Un chalet trapu, sis à l'adret du vallon,
Un balcon de dentelle, des murs blanchis de chaux,
Le toit débordant et couvert de tavaillons
Protégeant l'immense fenil de couënnaux,
C'est ça mon pays!
Les sombres sapins qui semblent donner l'assaut
Aux verts alpages émaillés de fleurs parfumées,
Les rochers crénelés qui veulent monter si haut
Que leurs sommets de neige sont tous saupoudrés,
C'est ça mon pays!
Des gentianes faisant la cour aux renoncules,
Un lis martagon au bord d'un raide sentier,
La menthe odorante, la campanule,
L'edelweiss velouté accroché au rocher,
C'est ça mon pays!
De rudes paysans, tenaces et travailleurs,
Taciturnes mais attachants, si l'on insiste,
Des guides qui d'eux-mêmes donnent le meilleur
Pour que sain et sauf revienne l'alpiniste,
C'est ça mon pays!
Des lacs verts ou bleus, calmes ou bien coléreux,
Où se mirent les rocs, les sapins ou les voiles,
Accueillent en leurs eaux l'aboutissement heureux
Des torrents fatigués par leur course folle,
C'est ça mon pays!
Les solides pêcheurs, de nuit, par tous les temps,
Hiver comme été, vont lever leurs lourds filets;
Ils n'hésitent pas à secourir l'imprudent,
N'attendant aucun remerciement: "il fallait".
C'est ça mon pays!
Du Léman au Mont-Blanc, du Rhône en Italie,
D'Évian à Chambéry, de Seyssel à Chamonix,
Du blanc, du bleu, du vert, le rouge des armoiries,
De la plaine à la montagne, tout est harmonie.
C'est tout ça mon pays.
La Savoie autrement dit.
Robert Schuler. 1976.