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N° 19
novembre 2006
Savoie, nation européenne.
11e. Congrès de la Ligue savoisienne.
Nouvelles plaques auto en 2008? Les Régions se préparent.
Alors c'est la fin du monde?
Alderdi Eguna 2006: le jour du Parti National Basque.
La belle-fille du cordonnier n'est pas la plus mal chaussée.
La vallée de l’Arve mobilisée sur le traitement responsable des déchets.
Rhône-Alpes ne veut pas d'échangeurs autoroutiers à Passy et Sallanches.
Chronopost remplace l’avion par le camion.
Maladie de Parkinson et pesticides.
Foire d’automne à Saint-Gervais.
Le Savoisien a aimé...
Le Savoisien a moins aimé...
Bloc-notes.
L'éboulement de Passy en 1751.
Bataille de reines.
Les Suisses, Genève et la Savoie, (1e partie).
Libérer sa voie ?
Un regard neuf sur les Hauts-Savoyards pendant la Seconde guerre mondiale.
Une Histoire de Bretagne en livre de poche.
 
 
 
Éditorial
Savoie, nation européenne.
Nos ancêtres les Allobroges furent vaincus deux fois par les légions romaines, menées par Domitius Ahenobarbus en 122 avant Jésus-Christ et par Fabius Maximus en 121. Leur territoire, qui comprenait la Savoie actuelle, fut incorporé à l'empire romain et les Allobroges bénéficièrent du statut de nation alliée, avec une ambassade à Rome.
Nos ancêtres les Burgondes se sont installés en Savoie en 443 après Jésus-Christ, en tant qu'alliés des Romains, à l'invitation du général romain Aetius. Leur capitale était Genève. Ils venaient de Norvège, ils avaient vécu longtemps dans la Pologne actuelle, puis dans la vallée du Rhin (Worms fut leur capitale) et ils se romanisèrent rapidement.
Peu après l'an mil, le comte Humbert aux Blanches Mains prend le parti de l'empereur romain germanique Conrad et fonde une dynastie (dont les héritiers actuels connaissent quelques déboires).
En 1416, le comte Amédée VIII règne sur la Savoie mais aussi sur la Bresse, le Bugey, l'actuelle Suisse romande, le Val d'Aoste, le Piémont et Nice. Il devient Duc, c'est-à-dire Prince du Saint Empire. Le roi de France était alors bien faible, il venait de perdre la bataille d'Azincourt (1415) contre les Anglais, qui occupaient tout le territoire au nord de la Loire, y compris Paris.
Au cours des siècles suivants, la Savoie resta une terre d'Empire, victime de huit agressions successives de la France, qui soumettait à sa violence la Bourgogne, la Bretagne, la Lorraine, l'Occitanie, la Flandre, la Franche-Comté, l'Alsace, le Pays Basque et la Corse. La Savoie ne dut son salut qu'à l'Empire, puis à l'Autriche des Habsbourg, héritière de l'Empire. En 1860 encore, les puissances européennes s'inquiétèrent de la volonté de conquête de Napoléon III, mais trop mollement: l'empereur des Français ne fut vaincu que onze ans plus tard, par les Prussiens.
Pour attaquer et détruire l'Empire (le Saint Empire romain germanique, préfiguration d'une Europe fédérale) les rois de France n'hésitèrent jamais à faire alliance avec les Turcs. Cette politique anti-européenne se poursuit de nos jours sous la forme de relations étroites avec la Turquie, l'Iran, les pays arabes et la Russie.
Déjouant les plans généreux du président américain Woodrow Wilson, la France de Clémenceau parvint à humilier l'Allemagne (préparant ainsi l'arrivée au pouvoir d'Hitler) et à détruire l'empire austro-hongrois. Jusqu'à la fin du 20e siècle, la France a soutenu la Serbie dans sa volonté d'hégémonie sur les Balkans, avec la complicité de la Russie.
La politique anti-européenne de la France fut constante à travers l'histoire, à l'exception de la brève période qui vit Jean Monnet et Robert Schuman construire les bases de l'Europe que nous connaissons.
Si aujourd'hui la Savoie veut retrouver sa place en Europe, son rang "au banquet des nations" comme l'écrivait le chanoine Martinet en 1848, la politique de la Savoie ne peut être qu'européenne, et donc anti-française.
Il est heureux que la Ligue savoisienne se soit prononcée, en 2004, pour l'adoption du projet de Constitution pour l'Europe, tout en excluant la candidature de la Turquie à l'adhésion. Et il demeure nécessaire que les Savoisiens s'opposent, calmement mais fermement, à toutes les tentatives d'islamisation de l'Europe, de même qu'à tout "patriotisme" français intempestif.
L'Europe actuelle est dans un état politique pitoyable, et il est aisé de la critiquer. N'oublions pas, toutefois, que la France est la principale responsable des travers actuels. Les critiques françaises, franco-françaises et anti-européennes, sont irrecevables pour les Savoisiens: une Europe construite sur le modèle français serait un enfer pour les peuples de notre continent!
Patrice Abeille.
 
 
 
 
11e. Congrès de la Ligue savoisienne.
 
Samedi 4 et dimanche 5 novembre 2006
à Saint-Gervais, Espace Mont-Blanc:
 
Le Congrès est ouvert au public et à la presse.
Programme:
Samedi 4 novembre 2006
9h Accueil par Jean-Marc Peillex, maire de Saint-Gervais.
9h15 La Savoie a-t-elle un avenir industriel?
10h30 La Justice française: une menace pour nos libertés.
12h "2007: le candidat de la Province" rencontre avec Jean-Philippe Allenbach.
13h45 Courte présentation du centre de Saint-Gervais, par Jean-Paul Gay, Guide du patrimoine.
14h30 Accueil par Gilles Rosset, chancelier du Faucigny.
14h45 Délibérations statutaires: rapports, débats, votes et désignations.
Débat sur les orientations de la Ligue savoisienne en 2007.
18h30 Présentation des candidats savoisiens aux législatives de 2007.
19h Remise de la dernière plaque d'immatriculation savoisienne.
20h Réception et Souper en l'honneur de nos invités (sur réservation).
 
Dimanche 5 novembre 2006
9h Les patrimoines privés ont-ils un avenir? (en France, en Europe, en Savoie).
10h30 L'indépendance du Monténégro: un espoir pour la Savoie?
12h Discours de clôture du Congrès.
12h45 Chant des Allobroges.
13h Banquet de clôture du Onzième Congrès (sur réservation).
 
 
 
 
 
 
Nouvelles plaques auto en 2008? Les Régions se préparent.
La réforme du Système d’immatriculation des véhicules (SIV), annoncée en 2003, prévoit qu’à compter du 1er janvier 2008, chaque véhicule aura la même plaque pendant toute sa durée de vie.
Quel que soit son lieu de résidence, le propriétaire du véhicule pourra personnaliser la plaque en y faisant figurer l’emblème d’une région ainsi que le numéro d’un département, deux informations facultatives inscrites dans la bordure droite du support.
Le jeudi 28 septembre, les élus de l’Assemblée de Corse ont choisi à l’unanimité et sans débat la tête de Maure pour figurer dès 2007 sur les nouvelles plaques d’immatriculation des véhicules si les propriétaires le souhaitent.
Le vendredi 13 octobre, le Conseil régional de la Bretagne administrative a retenu le drapeau breton (le "gwen-a-du") pour les nouvelles plaques d’immatriculation . Reste la question de la Loire-Atlantique, département qui reste incorporé dans la Région Pays de Loire.
Le MRS (Mouvement Région Savoie) a demandé à l'Assemblée (des pays) de Savoie de choisir la croix blanche sur fond rouge pour les plaques des véhicules des deux départements savoyards. Il n'y a pas eu de réponse. Mais en 2007 la question va se poser avec plus de force: les autos de Savoie ne se signaleront-elles que par le logo "rhône-alpes"?
La Ligue savoisienne ne fabrique plus de plaques d'immatriculation spécifiques à la Savoie, mais distribue des autocollants permettant de personnaliser les plaques.
 
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la future plaque d'immatriculation bretonne.
 
 
 
 
 
 
 
 
Alors c'est la fin du monde?
 
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Jean-Marc Jancovici lit Le Savoisien.
 
Jean-Marc Jancovici n'a pas raté son coup, pour une brève visite à Annecy le 19 octobre. L'ingénieur polytechnicien, qui s'est spécialisé dans la bonne vulgarisation des connaissances sur le dérèglement climatique et la problématique de l'énergie, était invité à donner une conférence par le Cercle humaniste 74, "Club de réflexion de l'UDF Haute-Savoie".
Devant 150 personnes attentives, tenues en haleine pendant plus de deux heures, Jancovici a développé les thèmes qui lui sont familiers et qui commencent à peine à se diffuser dans le grand public. Impossible de condenser une présentation aussi dense, on peut seulement retenir quelques points.
"On est foutu, on mange trop", chantait Carlos. Selon Jancovici, on mange surtout trop de viande, car les animaux d'élevage consomment trop de végétaux (produits grâce au pétrole: carburants, engrais, transports) et dégagent énormément de méthane, gaz à effet de serre. Le prix de l'énergie est ridiculement bas, ainsi un pauvre d'aujourd'hui est bien plus "riche" qu'un paysan européen moyen du 17e siècle. Le débat sur les causes du réchauffement au 20e siècle est secondaire par rapport à la certitude de l'accélération du réchauffement au 21e siècle. Ne pas confondre météo et climat: à moins 5° de température moyenne, on avait les mammouths en France et les océans avaient baissé de 150 mètres. Avec plus 5° c'est la désertification, l'expansion des maladies, à moins que l'interruption du Gulf Stream ne nous renvoie à un hiver arctique, et un tas d'autres catastrophes imprévisibles. Il est mathématiquement impossible de développer les énergies renouvelables assez vite pour remplacer les énergies fossiles avant leur épuisement. Les générations présentes (sans attendre les générations futures) vont faire l'expérience, certainement douloureuse, de la rareté de l'énergie et du dérèglement climatique. Le découplage entre croissance économique (chiffrée en monnaie) et augmentation des émissions de gaz (donc de consommation d'énergie fossile) est possible en théorie mais n'a encore jamais été observée dans l'histoire. Une seule solution reste donc envisageable pour tenter d'éviter la catastrophe: pour le Français moyen d'aujourd'hui, diviser rapidement par 4 ses consommations d'énergie fossile, et par 8 dans l'hypothèse d'une planète peuplée de 9 milliards d'humains...
Vers la fin de l'exposé, un auditeur fut saisi d'une telle angoisse qu'il s'exclama: "Alors c'est la fin du monde?"
Jean-Marc Jancovici saisit la balle au bond et répliqua sans se démonter, avec un aplomb mathématique: "Non, en tout cas ce n'est pas la fin de l'espèce humaine, qui est plutôt résistante, mais le nombre de la population mondiale ne va certainement pas rester aussi grand. L'espèce humaine a survécu à la peste noire en diminuant de moitié sa population".
Jancovici pense que nous avons peut-être dépassé le moment où il est encore possible d'inverser la course à la catastrophe, et qu'en tout cas ce moment sera certainement dépassé dans les dix ans qui viennent. Il travaille avec Nicolas Hulot pour alerter le monde politique.
On attend donc le candidat qui sera assez kamikaze pour se présenter avec un programme environnemental compatible avec les connaissances actuelles...
site internet de Jean-Marc Jancovici: www.manicore.com
 
 
 
 
 
 
 
Alderdi Eguna 2006: le jour du Parti National Basque.
La Ligue Savoisienne et le Mouvement Région Savoie étaient tous deux présents le 24 septembre pour l’événement qu’est chaque année l’Alderdi Eguna à Foronda, près de Vitoria, la capitale de la Communauté autonome basque qu’on appelle couramment le Pays Basque sud ou Euskadi en langue basque.
C’est un événement d’abord par la foule immense des participants : près de 100.000 personnes, c’est à dire un peu moins que d’habitude à cause du vent et de la pluie…
C’est un événement par la présence de délégations venues de toutes les communautés de la diaspora basque dans le monde et de celles des partis ou mouvements qui soutiennent par leur présence la marche du Pays basque de l’autonomie vers l’indépendance. Outre les deux principaux mouvements savoisiens on y remarquait la présence de nos amis catalans du Bloc Catala, du Parti Breton, du Parti Nationaliste Corse et de l’Union Démocratique Bretonne.
C’est un événement enfin par la présence de Juan José Ibarretxe, Président de la Communauté Autonome Basque, et celle de Josu Jon Imaz, Président du Parti. Dans son discours, le Président Ibarretxe a souligné la fragilité du lien entre l’Euskadi et l’Espagne, qui ne peut reposer que sur la volonté réciproque du peuple basque et du peuple espagnol, tandis que le Président Imaz faisait part de ses craintes d’une réactivation de l’ETA et de ses conséquences sur les négociations en cours avec le gouvernement espagnol.
Dans le car qui nous ramenait vers Baiona avec la délégation du PNB du Pays Basque Nord, Ramuntxo Camblong, Président, et Philippe Duluc, responsable du Parti, nous donnèrent toutes les informations nécessaires pour que nous comprenions comment le Parti National Basque fonctionne de part et d’autre d’une frontière qui devrait disparaître le jour de la réunification du Pays Basque. Gora (Vive)! Gora Euskadi!
Pierre Ottin Pecchio.
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   Vue d'ensemble de l'Alderdi Eguna.    Ibarretxe et Imaz: profils de présidents.
 
 
 
 
 
La belle-fille du cordonnier n'est pas la plus mal chaussée.
"C'est ce qui s'appelle un pantouflage cousu d'or": tel est le jugement du journaliste Arnaud Bouillin dans le magazine Capital (n°181, octobre 2006) sur la reconversion professionnelle de madame Gaymard. "Un job à 1,5 million d'euros par an, selon les chasseurs de têtes interrogés par Capital". Clara Gaymard vient en effet de quitter la direction de l'AFII (Agence Française des Investissements Internationaux) où elle avait le rang d'ambassadeur, pour prendre la tête de la filiale française de la multinationale General Electric. Elle remplace ainsi un patron qu'elle a connu au conseil d'administration de l'AFII (Capital parle de "coïncidence"...) et multiplie sa rémunération par dix.
Madame Gaymard, dont l'époux Hervé est un modeste fils de cordonnier de Bourg Saint-Maurice, n'aura donc pas froid aux pieds l'hiver prochain.
L'article de Capital met en doute l'utilité réelle de l'Agence que madame Gaymard a dirigée pendant 3 ans. Les résultats sont en baisse (- 23% d'investissements étrangers en France en 3 ans, + 35% pour le budget de l'AFII) mais ne dépendent pas que du travail accompli. Ce qui est certain, c'est que "l'agence Gaymard" n'avait pas misé sur la modestie de ses moyens. Elle avait choisi pour siège, jusqu'en mars dernier, un magnifique hôtel particulier du 8e arrondissement de Paris, dont le loyer s'élevait à 1,3 million d'euros par an. C'est dans le même arrondissement que Clara avait trouvé un beau duplex de 600 mètres carrés pour sa famille nombreuse, aux frais du ministère des Finances. Elle aurait ainsi pu aller à pied au bureau, économisant l'énergie fossile et contribuant à réduire la pollution. Hélas, la persécution médiatique a tout gâché, et il a fallu recommencer à gaspiller dans les limousines avec chauffeur...
En tout cas Hervé Gaymard peut se rassurer: s'il ne retrouve pas son siège de député et si son traitement de fonctionnaire à Bercy ne suffit pas à nourrir les gosses, Clara pourra faire bouillir la marmite.
 
 
 
 
 
La vallée de l’Arve mobilisée sur le traitement responsable des déchets.
Les efforts de quatre associations et l’appui de la FRAPNA ont permis la réunion à la mairie de Cluses d’une assistance nombreuse pour la conférence donnée par M. Dany Dietmann le 12 octobre.
M. Dietmann est biologiste, et maire d’une petite commune alsacienne qui côtoie une énorme décharge à ciel ouvert. Comme lui-même, ses administrés sont donc sensibilisés depuis longtemps à des nuisances, ce qui leur a permis de conduire depuis 1991 une expérience exemplaire pour le tri, la collecte et le traitement des déchets.
Tout commence par le tri à domicile qui permet de séparer facilement, dès l’origine, ce qui ne peut plus l’être que difficilement et coûteusement ensuite. La collecte séparée des produits triés permet par la pesée des poubelles de ne faire payer à chaque ménage que le traitement de ce qu’il jette. Le traitement consiste à valoriser tout ce qui a une valeur et à n’incinérer ou mettre en décharge que le minimum. Tout comme Arnold Schwartzenegger, gouverneur de l’État de Californie, Dany Dietmann recycle à 80% tandis que l’État français (et la vallée de l’Arve) plafonne à un très médiocre 20%.
Cette priorité au tri est devenue une nécessité impérieuse pour réduire du même coup le coût et la pollution: jusqu’en 2000 on se croyait dans une société d’abondance où l’on pouvait gaspiller des produits, par exemple en les brûlant dans des incinérateurs; depuis 2002 on a compris qu’on vivait dans une société de pénurie où il faut réutiliser et récupérer tout ce qui peut l’être. Pourquoi brûler du plastique quand il peut servir à fabriquer du pétrole, comme cela se fait déjà en Allemagne?
Du coup, il n’y a plus de déchets! Ce sont des "matières secondaires" qui prendront de plus en plus de valeur au fur et à mesure de l’augmentation des matières premières qui se raréfient: le cours du plastique récupéré à partir des bouteilles en plastique est passé en six mois de 106 €/t à 191 €/t.
Du coup il y a moins de pollution par les incinérateurs dont l’activité est réduite de 60%, il y a réduction de l’effet de serre, et donc du réchauffement climatique. Il y a moins de pollution par les rejets dangereux des incinérateurs dans l’air, par les mâchefers et refioms dans les décharges.
Du coup les ménages font des économies car le bénéfice du recyclage se déduit des coûts de collecte et de traitement, eux-mêmes en diminution.
Moins de pollution et moins de dépenses inutiles: voilà le message de M. Dietmann à Cluses. "Trier c’est économiser la matière plutôt que de payer pour la détruire".
Souhaitons que ce message ait été reçu 5/5 par M. Martial Saddier, député-maire de Bonneville, ainsi que par M. Raymond Mudry, Conseiller général, maire de Marignier et Président du Sivom qui gère l’incinérateur de Cluses-Marignier. Ils avaient la chance d’être présents au milieu de 150 à 200 habitants de la vallée de l’Arve qui, eux, n’oublieront pas la leçon du Professeur Dietmann.
USCP, site internet http://uscp.savoie.free.fr
 
 
 
 
 
 
Rhône-Alpes ne veut pas d'échangeurs autoroutiers à Passy et Sallanches.
Les élus UDF du Conseil régional nous apprennent qu'un dossier a été retiré le 12 octobre, par l'exécutif, de l'ordre du jour de la Commission permanente (qui vote les crédits). Il s'agit du subventionnement régional de deux nouveaux échangeurs autoroutiers, à Sallanches et à Passy, dans le Faucigny.
Le Conseiller régional Éric Fournier s'insurge contre ce retrait: "Cette décision est consternante (...) ce sont les habitants de la vallée de l'Arve qui en font les frais, alors que ces deux équipements ont vocation à désengorger les axes routiers traversant les communes de Sallanches et Passy". Fournier signale que ces deux nouveaux échangeurs seraient gratuits et faciliteraient l'accès à l'hôpital de Sallanches; qu'ils désengorgeraient la route nationale et permettraient ainsi d'éviter des déviations sur celle-ci. Si la Région ne revient pas sur son retrait, il manquera 3,8 millions d'euros pour réaliser les travaux. Il ne resterait alors plus qu'une solution à Fournier (à part le suicide, interdit par la religion catholique): adhérer à la Ligue savoisienne.
 
 
 
 
 
 
 
 
Chronopost remplace l’avion par le camion.
Depuis l’augmentation du prix du kérosène, l’avion coûte trop cher pour les colis. Chronopost va réduire à 5% (au lieu de 20% en 2006) la part de l’avion au profit du camion, qui coûte de 7 à 8 fois moins cher au kilomètre et pollue 40% de moins. Et le train, qui pollue encore beaucoup moins? Ce sera à l’étude sur le TGV entre Paris et Mâcon dès la fin de l’année... En attendant le Lyon-Turin?
 
 
 
 
 
 
 
Maladie de Parkinson et pesticides.
Comment la dégradation de l’environnement met-elle en péril notre santé? Une nouvelle preuve vient d’être reconnue officiellement en France pour la maladie de Parkinson, ou "paralysie agitante" qui cause des tremblements des mains et de la tête accompagnés de graves troubles moteurs. Le tribunal des affaires sociales de Bourges vient de reconnaître en septembre dernier cette maladie comme maladie professionnelle pour un ancien ouvrier agricole ayant manipulé des pesticides. Plusieurs études concordantes, dont la plus récente a été menée par l’école de santé publique de Harvard (USA), attribuent aux pesticides une augmentation de 70% du risque d’avoir une maladie de Parkinson. Probablement chez des personnes prédisposées génétiquement selon le Professeur Yves Agid, chef du service de neurologie à l’hôpital Pitié-Salpétrière (Paris).
USCP, site internet http://uscp.savoie.free.fr
 
 
 
 
 
 
 
Foire d’automne à Saint-Gervais.
Sous un chaud soleil, les Faucignerands se pressent en nombre autour des stands dont celui de l’association L'Adret, bien en vue sur la place devant l’église. Beaucoup d’adhérents ou de sympathisants savoisiens passent pour dire bonjour ou s’approvisionner en matériel, mais pour le chancelier Gilles Rosset le plus intéressant est que davantage de gens qui restaient extérieurs se décident à prendre contact, voire à proposer d’en reparler à la maison! Une belle journée et une bonne journée que ce beau dimanche du 15 octobre!
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Le Savoisien a aimé...
... les initiatives de Jean-Claude Fert, maire d'Yvoire, pour organiser les évènements marquant le 700e anniversaire du village d'Yvoire (Chablais).
Un site internet magnifique (http://yvoire.free.fr) donne un aperçu, agrémenté de nombreuses photos, d'une année riche en évènements. Nous avons particulièrement aimé:
- la Maison de l'histoire et du patrimoine,
- le colloque des 1 et 2 avril sur la langue francoprovençale,
- les concerts (notamment de l'orchestre des Pays de Savoie) sur l'esplanade du port,
- les spectacles de théâtre,
- les nombreuses fêtes.
L'année du 700e anniversaire s'achèvera par la Fête des Manants, dans la nuit du 31 décembre au premier janvier.
 
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Le Savoisien a moins aimé...
... la lettre de Michel Bouvard à Patrice Abeille (du 31 juillet 2006) en réponse à une interpellation du 29 mai sur les cérémonies prévues en l'honneur du général Dumas.
Le député Bouvard a prudemment attendu que les évènements controversés ne soient plus d'actualité, et il écrit: "Je n'ai pas à me prononcer sur le choix d'ériger une stèle commémorative au Petit St Bernard. (...) L'appartenance de la Savoie à la République ne doit pas faire oublier les excès de l'annexion de 1792, dans une Savoie qui était en avance sur son temps au niveau de l'organisation de l'État".
C'est justement pourquoi le député Bouvard avait à se prononcer sur le choix de l'ex-député Gaymard. Il ne lui a manqué qu'un peu de courage...
 
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La plaque commémorative (contemplée par Caveri, Donnedieu, le préfet et Gaymard le 24 juin 2006) a été démontée et renvoyée à la FACIM à Chambéry pour correction de la faute d'orthographe relevée par Le Savoisien...
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
L'éboulement de Passy en 1751.
photos AP:
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  Une partie de cette falaise s'est effondrée en 1751       Restes de l'éboulement sur la rive du Lac Vert     
 
 
Cet article s'appuie sur le premier numéro de la revue Vatusium, grâce à l'aimable autorisation de monsieur Pierre Dupraz, président de l'association Culture, Histoire et Patrimoine de Passy (Faucigny), que nous remercions.
En 1751, à partir du 31 juillet, la commune de Passy, dans la haute vallée de l'Arve en Faucigny, connut un éboulement considérable: environ 60 millions de mètres cubes de rochers se détachèrent des falaises qui dominent la vallée au nord et bordent le désert de Platé. L'éboulement dura plusieurs jours et dégagea une telle poussière que le ciel en fut obscurci et que les habitants crurent qu'un volcan se formait dans la montagne, et même que la fin du monde était proche.
On voit encore distinctement, aux abords du Lac Vert, les restes de cet éboulement gigantesque, comme le montre la photo que nous publions.
Le roi de Sardaigne, à Turin, envoya sur place un naturaliste, le docteur Vitaliano Donati, pour analyser le phénomène.
Voici un extrait de son rapport du 9 septembre 1751:
 
Mardi 31 du précédent mois de juillet, à deux heures de l'après-midi, sans avoir entendu aux environs aucun tonnerre, tremblement de terre ou autre signe semblable, s'écroula de façon tout à fait imprévue la roche ouverte des Lacs et sans nulle autre raison, à ce que je crois, que pour avoir perdu son propre centre de gravité; elle se précipita en de gros blocs sur la plaine de Plenejoux (Plaine-Joux), placée en contrebas, où elle ensevelit cinq maisons d'alpage ou granges appartenant à Joseph et François Daigue, Aimé Collubrier, Pierre Béguin, Michel Desroch, tous du pays de Passy. Là, enterrés sous les ruines, périrent misérablement Marie Curral femme de Guillaume Trappier, enceinte, avec un jeune fils, Nicolarde fille de Pierre Duperray, deux fils de Claude Collubrier et la fille de Bernardin Gex, tous les six de Passy. En outre, avec les personnes, furent ensevelies vingt-et-une bêtes bovines entre vaches et génisses, un mulet et cinq brebis. Le mulet et une vache appartenaient à Guillaume Trappier, deux génisses à Pierre Collubrier, deux vaches à Pierre Trappier, huit vaches ou génisses à Joseph Curral, six vaches ou génisses à Joseph Chavouen, une génisse à Claude Freppaz et les cinq brebis à la veuve de Pierre Collubrier. Furent déracinés et couverts par les ruines environ trois mille plants de sapins.
(...)
On retrouve la Roche des Lacs un peu plus haute en son sommet sur le versant du midi puis elle s'abaisse du côté de Sixt où une partie de la montagne dite de Sales se trouve formée par un bloc d'ardoise de couches verticales tout à fait désunies. Celui-ci a la largeur de cinq toises et une longueur qui, sur le versant de tramontane, est d'un mille; il se termine à la grande fissure (...) avec pour confins en sa partie mineure la Roche des Lacs et en sa partie majeure le Grand Ayer.
On retrouve dans le même lieu trois lacs desquels la Roche des Lacs a pris son nom, séparés l'un de l'autre par 60 toises (163 mètres) tous trois distants de la Roche qui s'éboule en ce moment de 190 toises (516 mètres). Le plus grand peut avoir une circonférence de 150 toises (407 mètres) les deux autres moindres de moitié, et tous les trois sont en contrebas de la Roche qui s'éboule de 120 toises (316 mètres). De tels lacs grossissent beaucoup au moment de la fonte des neiges, puis se déversant vers la paroisse de Sixt toutes les eaux se perdent au milieu des fissures à la distance d'environ 4 toises du côté de Plaine-Joux et du Petit Ayer.
Le Docteur Vitaliano Donati donna une idée succincte à un de ses amis de cette catastrophe humaine et matérielle dans une lettre datée du 15 octobre 1751 dont Horace Bénédict de Saussure possède l'original et propose la traduction dans son "Voyage dans les Alpes":
 
Mon très cher Ami,
Je partis de Turin le 16 juillet et n'y suis revenu que depuis peu de jours. J'étais dans le Val d'Aoste, et j'espérais de pouvoir me trouver à Venise en septembre et en octobre. Mais il me fallut retourner en arrière, et faire dans les montagnes un tour d'environ 250 lieues(1), pour aller, suivant l'ordre que je reçus de Sa Majesté, observer le prétendu nouveau volcan. Je vous avoue que, bien que je doutasse de la vérité du fait, cependant espérant de me tromper, j'accourus avec un extrême plaisir pour observer un phénomène si extraordinaire. Après avoir marché quatre jours et deux nuits sans m'arrêter, je me suis trouvé en face d'une montagne toute environnée de fumée, de laquelle se détachaient continuellement, de jour et de nuit, de grandes masses de pierres, avec un bruit parfaitement semblable à celui du tonnerre ou d'une grande batterie de canons, mais beaucoup plus fort encore. Les paysans s'étaient tous retirés du voisinage, et n'osaient voir ces éboulements que de la distance de deux milles (3,7 km), et même de plus loin. Toutes les campagnes voisines étaient couvertes d'une poussière très ressemblante à de la cendre; et en quelques endroits, cette poussière avait été transportée, par les vents, à la distance de cinq lieues. Tous disaient avoir vu de temps à autre une fumée qui était rouge pendant le jour et qui, pendant la nuit, était accompagnée de flammes. L'ensemble de ces observations faisait croire à tout le monde qu'indubitablement il s'était ouvert là un volcan. Pour moi, j'examinai la prétendue cendre, et je ne trouvai qu'une poussière composée de marbres pilés; j'observai attentivement la fumée, et je ne vis point de flammes, je ne sentis aucune odeur de soufre; les fonds des courants et des fontaines que j'examinai avec soin ne me présentèrent absolument aucun indice de matière sulfureuse. Persuadé, d'après ces recherches, qu'il n'y avait là aucune solfatare enflammée, j'entrai dans la fumée; et quoique seul et sans aucune escorte, je me transportai au bord de l'abîme. Je vis là une grande roche et me transportai sur le bord qui se précipitait dans cet abîme; j'observai que la fumée n'était autre chose qu'une poussière élevée par la chute des pierres. Je recherchai et je trouvai alors la cause de la chute de ces rochers. Je vis qu'une grande partie de la montagne située au-dessous de celle qui s'éboulait, était composée de terres et de pierres non pas disposées en carrières ou par lits mais confusément entassées. Je reconnus par là qu'il s'était déjà fait dans la même montagne de semblables éboulements, à la suite desquels le grand rocher qui est tombé cette année était demeuré sans appui, et avec un surplomb considérable. Ce rocher était composé de bancs horizontaux, dont les deux plus bas étaient d'une ardoise ou pierre feuilletée, fragile et de peu de consistance; les deux bancs au-dessus de celui-ci étaient d'un marbre semblable à celui de Porto Venere, mais rempli de fentes transversales à ses couches. Le cinquième banc était tout composé d'ardoises à feuillets verticaux entièrement désunis et ce banc formait tout le pan supérieur de la montagne tombée.
Sur le même plan, il se trouvait trois lacs, dont les eaux pénétraient continuellement par le fentes des couches, les séparaient et décomposaient leurs supports. La neige qui, cette année, était tombée en Savoie en si grande abondance que de mémoire d'homme on n'en avait vu autant, ayant augmenté l'effort, toutes ces eaux réunies produisirent la chute de trois millions de toises cubes de rochers (2), volume qui seul suffirait pour former une grande montagne. Dans la relation que j'écrivis de la chute de cette montagne, et que j'envoyai à Sa Majesté avec un dessin de la montagne même, je rendis plus exactement compte de la cause et des effets de cet éboulement; et je prédis qu'il cesserait en peu de temps, comme il arriva en effet; et ce fut ainsi que j'anéantis ce volcan.
 
 
(1) Une lieue vaut environ 4 kilomètres et même dans certaines régions jusqu'à 7,7 km. Dans le même ouvrage, De Saussure dit qu'il y a une lieue et demie de Sallanches à Saint-Gervais. Ainsi il est difficile de comprendre comment compter 250 lieues d'Aoste à Passy. 25 conviendraient mieux.
(2) Ce chiffre semble concorder avec le premier figurant sur le rapport du Dr Donati du 9 septembre: 3 millions par 20 mètres cubes (valeur de la toise cubique) soit environ 60 millions de mètres cubes.
 
 
 
 
 
 
Bloc-notes.
 
Dimanche 29 octobre à Saint-Jean d'Aulps (Chablais)
Foire aux Moutons
Stand du Savoisien.
Samedi 4 novembre 2006 de 9h à 19h
et dimanche 5 novembre de 9h à 13h
à Saint-Gervais (Faucigny).
11e Congrès de la Ligue savoisienne.
Samedi 11 novembre à Seyssel (Genevois)
Foire de la Saint-Martin
Stand du Savoisien.
Samedi 18 novembre à Bons-en-Chablais
Foire aux Tripes
Stand du Savoisien.
 
 
 
 
 
 
Bataille de reines.
"L’air de l’automne a déjà soufflé sur la montagne, pour nos alpagistes sonne la fin de la campagne..." dit une chanson valdôtaine. C’est l’époque de la désalpe et le retour des troupeaux vers la vallée, le moment de désigner les reines. Il ne s’agit pas, bien entendu, de duels entre les quelques vestiges des royautés européennes, mais bel et bien de batailles de vaches, les plus beaux spécimens de la race d’Hérens. La vache d’Hérens est une bête caractéristique, en général noire, d’aspect massif, peu productive en lait.
Dans notre Savoie, il n’y a pas de culture de la bataille de vache comme dans le Valais ou la vallée d’Aoste voisins. L’engouement pour tout ce qui touche à nos bêtes à cornes est une réalité, pour preuve le succès des foires agricoles, mais la race suisse commence timidement à s’implanter dans nos alpages.
Les combats n’existent officiellement de notre côté du Mont-Blanc que depuis une vingtaine d’années et une poignée d’acharnés organise la rencontre chaque année, alternativement à Servoz, aux Houches, aux Contamines, à Argentière, à Vallorcine.
Les éleveurs de la vallée de Chamonix (et même de La Clusaz, Morillon, La Roche ou Saint-Jean de Sixt) sélectionnent les bêtes qu’ils vont engager dans le combat.
Cette année, c’était au tour de la commune de Servoz d’organiser les festivités autour d’une arène symbolique.
Il y a bien entendu plusieurs catégories selon le poids des animaux, et les combats s’enchaînent catégorie par catégorie. Sept ou huit duos de vaches se rencontrent simultanément pour une durée de quelques secondes ou de longues minutes, certaines se battant jusqu’à 15 minutes! Celles qui ont perdu trois luttes sont éliminées. Les rabatteurs règlent les combats.
L’annonce est faite au micro: "propriétaires, libérez le bétail"; les vaches sont détachées et musardent la plupart du temps, puis le déclic se fait et les cornes s’entrecroisent. Certaines resteront hors-jeu et seront priées de retourner au pré.
"Propriétaires, rattachez le bétail". Le combat est terminé. Il y a les éliminatoires puis les finales. La finale désigne la reine de la catégorie qui fait le tour de l’arène, toute fière, un bouquet entre les cornes.
Quelle fierté également pour l’éleveur de rentrer une reine à l’étable!
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, il n’y a ni sang ni violence dans ces combats et les amis des animaux peuvent être rassurés.
Cette année à Servoz, la Reine des reines s'appelait Berlin: tant pis pour ceux qui ne tournent leurs regards que vers Paris...
Pierre Borrel.
 
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Les Suisses, Genève et la Savoie, (1e partie).
par Thierry Mudry.
(D'après la conférence prononcée par Thierry Mudry à Doussard le 5 novembre 2005, lors du 10e Congrès de la Ligue savoisienne. Les sous-titres sont de la rédaction)
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Les relations entre la Savoie et la Confédération helvétique ont toujours été très contrastées.
Pendant longtemps, c'est l'hostilité qui a prévalu. Puis, à partir du 19e siècle, une réconciliation s'est instaurée et de nombreux patriotes savoisiens ont appris à considérer le fédéralisme suisse comme un modèle ou un recours.
 
Une longue hostilité.
Les Suisses, d'abord ennemis des Français, puis alliés à ceux-ci à partir de la "paix perpétuelle" de 1516, ont, en deux temps, arraché au Duché de Savoie une grande partie de ce qui constitue la Suisse romande d'aujourd'hui: le pays de Vaud, le Vieux Chablais (le Valais de langue romane) et Genève. Avec Genève, qui rejoint la Confédération en 1815, les relations sont plus ambiguës encore.
Genève fait indiscutablement partie de l'espace savoisien, d'un point de vue géopolitique et culturel. Au Moyen Âge, les Genevois aspiraient à s'émanciper de la tutelle de leur évêque pour accéder à un statut de commune souveraine. Ils y sont parvenus avec l'aide du comte de Savoie, qui à Genève comme dans nos hautes vallées soutenait contre les féodaux les mouvements populaires communalistes.
Mais, en adoptant la Réforme, et surtout en se transformant en cité refuge du protestantisme français, sous la houlette du Français Jean Calvin, Genève s'est séparée des États de Savoie, qu'elle avait rejoints. Nos ducs tentèrent à diverses reprises d'en reprendre le contrôle, mais en vain. D'ailleurs l'une de ces tentatives malheureuses, la fameuse Escalade de 1602, a fourni son hymne à la république de Genève.
 
Rétablissement de la paix et rapprochement.
La paix entre Genève et la Savoie fut instaurée par le traité de Saint-Julien en 1603 et n'a jamais été rompue depuis lors. En 1754 fut conclu le traité de Turin.
À l'époque de la Révolution française et de l'Empire, Genève et la Savoie furent annexées par la France, qui créa le département du Léman, dont la préfecture était à Genève et qui englobait la Savoie du nord.
Le souvenir de cette commune appartenance à une entité administrative et économique, et des bienfaits qui résultaient de cette union, explique l'attitude de la Savoie du nord au 19e siècle.
À trois reprises (en 1814-1815, en 1860, en 1870-1871) une partie très importante, majoritaire, des habitants de la Savoie du nord, a pris parti pour le rattachement à la Confédération helvétique, que Genève avait ralliée en qualité de canton.
À partir de 1815, la Confédération helvétique présente aux Savoisiens un nouveau visage. Elle cesse d'être l'ennemie de la Savoie dans la guerre de religion implacable qui opposa durant des siècles le catholicisme romain, dont la Savoie s'était faite le champion, au protestantisme. Cette guerre est désormais terminée. La Suisse ne constitue plus une menace pour l'intégrité territoriale du Duché.
À la veille de l'annexion, la Suisse devient même un modèle politique pour ceux qui veulent défendre l'indépendance et l'existence de la Savoie contre les menées françaises, et l'alliance suisse, ou l'intégration à la Confédération, paraîtra aux Savoisiens une alternative sérieuse à l'annexion française.
Pour comprendre les origines lointaines du mouvement savoisien, il faut revenir au contexte politique du milieu du 19e siècle.
 
1848-1860: un chassé-croisé politique et idéologique.
Jusqu'en 1848, le "parti avancé", c'est-à-dire les libéraux et les démocrates, s'affirmait nettement francophile. La France incarnait, aux yeux des tenants de ce parti, les valeurs de liberté et de souveraineté populaire qu'ils défendaient. À l'inverse, les conservateurs manifestaient un attachement viscéral aux institutions savoisiennes et à la dynastie, et se montraient nettement francophobes.
Les libéraux et les démocrates approuvèrent la révolution française de 1848, que les conservateurs condamnaient fermement.
La révolution débuta à Paris par l'insurrection de février 1848, qui chassa le roi Louis-Philippe et instaura la IIe République. Puis elle s'étendit à toute l'Europe. Elle gagna les États de la Maison de Savoie, mais elle n'eut pas les mêmes conséquences en France et chez nous.
En France, la révolution de février 1848 déboucha sur les émeutes ouvrières de juin, qui furent réprimées dans le sang, et sur l'élection à la présidence de la République du prince Louis-Napoléon, le futur Napoléon III. Le 2 décembre 1851, jour anniversaire d'Austerlitz, Louis-Napoléon renversa par un coup d'État le régime républicain dont il était constitutionnellement le garant. Il abolit les libertés politiques, il instaura la dictature, préparant ainsi la voie à la restauration de l'Empire l'année suivante.
Les républicains français proscrits se réfugièrent nombreux en Savoie, où les accueillirent les libéraux et les démocrates. C'est à cette occasion que Joseph Dessaix rédigea les premières paroles de l'hymne des Allobroges, qui commencent ainsi:
 
Je te salue, ô terre hospitalière
Où le malheur trouva protection.
D'un peuple libre arborant la bannière,
Je viens fêter la Constitution.
Proscrite, hélas, j'ai dû quitter la France
Pour m'abriter sous un climat plus doux.
Mais au foyer a relui l'espérance
Et maintenant, et maintenant, je suis fière de vous.
 
Au moment où les libertés politiques étaient supprimées en France, les hommes de liberté sont venus se réfugier ici, en Savoie, où les libertés étaient respectées.
Dans les États de la Maison de Savoie, en effet, la révolution avait conduit le souverain à accorder, le 4 mars 1848, un Statut constitutionnel qui confiait le pouvoir législatif à un parlement élu. Le Statut n'instaurait pas le suffrage universel: seuls pouvaient voter les citoyens sachant lire et écrire et acquittant 20 livres d'impôt par an. Mais ce Statut établissait l'ensemble des libertés politiques que l'absolutisme des Ducs, inspiré par l'absolutisme français, avait jusqu'alors bannies. La mise en place du Statut s'accompagna d'une politique destinée à consacrer la séparation effective de l'Église et de l'État, qui donna également satisfaction aux libéraux et démocrates savoisiens. Les Jésuites furent expulsés du pays dès le mois de mars 1848. Sur ce point précis, la Savoie souveraine inaugura une politique que la France devait imiter, plus ou moins bien, quelques décennies plus tard...
L'historien conservateur Henri Ménabréa, dans son Histoire de la Savoie, note: "Un revirement étrange s'était opéré. Les libéraux et démocrates avaient été, au début, presque seuls à souhaiter l'annexion à la France. Cela changea après 1848, et surtout quand l'avènement de Napoléon III vint faire, apparemment, de la France un pays ordonné et respectueux de la religion, tandis que les États sardes se radicalisaient et se vouaient aux aventures.
Peu à peu, l'opinion conservatrice accepta l'idée annexionniste et le clergé la propagea. Les démocrates, au contraire, se rapprochèrent du Piémont et oublièrent leurs discours anciens sur les Alpes, frontière naturelle. Brouillée avec Rome et orientée vers l'anticléricalisme, la monarchie du Risorgimento leur plaisait plus que l'Empire français, ses préfets et ses évêques, quand le fond de leurs passions était la crainte et la haine du parti prêtre. Quand Rattazzi proposa d'adopter un régime uniforme pour tous les cultes, les démocrates savoyards le soutinrent de leurs votes, et ils approuvèrent également son projet de confisquer les biens des communautés et établissements religieux au profit d'une Caisse chargée de pouvoir aux traitements des séculiers. Cette loi sarde des congrégations fut au contraire vivement combattue par les députés conservateurs, et l'opinion de la province les soutint. Le gouvernement de Cavour, en complétant la loi des congrégations par la réglementation des biens de fabrique des écoles libres, acheva de s'aliéner l'épiscopat, les prêtres de paroisses et les fidèles. Désireux d'avoir en Savoie des partisans, Cavour les choisit parmi les démocrates." (1)
Cette citation illustre bien le fait qu'en 1860 la Savoie était dotée d'un Statut qui avait fait de ce pays un pays libre, débarrassé en partie de l'influence, qui pouvait se révéler néfaste, de l'Église. Pour regagner cette influence, pour mettre un terme à la démocratisation de la Savoie, les conservateurs ont alors pris le parti de l'annexion.
La France, pays de la dictature césarienne qui s'appuyait sur l'Église, perdit tout attrait aux yeux des libéraux et des démocrates savoisiens. Dans le même temps, elle s'attirait peu à peu les sympathies des conservateurs.
Mais les démocrates ne se contentaient pas d'approuver le Statut constitutionnel que leur avait donné le Roi. Ils se tournaient aussi, en quête d'inspiration, vers le régime helvétique.
Henri Ménabréa écrit: "Les démocrates savoyards eux-mêmes avaient des tendances helvétisantes, et un de leurs chefs avait imaginé que la Savoie, voulant se séparer du Piémont, et ne pouvant guère devenir un État séparé viable, elle pourrait garder son autonomie sous la forme d'un canton." (2)
Ceux qui voulaient défendre les libertés en Savoie, l'indépendance de la Savoie, se sont tournés vers la Suisse, en quête d'un modèle politique et, éventuellement, d'un appui diplomatique. Le parcours de Grégoire Hudry-Menos, le chef de file des anti-annexionnistes et du mouvement démocrate, illustre parfaitement les liens qu'ils avaient noués avec la Suisse.
 
Grégoire Hudry-Menos, Savoisien pro-Suisse.
Né en 1823 à Villard sur Boëge, il s'était heurté, adolescent, à l'hostilité persistante du curé du village. Après des études à Turin de 1843 à 1846, Hudry-Menos rejoint en 1848 l'équipe rédactionnelle du Patriote savoisien, un périodique démocrate animé à Chambéry par Nicolas Parent. Ce périodique cessa de paraître en 1851 sous la pression des autorités.
Grégoire Hudry-Menos se rend alors en France, à Lons le Saunier, où il collabore au Patriote jurassien. Ce journal est obligé de cesser sa parution après le coup d'État de Napoléon III. Sous l'influence de son rédacteur en chef, Hudry-Menos s'est converti au protestantisme social. Il fait ensuite la connaissance du pasteur genevois César Malan, qui achève sa conversion.
Cette adhésion au protestantisme va prédisposer Grégoire Hudry-Menos à l'helvétophilie. Il se rapproche du radicalisme suisse, qui sort vainqueur d'un conflit interne qu'on a appelé, un peu pompeusement, la guerre du Sonderbund, au moment où s'est constituée la Suisse moderne.
De retour au pays, Grégoire Hudry-Menos fonde, en novembre 1852, avec l'appui des milieux calvinistes de Genève, Le Glaneur Savoyard, qui est destiné à propager ses idées, et en mars 1859 il prend la direction du Statut et la Savoie, qui va s'opposer jusqu'à la fin à l'annexion. (3)
Ses écrits et ceux de ses partisans révèlent ce qui oppose désormais irréductiblement les démocrates savoisiens à la France et qui les pousse vers la Suisse fédérale: le refus de la centralisation, qui menace de détruire l'identité savoisienne si la Savoie, pour son malheur, devait, contre leurs vœux, être réunie à la France. Cette centralisation ne laisse aucune place aux libertés locales, sur lesquelles se fonde la démocratie réelle.
Dans l'éloge funèbre de Grégoire Hudry-Menos qui parut dans l'édition du 18 avril 1873 du Nouveau Patriote Savoisien, on pouvait lire que "ce qu'Hudry-Menos détestait dans la France, ce n'était pas seulement le despotisme impérial, mais encore et surtout ses institutions, sa tradition unitaire. Nous avons vu combien il aimait la Savoie et ses libertés locales. Eh bien il craignait que nos libertés et notre génie national ne disparussent dans ce vaste nivellement des meurs et des caractères organisé en France depuis la Constitution de l'an VIII."
Grégoire Hudry-Menos avait malheureusement raison.
 
Après 1860, l'helvétophilie persiste.
L'helvétophilie ne disparut pas en Savoie avec l'annexion. Ainsi le radical André Folliet, élu député de la Haute-Savoie le 2 juillet 1871, prononça ces paroles, qui lui valurent l'étiquette de séparatiste: "Si la France était destinée à périr dans les convulsions de l'anarchie ou sous les coups d'État du despotisme, la Savoie tournerait ses regards vers une patrie libre". (4)
Replaçons ces paroles dans le contexte de l'époque: la guerre perdue contre la Prusse et les États allemands, la révolution qui renverse Napoléon III et qui instaure la république, l'anarchie qui règne en France, la Commune écrasée dans le sang comme les émeutes ouvrières de juin 1848. On remarque dans l'histoire cette propension des Français à la guerre civile: depuis 1789, sans remonter jusqu'aux guerres de religion, les mains françaises ont fait couler beaucoup de sang français...
Les Savoisiens n'avaient pas les mêmes habitudes que les Français. En 1871, face aux convulsions dont la France était agitée, ils manifestèrent une fois de plus leur tentation helvétique. Dix ans après l'annexion, la Suisse demeurait ainsi la principale référence des démocrates savoisiens.
On observe la même attitude bien plus tard chez les autonomistes valdôtains, notamment dans les milieux de la Résistance qu'animait Émile Chanoux. Ils imaginaient que l'Italie, débarrassée du fascisme, pourrait se réorganiser sur une base fédérale, à l'image de la Suisse, et conférer la plus large autonomie à ses régions alpines.
Je crois qu'aujourd'hui la Confédération helvétique conserve, pour nous Savoisiens, une valeur d'exemple à suivre, surtout lorsqu'on la compare au régime français. L'hostilité ancienne entre nos deux pays n'a jamais empêché l'existence d'importants points communs relevant de notre identité alpine. C'est précisément à cause de ces points communs que la Suisse peut constituer pour nous un modèle. (à suivre)
Th. M.
(1) Histoire de la Savoie. Réédition: Montmélian, La Fontaine de Siloé, 2000, PP. 316-317.
(2) Ibid., P 341.
(3) Sur Hudry-Menos: Jacques Lovie, L'anti-annexionnisme militant: Grégoire Hudry-Menos ou l'honneur provincial, in Revue de Savoie, 1er et 2e trimestres 1960, numéro spécial du centenaire 1860-1960, pp. 121 à 137, et Paul Guichonnet, Histoire de l'annexion de la Savoie à la France. Les véritables dossiers secrets de l'Annexion, Montmélian, La Fontaine de Siloé, 2003, pp. 280 à 285.
(4) Louis Dépollier, Régionalisme et politique en Savoie. Jules Philippe (1827-1888), Chambéry, Dardel, 1939, p. 130.
 
 
 
 
 
 
Libérer sa voie ? Libérer la Savoie ? Libérer Sa Voie !
Commencer par se libérer soi-même pour pouvoir libérer son pays, c’est le sens du message que nous adresse Michel Fontaine dans son ouvrage Libérer Sa Voie (à paraître) dont Le Savoisien publie de larges extraits.
Michel Fontaine, né en 1947, Docteur en Médecine, vit à Chamonix où il exerce la médecine générale depuis une vingtaine d’années après avoir consacré plus de dix ans à la recherche médicale en immunologie.
C’est de sa réflexion de chercheur, de praticien au contact des malades et de Savoisien passionné de montagne qu’il tire le message fort qu’il nous adresse aujourd’hui.
Pourquoi le problème de la gestion catastrophique des services sociaux n’a t-il jamais été posé et résolu comme il convient? Pourquoi ces différences énormes de coût de gestion entre les différentes caisses d’assurances maladie? Qui profite de cette fuite financière? Pourquoi le modèle de la caisse de Moselle-Alsace, qui est bénéficiaire et rembourse beaucoup plus de prestations que les autres caisses, n’a-t-il jamais été étendu au reste de la France? Pourquoi les autres caisses se sont-elles liguées pour tenter de la faire disparaître? Pourquoi M. Lucé, ancien directeur de la caisse de Moselle, s’est-il "suicidé" de DEUX balles dans la tête en 1981, alors qu’il tentait de mettre de l’ordre dans la gestion de la caisse d’assurance maladie de Marseille?
Toutes ces questions ne concernent malheureusement que le peu qui transparaît et que le système n’arrive pas à occulter complètement. Qu’y a-t-il en réalité derrière tout cela?
De tout ce qui vient d’être rappelé, il découle déjà un fait patent, tangible, irréfutable: le déficit de la Sécurité sociale est voulu, planifié, organisé pour détourner la santé, le mental et l’argent des Français au profit de cette organisation ainsi que du pouvoir et de l’idéologie occultes qui l’animent. L’État français et ses gouvernements successifs, la classe politique et les syndicats, les médias aux ordres, sont les alliés objectifs, les complices conscients ou inconscients de cette escroquerie.
Cette hégémonie tyrannique mais qui rapporte gros à ceux qui en profitent, est naturellement cachée, rendue acceptable par les belles paroles et les belles images que les médias à son service mettent autour. "On" nous parle du meilleur système de protection sociale, que le monde entier nous envie. Les Français tiennent à lui mais ne savent pas qu’il est un des principaux outils de leur asservissement et qu’il tient leur santé en otage. Naturellement "on" oublie de dire que c’est lui qui fiche la France par terre et qui fait d’elle le pays où les prélèvements obligatoires sont les plus élevés au monde. Du fait du coût du travail très élevé que cela occasionne, des milliers d’entreprises sont allées au tapis ou ont dû se délocaliser, ou n’ont pas pu embaucher, un grand nombre de créateurs d’entreprises préfèrent s’expatrier, des marchés colossaux ont été perdus, des millions de chômeurs sont en souffrance… Etc.
Dr Michel Fontaine
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Un regard neuf sur les Hauts-Savoyards pendant la Seconde guerre mondiale.
Pendant toute la guerre, le tourisme fut florissant, été comme hiver, en Savoie du nord. Ce n'était pas un engouement soudain pour les sports d'hiver, les cures, la randonnée ou la baignade, mais on venait de toute la France séjourner dans un pays où l'on pouvait, en y mettant le prix, manger largement à sa faim. En février 1945 la guerre était finie mais les restrictions alimentaires sévissaient plus durement que l'année précédente, et le nouveau préfet prit la décision d'expulser les touristes! Tel est l'un des aspects insolites de la Savoie pendant la guerre que révèle l'ouvrage de Paul Abrahams.
Il s'agit de la thèse d'un chercheur anglais, rédigée en 1991. Pour la première fois elle a été traduite en français, par Jean-Claude Guerry, et elle est rendue accessible au public local par les deux sociétés savantes du nord du département, la Salévienne et l'Académie Chablaisienne. Christian Sorrel, dans sa préface, n'hésite pas à comparer cette thèse aux travaux de l'américain Robert Paxton, qui renouvela en profondeur la connaissance historique du régime de Vichy à partir des années 1970.
Paul Abrahams a été le premier historien (et peut-être le seul à ce jour) à lire les archives entrouvertes, à Annecy, à des chercheurs triés sur le volet. Beaucoup des archives de la période 1939-1945 restent secrètes, mais Paul Abrahams a pu prendre connaissance des rapports que le préfet recevait des fonctionnaires départementaux, gendarmes, policiers des Renseignements Généraux, services scolaires et autres. Une bonne part de ces rapports s'appuient sur le travail du SCT (Service du Contrôle Technique), un service secret qui interceptait la correspondance postale et les conversations téléphoniques.
Paul Abrahams ne prétend pas avoir tout dit sur cette période, ni avoir atteint la vérité historique absolue. Il ne se fera pas que des amis, car cet Anglais n'hésite pas à écrire, dans son introduction, que la plupart des livres publiés sur le sujet sont "entachés d'erreurs", et que les livres de Michel Germain, "un enseignant local", "comportent des dialogues fictifs, mais pas de notes de bas de page" et "ne présentent au demeurant guère d'intérêt historique"...
Il est impossible de rendre compte de cet ouvrage dense, détaillé, documenté. Une foule d'anecdotes peint par petites touches le tableau complexe d'une population traumatisée par la défaite, angoissée, obsédée par les soucis quotidiens (manger, se chauffer, éviter de se compromettre...), désorientée par une politique nouvelle qu'elle ne comprend pas (car elle ne s'informe pas), et glissant vers une guerre civile bien française (d'où le titre "La Haute-Savoie contre elle-même") qui éclate à la faveur de circonstances exceptionnelles, et surtout en 1944 alors que l'État s'effondre et que les gendarmes, redoutant les coups de main des résistants, ne sortent plus de leurs casernes des villes.
Paysans contre ouvriers, ruraux contre citadins, ouvriers contre patrons, pauvres contre riches, Savoyards contre étrangers (avec un soupçon d'antisémitisme, toutefois fort peu développé en Savoie), à ces antagonismes sociaux s'ajoutent les jeux compliqués et changeants des antagonismes politiques. Tous ces conflits d'intérêts ou de convictions sont sans pitié, l'esprit de revanche va jusqu'aux pires procédés, vols, violences, dénonciations, tortures, meurtres et exécutions sommaires. Tout au plus les solidarités familiales peuvent-elles, parfois, faire inventer des accommodements, comme en 1943 quand urbains et ruraux se liguent contre le STO et s'organisent pour cacher les jeunes réfractaires au travail en Allemagne. Quand aux rapports entre résistants et population, Paul Abrahams les décrit sous un jour très cru de violences généralisées et d'incompréhension réciproque, tout en soulignant l'exception de la vallée de Thônes, où se serait maintenue, depuis la révolte de 1793, une culture de résistance collective à l'oppression...
Voilà un livre remarquable, un livre indispensable pour quiconque veut étudier sérieusement cette période dramatique de l'histoire de la Savoie du nord.
 
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Paul Abrahams, La Haute-Savoie contre elle-même: 1939-1945, Les Hauts-Savoyards vus par l'administration de Vichy, édité par La Salévienne et l'Académie Chablaisienne, 2006, 372 pages, 22 euros. ISBN 2-905922-20-6
 
 
 
 
 
 
Une Histoire de Bretagne en livre de poche.
Les livres ne manquent pas sur l'histoire de la Bretagne, mais celui-ci fera date à plus d'un titre. Par son format "poche" et son prix très modique, il est accessible à tous et d'un usage pratique. Sa lecture est facile et l'auteur va à l'essentiel. Chaque chapitre s'ouvre par quelques repères chronologiques, qui situent l'histoire de la Bretagne dans le contexte de l'histoire mondiale, en privilégiant l'histoire parallèle des autres nations celtiques, Irlande, Écosse, Pays de Galles et Cornouailles.
La présentation des différentes périodes historiques est nécessairement brève et synthétique, car le format l'impose. Libre à chacun d'aller chercher des compléments dans d'autres ouvrages. Mais l'auteur ne fait pas l'impasse sur la période la plus récente, avec l'apparition des différents mouvements et partis bretons au 20e siècle, l'évolution de l'économie, le renouveau culturel, jusqu'aux plus récentes controverses autour de l'attentat de Quévert (19 avril 2000, les coupables n'ont pas été retrouvés mais plusieurs militants bretons ont fait des années de prison pour rien).
Jean-Pierre Le Mat, ingénieur et chef d'entreprise, et aussi historien, annonce la couleur dès la couverture: son histoire de Bretagne tente de donner sur ce sujet "le point de vue breton". Il n'hésite pas à émettre des jugements sévères. La conduite de la Duchesse Anne, qui épousa successivement les rois de France Charles VIII et Louis XII, en 1491 et 1499, est qualifiée de "transgression des valeurs et un crime politique". Rien n'est occulté de la violence par laquelle les Français réussirent à s'emparer de la Bretagne. De même nous lisons: "Le règne du grand Roi Louis XIV (1643-1715) fut pour la Bretagne une calamité". En effet, les Bretons ne cessèrent de se révolter contre l'oppression et de subir les plus féroces répressions.
Les fameux corsaires bretons (Duguay-Trouin, Cassard) qui firent la fortune de Saint-Malo et Nantes durant ce règne et celui de Louis XV, sont décrits sans complaisance comme des pirates encouragés par le pouvoir royal français, qui cherchait à ruiner le commerce anglais et hollandais.
Une autre originalité de ce livre est sa longue postface, dans laquelle l'auteur nous livre ses réflexions d'historien sur les difficultés de ce métier: qu'est-ce qu'un livre d'histoire? de quel droit choisit-on un point de vue historique? que signifie une "histoire de Bretagne? existe-t-il un point de vue breton sur l'histoire? Jean-Pierre Le Mat nous invite dans son atelier d'historien, où il se pose ces questions et choisit ses réponses personnelles. C'est une démarche rarissime et fort sympathique, alors que les historiens, généralement, préfèrent s'abriter derrière le mythe de l'objectivité et rester discrets sur leurs choix personnels.
 
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Jean-Pierre Le Mat, Histoire de Bretagne, le point de vue breton, éditions Yoran Embanner, 2006, 248 pages, 7 euros. ISBN 2-9914855-24-9