par l’habitant. C’est ce qui désole nos élus qui, s’ils sont partisans —comme ils le disent— du tri maximum, ont échoué dans leurs tentatives d’en convaincre leur population. Ils brandissent les 38% de refus de tri comme un argument définitif et prouvent leur bon vouloir par la prochaine (et dérisoire) mise en vente au public de 2000 composteurs à 15€. Nos bons élus semblent désemparés devant l’individualisme, le manque d’esprit civique et, pour tout dire, la bêtise humaine. N’est-il pas plus facile, au demeurant, de dépenser 100 millions d’euros pour construire un Écoparc que de convaincre 100 000 personnes? Sauf que si l’on dépensait 100€ par personne, soit dix fois moins au total, en éducation civique et en formation au tri… il n’y aurait peut-être plus besoin d’un Écoparc? Il faudrait au plus un parc sans méthaniseur ni incinérateur… qui serait donc vraiment Éco! Éco-logique et Éco-nomique!
Pierre Ottin Pecchio.
Union Santé Contre Pollution. (2)
(1) Syndicat mixte de gestion des déchets des vallées de Savoie, regroupement du SIMIGEDA d’Albertville, du SITOM de Moûtiers, du SIVOM de Bozel et de la CCVA d’Aigueblanche.
(2) USCP, 98 route de Corbier 74650 Chavanod,
e-mail : uscp.savoie@free.fr
 
 
 
 
 
Libérer sa voie? Libérer la Savoie? Libérer Sa Voie!
Commencer par se libérer soi-même pour pouvoir libérer son pays, c’est le sens du message que nous adresse Michel Fontaine dans son ouvrage Libérer Sa Voie (à paraître) dont Le Savoisien publie de larges extraits.
Michel Fontaine, né en 1947, Docteur en Médecine, vit à Chamonix où il exerce la médecine générale depuis une vingtaine d’années après avoir consacré plus de dix ans à la recherche médicale en immunologie.
C’est de sa réflexion de chercheur, de praticien au contact des malades et de Savoisien passionné de montagne qu’il tire le message fort qu’il nous adresse aujourd’hui.
La France se trouve aujourd’hui vis à vis des Français (dont elle nie la souveraineté au travers de la confiscation qui leur est faite de tous les pouvoirs qu’ils auraient dû garder sur leur vie et eux-mêmes), vis à vis de ses régions (dont elle nie les niveaux d’autonomie et d’identité qui auraient dû leur rester) dans la même situation que l’URSS qui imposait son joug à ses peuples et aux pays satellites, que la Chine qui occupe le Tibet, que les États-Unis qui n’ont toujours pas restauré les nations indiennes dans leurs droits et leurs territoires octroyés par traités tant de fois bafoués, qu’Israël qui maintient sa colonisation violente sur la Cisjordanie conquise militairement. Pourquoi les grandes nations imposent-elles par la force armée à l’Irak des règles qu’elles ne s’imposent pas à elles-mêmes?
 
 
En fait ces grands "machins" voient la paille dans l’œil du petit qu’ils veulent opprimer —ou l’y mettent si elle n’y est pas— et refusent de voir la poutre qui est dans le leur. Mais pour enseigner la bonne conduite aux autres, il faut commencer par l’appliquer à soi sinon elle n’est qu’un faux semblant, un faux prétexte. Il est nécessaire de comprendre que si l’on triche ainsi, on n’a plus de parole, seulement un bruit, on n’est plus ses actes, seulement une vaine agitation, on n’est plus tout simplement un "En Soi". Sa propre fin est alors annoncée, provoquée par le fait même de l’incohérence de proclamer et réclamer un niveau d’être pour les autres que l’on n'a même pas atteint soi-même. Toutes les justifications que l’on pourra se donner pour justifier l’abandon de soi qui a mené là n’y changeront rien. Le choix du non-être et de l’effacement a alors remplacé celui de l’être et de la présence.
"Être ou ne pas être?", telle est toujours la question. Il existe toujours deux catégories de personnes, celles qui recherchent l’être et celles qui recherchent le non-être. Les premières se veulent responsables d’elles-mêmes, de leur vie, de leur évolution personnelle et elles se donnent les moyens de l’assumer. Les secondes fuyant ces responsabilités souhaitent à leur place se faire prendre en charge et se donnent toutes les excuses des scénarios de victime pour justifier cette démission. Les premières voient la vie comme une aventure et une exploration du monde où l’incertain et le danger ont leur place. Les secondes n’y voient qu’une somme de dangers à conjurer par la recherche permanente de sécurité et de garanties. Les premières acceptent la prise de risque et l’évènement fâcheux qui s’oppose à elles comme une opportunité d’expansion. Aux secondes il manque la capacité de transformer une chance de perdre en une chance de gagner. Les premières cherchent l’expérience et y voient le véritable trésor de la vie qui développe leur Être, leur sagesse, donne son sens véritable à leur existence. Les secondes s’enfoncent dans la possession de l’objet matériel ou symbolique qui les rassure, auquel elles s’aliènent et arrêtent leur vie. Les premières souhaitent l’éveil, l’expansion de leur conscience tandis que les secondes recherchent l’endormissement, l’anesthésie de leur conscience. Les premières justifient la vie, son expansion, l’évolution, les secondes son arrêt, la régression, le repliement.
Il n’est pas possible de servir deux maîtres à la fois. Il n’y a pas d’autres possibilités que celles de se situer du côté de l’Être et de répondre à ses exigences, ou du côté du non-être et de se laisser aller à l’abandon et la facilité. La dynamique d’une personne humaine, dans sa résultante globale, la fait être ou ne pas être. Ce qui ne veut pas dire qu’elle est ou toute blanche ou toute noire. Cela signifie que par la somme de tout ce qu’elle choisit d’incarner et de vivre, faisant sens ou non-sens en terme de vie et d’évolution, elle fera pencher la balance d’un côté ou de l’autre, peut être même, tantôt d’un côté, tantôt de l’autre.
Il en va de même à l’échelon global d’un pays: la résultante de ses valeurs, de ses actes, le fait être ou ne pas être, exprimer l’Être ou le non-être, jamais les deux à la fois. L’État français, par exemple se prétend être un État de droit mais en même temps il bafoue cette affirmation par des coups tordus qui ressortissent du non droit, du non-être par rapport à ce qu’il prétend sur lui-même. De même, il se prétend être le défenseur des droits de l’homme et il bafoue ouvertement ceux de ses citoyens.
En conséquence, les prétentions à "être" de l’État français, comme de ceux qui l’agissent d’ailleurs, s’avèrent n’être qu’une façade vide de tout contenu.
Dr Michel Fontaine.
 
 
 
 
 
Écrire en langue romanche.
par Guiu Sobiela-Caanitz.
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Les 1er et 2 avril à Yvoire, dans le cadre du 700e anniversaire de cette petite ville, l’Association des enseignants de savoyard/francoprovençal a organisé un colloque linguistique sur les graphies de cette langue et de quelques autres. Cette rencontre avait été vivement souhaitée par Ornella de Paoli, présidente de l’association francoprovençale du Piémont, pays où le problème se pose avec acuité depuis la loi italienne de 1999 permettant l’usage scolaire et officiel de langues minoritaires. Au colloque d’Yvoire, il s’agissait d’examiner, en substance, pourquoi et comment on en était arrivé à les écrire. Plusieurs spécialistes ont résumé la genèse des différentes graphies. Pour le français, cette tâche est échue à Dominique Stich, co-auteur, avec Alain Favre, du dictionnaire francoprovençal paru en 2003 à Thonon-les-Bains. Marc Bron, président de l’association, a conclu les travaux en animant une discussion de synthèse, au cours de laquelle sont apparus clairement les avantages de graphies supradialectales. La genèse des graphies de la langue romanche a été présentée par notre ami grison Guiu Sobiela-Caanitz, lequel écrit en romanche depuis 1962 et collabore régulièrement au journal quotidien publié en cette langue.
 
 
Le romanche est une langue parlée dans une dizaine de vallées alpines des Grisons, non loin de la frontière italienne. Les Grisons sont le plus vaste des cantons qui forment l’État fédéral suisse; un canton suisse est lui-même un État, comme un Land allemand ou autrichien ou comme l’une des trois régions belges. Je décrirai d’abord la naissance et l‘évolution des cinq langues littéraires romanches jusqu’au milieu du XXe siècle, puis la création en 1982 d’un romanche synthétique, koïnè de compromis entre les cinq variétés régionales, enfin l’évolution depuis 1982 et les perspectives.
Naissance au XVIe siècle.
Les vallées romanches, avec des territoires contigus, formaient au Moyen Âge ce qu’on appelait la Rhétie de Coire, partie du Saint-Empire partagée entre des seigneurs féodaux. À la fin de cette époque, les communautés montagnardes rhétiques, organisées en petites républiques, ont peu à peu réduit à néant le sytème féodal, comme en Suisse centrale et dans le Briançonnais dauphinois. Au XVIe siècle, ces communautés rhétiques étaient suffisamment autonomes pour décider souverainement si elles voulaient rester catholiques ou passer à la Réforme. Celle-ci s’est d’abord imposée dans l’Est du pays, la haute vallée du fleuve Inn (en romanche En, d’où le nom de l'Engadine); on distingue traditionnellement la Haute-Engadine (Saint-Moritz) et la Basse-Engadine qui va jusqu’à la frontière tyrolienne. C’est en Haute-Engadine qu’on écrivit les premiers ouvrages imprimés en romanche, un catéchisme en deux éditions (1552 et 1571), puis le Nouveau Testament (1560) et un syllabaire (1571). L’auteur, le juriste Jachiam Bifrun (1506-1572), écrivait en romanche de Haute-Engadine, compréhensible certes dans les vallées limitrophes et notamment en Basse-Engadine. Ses ouvrages se diffusèrent assez vite, dans le sillage de la Réforme et de l'instruction publique. Le deuxième auteur d’ouvrages imprimés romanches a lui aussi écrit pour répandre les idées de la Réforme protestante: le pasteur Durich Chiampel (1510-1582) dont le "Cudesch da Psalms", imprimé à Bâle en 1562, comprenait trois parties: les psaumes 1 à 62, traduits en vers romanches pouvant être chantés, ensuite des hymnes romanches prêts à être chantés, enfin un catéchisme, le tout en dialecte de Basse-Engadine. Dans son introduction, Chiampel écrit que de nombreux habitants de cette vallée se sont plaints de ne rien avoir pour chanter dans leur dialecte. Le particularisme local apparaît donc dès l’origine de la littérature romanche.
Pour chanter psaumes et cantiques.
Le particularisme local se manifesta à nouveau en 1611, lors de la publication d’un catéchisme et recueil de cantiques du pasteur Steffan Gabriel († 1638) dans la variété romanche de la Surselva, vallée du Rhin antérieur. Or Gabriel n’était pas de cette région, mais naquit vers 1570 en Basse-Engadine; après son ordination en 1593, il se chargea d’une paroisse de Surselva, dont il apprit le dialecte, où il se maria, puis, en 1599, il fut élu dans la principale paroisse de la région. Dès son origine, le romanche littéraire reflète donc la division de la Rhétie en petites républiques montagnardes. La variété de "sursilvan" employée par Gabriel resta jusqu’au début du XXe siècle la koïnè des régions romanches protestantes, non seulement en Surselva, mais aussi dans la vallée du Rhin postérieur. Pour comprendre l'importance de ces traditions graphiques nées de la Réforme, il faut connaître le rôle du romanche dans le culte réformé, c’est-à-dire celui des Églises protestantes se réclamant de la Réforme suisse. Ces Églises ont pratiquement éliminé la tradition liturgique catholique. Le centre du culte est le prêche, le sermon du pasteur, précédé et suivi par des prières dites seulement par lui et des cantiques chantés par tous. La participation active de l’assemblée se réduit donc au chant dans la langue du peuple; d’où l’importance des cantiques. Or les principaux recueils de cantiques romanches ont été publiés dans les deux variétés d’Engadine. Le premier avec notes (1661), du juriste Lurainz Viezel (*1627) fut réédité en 1773 et 1776. Un deuxième, du pasteur "Johannes Martinus ex Martinis" (1644-1703) parut en 1684, avec rééditions en 1702, 1751 et 1797. Mais le plus important est celui de 1765, du pasteur Giovanni Battista Frizzoni (1727-1800; nom italianisé à la mode du temps) avec réédition en 1840, en usage jusqu’au XXe siècle. Employé dans toute l’Engadine, il contribua à rapprocher les deux parties de cette vallée. Leur sentiment communautaire fut renforcé par la tradition d’émigration par roulement: un Engadinois fondait une entreprise dans un pays européen, puis faisait venir un parent, rentrait au pays et ainsi de suite. Ainsi se maintenait le lien avec l’Engadine. La cohésion des Engadinois ainsi émigrés était encore accrue par la confession réformée, alors qu’ils se trouvaient le plus souvent dans un pays catholique, comme l’Italie ou l’Autriche, ou protestant luthérien, comme la Prusse ou le Danemark. L’entreprise était généralement une boulangerie-patisserie qui s'agrandissait souvent d’un café.
Vallées du Rhin et de ses affluents.
La situation était différente dans les régions protestantes des vallées du Rhin antérieur et du Rhin postérieur, qui avaient adopté la graphie créée par Gabriel. L’émigration y était souvent militaire, par exemple vers la Hollande ou la France, ou encore individuelle, par exemple en Amérique après les disettes du début du XIXe siècle. À cette époque, l’intensité du commerce entre l’Allemagne et l’Italie incita les autorités locales à introduire l’école primaire allemande dans la vallée du Rhin postérieur. Le romanche en fut d’autant affaibli. Au début du XXe siècle, la graphie "protestante" des vallées du Rhin fut adaptée à celle que des missionaires capucins avaient créée au début du XVIIe siècle dans la partie catholique de Surselva, vallée du Rhin antérieur. Autrement dit, pendant trois siècles coexistèrent en Surselva une graphie catholique et une graphie protestante. Le "sursilvan" catholique n’était pas employé dans la liturgie, réservée au latin, mais pour des paraliturgies, notamment les pèlerinages, ou encore pour chanter pendant la messe latine. En 1690 fut publié un recueil romanche de cantiques catholiques élaboré par les bénédictins de la région. Ce recueil a connu onze éditions, la dernière en 1945, et est devenu le recueil de cantiques par excellence des catholiques romanches. Autour de 1930, le romanche perdait du terrain au profit de l’allemand. L'on se servait de trois variétés bien codifiées de graphies romanches, employées par les autorités municipales et par de petits journaux locaux hebdomadaires:
 
Entre les deux se trouvent les Grisons centraux, autrement dit les vallées du Rhin postérieur et de ses affluents. La mode était au particularisme régional; au milieu du XXe siècle furent développées deux variétés graphiques. La plus importante des deux, le "surmiran", remplaça le "sursilvan" dans la vie scolaire et officielle de deux vallées; cette évolution se fit sans bruit. L’autre concerne la vallée du Rhin postérieur, où le romanche vivotait mais où les écoles étaient germanisées; l’élaboration d’un système graphique, le "sutsilvan", fut plus difficile et ne donna point les résultats espérés. En effet, les responsables de cette région refusaient le "sursilvan", jugé inutile et trop éloigné de leurs parlers. Mais il n’existait pour ainsi dire aucune tradition graphique dans la vallée du Rhin postérieur. L’association culturelle romanche "Lia rumantscha" engagea alors en 1943 le linguiste romaniste Giuseppe Tommaso Gangale (1898-1978), Calabrais d’origine albanaise, lecteur de romanche à l’Université de Copenhague. Gangale, assisté des enseignants de la région, mit au point en 1944 une graphie de compromis entre les trois vallées. Cette graphie, extrêmement logique et fonctionnelle, est toujours employée, mais pratiquement dans une seule des trois vallées; dans les deux autres, on n’a pu freiner la germanisation. La graphie de Gangale est supradialectale, tout comme celle de Stich et Favre pour le francoprovençal, c’est-à-dire que certaines lettres ou certains groupes de lettres se prononcent différemment selon la vallée ou le territoire.
Le pont entre les régions (1982).
Peu à peu s‘intensifièrent les relations entre les différentes vallées. La radio joua un rôle décisif en organisant des discussions entre Romanches de dialectes différents; ils s‘aperçurent alors qu’ils se comprenaient sans peine sans passer par l’allemand. Mais l’absence d’une koïnè panromanche faisait obstacle à l’élaboration de textes écrits dès lors qu’il en fallait un seul. En Suisse, pays plurilingue, on trouve souvent des textes plus ou moins longs dans les trois langues officielles de l’Etat fédéral: allemand, français, italien. On voulait souvent y ajouter le romanche, mais laquelle des cinq variétés choisir? À la longue, cet obstacle devint de plus en plus irritant, d’autant plus que le romanche ne cessait de perdre du terrain. En 1982, l’association culturelle "Lia rumantscha", reconnue d’utilité publique pour la promotion de la langue, chargea un excellent connaisseur des parlers romanches d’élaborer un romanche synthétique ou de compromis, compréhensible au public des différentes vallées. Il s’agissait de Heinrich Schmid (1921-1999), germanophone et donc dialectalement neutre, professeur retraité de linguistique romane à l’Université de Zurich. Schmid créa donc en 1982 le "rumantsch grischun" (RG) en se basant sur les trois principales variétés codifiées, à savoir, de l’est à l’ouest, le "vallader" (Basse-Engadine), le "surmiran" et le "sursilvan". Le RG se base sur le principe de majorité, c’est-à-dire qu’il choisit le plus possible la forme écrite commune à deux de ces trois variétés; ce principe de base vaut aussi bien pour la phonétique et la morphologie que pour la syntaxe.Voici quelques exemples; le sens français du mot romanche est indiqué:
 
LATIN vallader surmiran sursilvan RG (français)
(accusatif) (à l’est) (au centre) (à l’est)
ALBVM alb alv alv alv (blanc)
CATTUM giat giat gat giat (chat)
CODICEM cudesch codesch cudisch cudesch (livre)
FILVM fil feil fil fil (fil)
FVRMAM fuorma furma furma furma (forme)
GALLINAM giallina giaglina gaglina giaglina (poule)
HORAM ura oura ura ura (horloge)
LEVEM leiv lev lev lev (facile)
NOCTEM not notg notg notg (nuit)
SEPTEM set set siat set (sept)
L'évolution depuis 1982.
L’usage du RG se répandit vite au niveau d’organisations. Ainsi, les autorités fédérales n’ont pas tardé à publier des textes et brochures en RG. Paradoxalement, en 1991-1992, certains milieux romanches s’y opposèrent par une pétition. Mais un sondage effectué en 1994-1995 montra que la majorité des Romanches soutenait le principe d’une koïnè unique, et qu‘une majorité à l’intérieur de cette majorité préférait le RG. En 1996, le peuple grison et le peuple suisse approuvèrent une révision de la constitution fédérale faisant du romanche une langue partiellement officielle des autorités fédérales dans leurs rapports avec les citoyens romanches. Il était clair qu’elles ne pourraient se servir que d’une seule variété de romanche, justement le RG. Cette révision constitutionnelle ne fut donc possible que grâce à l’existence du RG. Le canton des Grisons ne tarda pas à déclarer le RG seule forme officielle de romanche, étant bien entendu que les citoyens pouvaient employer celle qu’ils voulaient. Depuis 1997, il existe un journal romanche, "La Quotidiana", qui sort cinq fois par semaine, du lundi au vendredi. Il est lu surtout en Surselva et n’est pas parvenu à s’implanter en Engadine, où l’on préfère un journal local en allemand qui sort trois fois par semaine avec deux ou trois pages romanches. "La Quotidiana" publie des articles aussi bien en RG que dans les cinq variétés régionales. Elle a certainement contribué à familiariser le public sursilvain avec elles et avec le RG.
Perspectives incertaines.
En 2003 arriva un malheur dû à un défaut de notre système politique: l’abondance des matières que le parlement cantonal, faute de temps, doit décider à la va-vite. L’administration cantonale avait élaboré un paquet de plus de cent réformes visant à faire des économies. Le parlement le vota sans la moindre opposition. Or, l’une de ces mesures prévoit que le canton ne publiera plus de manuels scolaires dans les variétés régionales romanches, mais seulement en RG. Il y eut des protestations indignées, mais dans un sens constructif: l’on exigea du gouvernement cantonal qu’il élabore un calendrier précis pour l’introduction progressive du RG à l’école. Le gouvernement s’exécuta. Le calendrier prévoit de commencer par des groupes de communes pilotes volontaires. Toute une vallée de 6 communes et quelque 1700 habitants s’est déjà déclarée volontaire: le val Müstair, très isolé du reste, orienté vers la vallée de l’Adige dans le Tyrol du sud. L‘on attend une décision semblable du territoire surmiran, où le romanche régional, élaboré au siècle dernier, n’est pas enraciné très profondément; la plupart des communes s’y sont prononcées en faveur du RG. Il est donc probable qu’on l'introduira peu à peu dans les écoles concernées. Des communes de Surselva ont déjà annoncé leur intérêt. En Engadine, en revanche, le RG est moins répandu, puisqu’on n’y lit guère "La Quotidiana". Nous avons vu que ses deux variétés régionales jouissent d’un certain prestige, dû à leur usage liturgique remontant au XVIe siècle. Mais presque tous les villages de Haute-Engadine sont germanisés; le romanche n’y vit plus guère qu’à l’école. Or, plusieurs communes d’Engadine envisagent une action judiciaire commune mettant en question le droit du canton de ne plus éditer de manuel scolaire en romanche régional. Cette histoire de fous montre à quel point des facteurs irrationnels peuvent entraver une opération de planification linguistique destinée à renforcer une langue menacée. Le RG a encore des chances solides. Mais, s’il devait échouer par la faute des intéressés, ce serait une illustration du proverbe latin: "Quos vult perdere Iuppiter dementat – Dieu rend fous ceux dont il veut la perte."
G. S.-C.