Savoyards, êtes-vous conscients de votre perte?
Laissez-vous à l'abandon vos alpages
Ces montagnes savoureuses d'herbe verte
Ces chalets aux toits de tavaillons éventés?
Que diront vos enfants, devenus citadins,
Qui auront tout à reconstruire en revenant?
Paysans, soyez sûrs, leur retour est prochain.
Ils reviendront, ils reviendront vos enfants.
Mais oui, de la ville ils reviendront, vos enfants.
Que diront-ils en voyant le pêle embaranné,
Le disque d'or de l'horloge figé et terni,
La crédence avec sa vaisselle mutilée,
La cheminée laissant pleuvoir sur le fornè?
À la porte du beu le ciselin rouillé
Qui a perdu l'odeur du bon lait parfumé
Qui a oublié la musique des potets
Regarde tristement le bachal étiafé.
Le croesu poussiéreux, le corti enrouellé,
Le cofi fendu, le c'macle tout édenté,
Le fasoré démanché, le breugue ébouellé
Resserviront un jour, un jour ensoleillé.
Paysans, quand vos enfants lassés de la ville
Penseront qu'il est grand temps de lui dire non,
Alors joyeux ils retrouveront la famille.
Paysans, tenez bon, vos enfants reviendront!
Robert Schuler. 1976.