Aux Savoyards on fait procès
D'employer le mot "étranger"
Pour désigner les Français.
La raison: Larousse peut la donner.
On lira au mot "étranger":
"Qui n'est pas de la même nation".
C'est clair, on ne peut le nier,
C'est l'exacte définition.
Il y a un siècle en arrière
Nous n'étions pas encore français
Et pour séparer les terres
Oui! une frontière existait.
Une habitude étant prise
Ne se perd pas facilement.
Chicanerie n'est pas de mise:
Soyez plutôt indulgents!
Il ne nous paraît pas insultant
D'appeler du nom d'étranger
Celui qui l'était récemment:
Il n'a pas à se vexer.
Vous qui venez en ce Pays
Pour vos loisirs ou travailler,
Des habitants faites-en vos amis:
Vous ne sauriez le regretter.
Le Savoyard n'est pas liant,
Évidemment c'est bien connu.
Si vous voulez qu'il soit causant,
Oubliez vos idées reçues.
Ne prenez pas le Savoyard
Pour un débile, un arriéré.
Il possédait son étendard
Avant que le vôtre fût créé.
Parlez-lui d'égal à égal:
Il ne vous est pas inférieur,
Il est sur son sol natal,
Et le vôtre n'est pas meilleur.
Alors prenez-le tel qu'il est,
Ses défauts et ses qualités.
Si parfois vous vous invitez
Dans une maison inconnue,
Il faut frapper avant d'entrer,
Ne pas croire que tout vous est dû.
Ne faites pas de tapage,
Marchez sur la pointe des pieds.
Soyez discrets, c'est bien plus sage:
Vous serez mieux considérés.
À votre langue, vous le savez,
De tout temps la sienne fut même
Et vous entendre, vous le pouvez:
Ne lui jetez pas l'anathème.
Si vous êtes assez tolérant,
Vos efforts de compréhension
Aboutiront parfaitement:
De son amitié vous fera don.
Mais si vous lui manquez d'égards
Et vous conduisez en goujat,
Il faut préparer le départ:
Filez! on ne vous retient pas!
Robert Schuler. 1976.